Il est des protagonistes du cinéma asiatique que l’on ne présente plus et Jackie Chan est définitivement de ceux-là. La star martiale de Hong Kong a néanmoins, depuis quelques années, baissée en estime dans le cœur des fans. Avec une carrière US plus calamiteuse qu’autre chose, voilà que désormais Jackie se lance à l’assaut du marché mainland. Par Anel Dragic.
Enchaînant les films de propagandes (The Founding of a Republic, Looking for Jackie, 1911), et les productions internationales, l’acteur délaisse le temps d’un film ses écarts de conduite pour revenir à un projet plus personnel. Pour ce wu xia pian, Jackie Chan collabore avec Ding Sheng, réalisateur en 2008 d’un Underdog Knight assez réussi. Ce dernier retrouve l’acteur avec qui il avait déjà travaillé sur plusieurs spots publicitaires.
Sur la route
Little Big Soldier trouve ancrage au temps des royaumes combattant en Chine. La guerre entre Wei et le village de Liang fait rage si bien qu’il ne reste que des corps inertes sur un champ de bataille. De ce massacre se relève Jackie Chan, simple fantassin sans nom. Le soldat, pleutre, a survécu à la bataille en feignant la mort. Il trouve au milieu des cadavres le jeune général ennemi blessé (Wang Lee Hom, le « Jin Kazama » de Avenging Fist). Le petit soldat décide alors de faire prisonnier le général et de le ramener jusqu’à son royaume afin de toucher une récompense : un champ. En cultivant ses terres, cela permettrait au petit soldat de vivre une vie humble.
Sur cette base, le script écrit à quatre mains par Jackie Chan et Ding Sheng conduit les deux personnages à traverser de grandes étendues jusqu’au village de Liang. À la manière de Midnight Run de Martin Brest, l’intrigue repose sur son duo, l’un comique, fanfaron, tandis que l’autre reste impassible. Le soldat de Liang aspire à une vie simple, sans guerre. L’alchimie entre les deux personnages fonctionne et construit un rapport fructueux entre les deux. Des liens se tissent, entre respect et compassion qui mèneront chacun des personnages à sa propre destinée (pas de spoilers ici, vous verrez par vous même).
Le film prend la forme d’une belle aventure. Nos deux personnages traverseront de magnifiques décors naturels (sublimés par les qualités visuelles du Blu-ray), et croiseront sur leur route de nombreux obstacles : des brigands, une armée d’ennemis ou encore un peuple barbare, ce qui vaudra au spectateur quelques séquences d’action.
Les trois royaumes
Qui dit Jackie Chan dit forcément action. Voir l’acteur s’attaquer au wu xia pian étonnait un peu (mais pas vraiment puisque le genre est à la mode en Chine pop) étant donné que celui-ci est un enfant du kung fu, plus à l’aise avec les sauts que dans les affrontements au fer. Qu’en est-il des séquences d’action ?
Celles-ci, dirigées par pas moins de cinq directeurs des combats (Jackie himself ainsi que quatre jeunes avec qui il a auparavant collaboré), ne s’avèrent finalement pas bien différentes de celles que l’acteur à l’habitude de livrer. En s’attaquant au wu xia pian, Jackie garde intact son style sautillant et son utilisation des décors. La vieillesse n’aidant pas, il ne faut cependant pas s’attendre à le voir récidiver ses performances les plus ahurissantes. Cela reste majoritairement terre à terre, mais l’acteur s’amuse à exécuter de belles chorégraphies, en jouant avec les objets, les vêtements, comme il si l’a si souvent fait au cours de sa carrière. L’inventivité pour pallier le manque de force en somme.
Généralement lisibles, les scènes manquent peut-être en revanche d’amplitude et sont parfois cadrées de manière trop serrées. Jackie incorpore par contre les touches comiques nécessaires à son style, ponctuant régulièrement les attaques par des gags biens trouvés (la fausse flèche accrochée à son costume). On regrettera en revanche que Yu Rong Guang et Ken Lo, dont les rôles se limitent à des apparitions, soient largement sous-employés.
Verdict :
Livrant un film mature, tout en humour et sensibilité, Jackie Chan et Ding Sheng réussissent là où on ne les attendait pas. Une jolie prouesse avant que l’acteur ne replonge dans sa carrière propagandiste, en attendant son futur Chinese Zodiac, troisième opus de sa saga Armour of God qu’il annonce comme son dernière ride d’action/comédie.
Anel Dragic.
Little Big Soldier de Ding Sheng, disponible en DVD et Blu-ray, édité par HK vidéo, depuis le 24 avril 2012.