Et c’est reparti pour un tour. Retour à Deauville pour cinq jours de cinéma asiatique. Première journée, où l’on se demande ce qui nous attend et si le film d’ouverture, qui nous emmène dans un Tibet solaire, va annoncer le meilleur ou le pire pour la suite.
What did you expect ?
Introduction par Victor Lopez.
Dès notre arrivée à Deauville, nous apprenons, avec une pointe de déception, que Pen-ek Ratanaruang ne viendra pas… dommage pour notre entretien. En même temps, on ne peut pas vraiment dire que les sections Regards et Hommages soient des plus fournis cette année. À peine deux films du réalisateur de Vagues invisibles (soit ce dernier et Ploy) viendront accompagner l’avant-première du très attendu Headshot. Plus un clin d’œil qu’un regard… Quant à l’hommage à Kurosawa Kiyoshi, il fera à peine office d’amuse-gueule discret à la rétrospective que concocte la Cinémathèque de Paris à partir du 14 mars, en proposant six films parmi les plus connus du cinéaste (Cure, Charisma, Kaïro, Tokyo Sonata, Rétribution, et petite surprise, l’excellent License to live). Soit un hommage un peu fantomatique…
Il ne nous reste plus qu’à demander à rencontrer les membres des jurys pour leur demander de nous parler de leur vision du cinéma asiatique. Des personnalités comme Tahar Rahim (à l’affiche du dernier Lou Ye) ou Jean-Pierre Limousin (réalisateur français japonisant) vont très certainement avoir de passionnants témoignages à nous délivrer. On peut être plus sceptique sur le choix du jury Action Asia, dont le but semble de réunir le casting de Disco (l’actrice Isabelle Nanty – présidente du jury de surcroît, et le compositeur Philippe Kelly) devant les exploits de Iko Uwais. Si la surprise est donc dans la salle, elle sera aussi sûrement sur les écrans avec une petite poignée de films assez attendus. Outre The Raid, idéalement projeté le samedi à 22 heures 30, on aura le plaisir de découvrir le long métrage chinois The Sword Identity et le film coréen War of the Arrows. On regrettera cependant que l’intriguant carton taïwanais, Warriors of the rainbow : Seediq Bale, ne soit présenté que dans sa version courte et que le Jet Li de la saison, The Sorcerer and the White Snake, que Maître Shifu ne nous conseillait pas vraiment ici, ne soit pas le dernier Tsui Hark.
Niveau sélection officielle, nous avons déjà réservé nos places pour l’incontournable Himizu de Sono Sion et le nouveau délire de Matsumoto : Saya Samourai. À priori, le reste de la compétition ne fait pas rêver, mais l’on se rappelle de bonnes surprises l’an passé (Birthright, Eternity et Buddha Mountain), et l’on surveillera donc d’un œil attentif les premiers films. On mise à l’aveugle sur l’iranien Death is my profession, alors que le film tibétain The Sun-Beaten Path, qui faisait l’ouverture, se révèle déjà comme une bonne surprise.
Victor Lopez.
Sur la route
The Sun-Beaten Path par Jérémy Coifman.
Pour son premier film, Sonthar Gyal entraîne le spectateur dans un Tibet désertique. C’est The Sun-Beaten Path, film d’ouverture de ce festival asiatique de Deauville 2012.
Nyma est un homme rongé par la culpabilité. Par accident, il tue sa mère, passée sous les roues de son tracteur. Désemparé, il ne trouvera qu’une solution : la fuite. The Sun-Beaten Path, c’est avant tout la fuite d’un homme, son errance pour trouver la paix. Il marche, marche encore, sans pour autant réussir à faire la paix avec lui-même. Sur le chemin, il rencontre un vieil homme qui se prendra d’amitié pour lui. Il ne veut pas rentrer, n’en a pas la force. Sa femme l’attend, pourtant Nyma continue de marcher.
The Sun-Beaten Path est beau, très beau. Sonthar Gyal est un ancien directeur photo et ça se voit. Son sens du cadre et de la lumière enchante. Il parvient à retranscrire le malaise de cet homme perdu au milieu de nulle part, comme prisonnier de ces grandes étendues sans pitié. Les plans sont longs, très travaillés, toujours très poétiques, sans pour autant tomber dans une certaine préciosité.
Surtout, le film émeut. Tout d’abord parce qu’il déborde de sincérité. Le réalisateur livre une œuvre ultra personnelle, toujours généreuse, jamais facile. Très difficile à appréhender, le film peut laisser le spectateur sur le carreau. En cause, un rythme d’une lenteur qui peut être décourageant pour beaucoup. Pourtant, celle-ci se révèle nécessaire. Elle intensifie la difficulté de faire son deuil, la longueur et le caractère douloureux de l’errance de Nyma.
The Sun-Beaten Path, à force d’errance, de grands espaces, parvient à nous mettre dans le même état que son personnage principal. Nyma perd peu à peu pied, s’enferme dans une sorte de mutisme, puis le réel et le délire s’emmêlent. Gyal enchaîne les séquences (la moto, les deux personnes rampant sur la route pour faire repentance), entre étrangeté et poésie.
Le film finit par baigner dans une athmosphère presque fantastique. D’ailleurs, on peut presque voir The Sun-Beaten Path comme tel. Le vieil homme accompagnant Nyma, apparaît, disparaît, et c’est à se demander si ce n’est pas une création de l’esprit du jeune homme. Surtout, ce vieil homme est le reflet de Nyma. Il est cet homme qu’il pourrait devenir s’il ne rentre pas chez lui. Durant son périple, le vieil homme reçoit plusieurs coups de téléphone, sa famille l’attend. Puis, la fin montre le regard d’un enfant, c’est l’avenir. Le film joue beaucoup sur l’aspect cyclique de la vie, dans les dialogues, les situations. Le film se révèle baigné de symbolisme, sans pour autant être lourdaud.
Finalement, on n’attendait rien de ce film tibétain et il se révèle être un véritable coup de cœur. Une photographie de toute beauté, des thèmes forts et touchants et un cœur énorme. Un voyage mélancolique et spirituel dans des terres meurtries. Un film touchant. Coup de cœur.
Verdict :
Jérémy Coifman.
À lire également :
Carnet de Deauville : jour 1, ouverture (The Sun-Beaten Path)
Carnet de Deauville, jour 2 : Death is my Profession, Seediq Bale, Saya Samourai
Carnet de Deauville, jour 3 : The Sorcerer and the White Snake, Mourning,The Sword Identity
Carnet de Deauville, jour 4 : The Raid, Headshot, I Carried you Home
Carnet de Deauville, jour 5 : Himizu, War Of The Arrows, Bilan