Au milieu d’une sélection particulièrement inégale, Someday était particulièrement attendu. Il faut dire que le buzz semblait aller bon train parmi les réguliers de Kinotayo et certains spectateurs qui avaient déjà vu le film parlaient d’une petite pépite. Finalement qu’en est-il ? Le film tient-il ses promesses ou s’agit-il d’un pétard mouillé ? Voyons ça de suite. Par Anel Dragic.
All’s Well Ends Well
Sakamoto Junji est un curieux personnage. Le réalisateur est en effet capable de passer de productions indépendantes à un cinéma plus commercial, sans que l’on ne trouve la trace d’une véritable patte. Comme pas mal de cachetonneurs, on pourrait même parler d’un cinéaste impersonnel. Bien qu’il ait commencé comme assistant d’Ishii Sogo, on ne peut pas dire que l’on retrouve l’influence de ce dernier dans un film tel que Someday. La filmographie du réalisateur se caractérise par sa diversité, voir son inconstance. Après avoir emballé un film coup de poing (Knock Out! en 1989… bon ok, le jeu de mot était facile) qui lui a permet de se faire un nom, le réalisateur se permet des tentatives plus osées du côté du drame (Face, pour lequel il reçoit le prix du meilleur réalisateur aux Blue Ribbon Awards en 2000 ainsi que celui du réalisateur de l’année de la Japan Academy en 2001). Il n’oublie pas non plus d’orienter également sa carrière vers des films plus grand public (Zatoichi the Last) histoire de gagner un peu plus de popularité (et de pognon au passage) qu’il n’en a déjà. Finalement on ne s’étonnera presque pas de le voir toucher à la comédie de mœurs, pourtant aux antipodes des œuvres citées précédemment.
Someday fait un peu penser à ces comédies de nouvel an hongkongaises, le genre ou l’on nous sert au public un casting all-stars de manière à attirer les gens en masses dans les salles. La Toei signe les chèques et se paye Harada Yoshio (dans un des ses derniers rôles), Okusu Michiyo (qui retrouve le réalisateur qu’elle a déjà côtoyée dans Tekken ou encore Face), Kishibe Ittoku (sa filmo est longue comme mon bras… je ne vais pas vous la faire), Sato Koichi, quelques acteurs qui parlent aux djeuns (Matsu Takako, Tomiura Satoshi, Eita) et puis des petites apparitions qu’on aime bien (Denden, Mikuni Rentaro), tous dans des rôles attachants pour ne pas trop brusquer le spectateur.
Quelque part, il n’est pas étonnant que le film ait rencontré un certain succès auprès du public cette année. La sélection était en effet composée majoritairement (exclusivement ?) d’œuvres dépressives. Au beau milieu des histoires de suicides, d’infidélités, de maladie et autres drames, Someday s’avère être la seule véritable comédie présentée cette année en compétition. Le film de Sakamoto Junji se démarque donc par cette petite bouffée de d’oxygène, mais traite également de problèmes dramatiques sur un mode plus léger que la plupart de ses concurrents.
Bienvenue chez les japs
Le scénario, écrit par Arai Haruhiko d’après une histoire originale de Nobue Hiroshi nous place d’office dans un village reculé, celui d’Ôshika, à Nagano. Celui-ci est réputé pour son spectacle de kabuki annuel, et dont la pratique de l’art fait partie du mode de vie des habitants. Parmi eux, Zen (Harada Yoshio, impeccable !) tenancier d’un restaurant où l’on sert de la biche (le restaurant se nomme le « Deer Eater », saisissez le jeu de mot), un peu rabougris par la vieillesse et par un évènement particulier de sa vie. 18 ans auparavant, sa femme Tatako (Okusu Michiyo) l’a quittée pour Osamu (Kishibe Ittoku), son meilleur ami, partis tous deux à la ville et laissant Zen seul dans sa cambrousse. Un jour, Takako et Osamu reviennent au village. Ce dernier vient en réalité « rendre » sa femme à Zen, car celle-ci est prise d’une crise de démence qui la rend partiellement amnésique. Zen décide de les héberger et tente progressivement de faire recouvrir la mémoire à Takako.
Dans ce village typique des zones rurales nippones, la vie est bouleversée par le retour inopiné de Takako et Osamu. Tout le monde se connait et très vite la nouvelle se repend. Car bien que le trio soit au centre du récit, c’est le village qui est le personnage principal de l’histoire. Les personnages secondaires animent l’endroit d’un souffle enjoué qui manque au trio à la mine plutôt abattue. Ceux-ci sont nombreux : Satô Kôichi joue les chauffeurs de bus qui rêvent de voir une ligne de train se construire dans la région afin de lui redonner vie, il est amoureux de Mie (Matsu Takako) qui envisage de partir à Tokyo. Il y a également Daiji (Tomiura Satochi), un jeune androgyne qui s’interroge sur sa sexualité et trouve une place dans le restaurant de Zen. Il aura très vite une attirance pour Kanji (Eita), un facteur qui s’occupe de faire tourner la scène lors des spectacles de kabuki.
Chaque personnage ici tient une place particulière, à la fois dans le village, mais également en tenant un rôle, dramatique ou technique, lors des représentations. Les liens entre les habitants restent consolidés grâce à ce spectacle qui entretient une tradition qui fait la réputation d’Ôshika. A l’image de sa population vieillissante, le village se meurt, la population s’épuise. Le film aborde de cette manière un véritable problème qui est l’agonie des zones éloignées de la mégalopole au Japon. Le parallèle entre la ville qui s’éteint et la population vieillissante se maintient également dans ses aspects positifs puisque le kabuki entretient la flamme qui fait vivre le village, son domaine comme ses habitants. Ces représentations font également partis des meilleurs moments du film, et la séquence finale vient faire se jouer sur une scène tous les enjeux existants entre les protagonistes.
Verdict :
Someday reste finalement un bon film, pour lequel on peut avoir de la sympathie. La mise en scène simple (pour ne pas dire plate) du réalisateur s’efface derrière ses acteurs qui livrent de très belles performances, notamment lors des scènes de théâtre, et donnent son charme au film. Quant à savoir s’il s’agit du meilleur présenté à Kinotayo ? Difficile à dire, mais il ne serait pas étonnant que le métrage remporte l’adhésion d’un public lui aussi vieillissant.
Anel Dragic.
Someday de Sakamoto Junji est présenté, du 8 au 29 novembre 2011 dans le cadre du festival Kinotayo. Film de clôture le samedi 26. Séances et horaires ici !