Enquête sur Detective Dee

Posté le 20 avril 2011 par

La sortie en salle de Detective Dee est un événement cinématographique de taille. Rares sont en effet les blockbusters asiatiques à nous parvenir, plus rares encore sont ceux qui sortent au cinéma. Depuis le succès mitigé des Trois Royaumes de John Woo, même en version courte, les distributeurs se montrent bien frileux, et les films à grand spectacle atterrissent presque exclusivement dans nos salons, au mieux en DVD, au pire en Divx. Par Victor Lopez.

On espère Detective Dee capable de changer la donne, comme avait pu le faire Tigre et dragon à son époque. La comparaison sur l’affiche française (“le plus grand film d’aventure depuis Tigre et dragon”) ne souligne pas vraiment une filiation entre les deux œuvres, tant elle serait difficile à trouver. Tsui est un cinéaste innovant, d’une importance capitale, constamment en mouvement. A l’inverse, Ang Lee est un tâcheron auteuriste incapable de dynamiser les genres dans lesquels il travaille. Tigre et dragon en est l’illustration : le film se contente d’américaniser les codes du wu xia qu’il recycle à sa sauce mollassonne en s’appuyant totalement sur les chorégraphies de Yuen Woo-ping. La comparaison semble plus refléter le désir des distributeurs (et franchement, le notre aussi) de tenir là un gagnant au box-office, et de voir fleurir sur nos écrans une multitude de films asiatiques après le succès de Dee, comme la popularité de Tigre et dragon avait en son temps ouvert une brèche à des films plus intéressants.

Si l’on souhaite tout nos vœux de réussite à ce Dee, cela ne nous empêche pas, à East Asia, d’être bien plus circonspect sur les qualités du film. En fait, trois manières antagonistes d’appréhender le film ont divisé la rédaction. A ma droite, un rejet complet de l’œuvre incarné avec colère par un Olivier Smach remonté contre un réalisateur dont il attend tant, et qui est incapable de lui donner satisfaction depuis Time and Tide. Voici les cinq piliers de sa déception :

1. Un scénario politico-mystique soporifique au possible.
2. Un grand méchant de service complètement inexistant, avec un non-développement psychologique, qui fait que l’on ne s’attache pas au personnage. Cela se répercute sur l’intensité dramatique du combat final, proche du néant.
3. Un C.G.I des plus laids, il faut voir la scène pathétique avec les cerfs ou encore celles des morphings, aux effets visuels dignes des Visiteurs.
4. Un gros manque de lisibilité dans les chorégraphies, l’un des point forts du réalisateur pourtant, surtout quand c’est Sammo Hung qui s’en charge…
5. Un film propre, lisse, grand public, sans une seule goute de sang, fait pour plaire et remporter l’adhésion du plus grand nombre.

Bref, on est très loin pour Olivier du génial cinéaste du chaos qui étourdissait à l’époque d’ Il était une fois en Chine ou de The Blade.

A ma gauche, on applaudi à deux mains au grand retour du maître. Pour Justin Kwedi, les chorégraphies sont magistrales et “Tsui Hark semble avoir fait la synthèse parfaite entre ses deux mentors Chu Yuan et King Hu. Du premier, le scénario mêle joyeusement serial truffé de rebondissements et enquête policière teinté de surnaturel et du second le goût pour les intrigues de palais tortueuses”. L’enthousiasme à voir un bon film de Tsui est communicatif, même si les raisons de la réussite selon Justin rejoignent celles de la déception selon Olivier : “Le rythme ébouriffant est porté par une mise en scène de Tsui Hark toujours aussi folle mais plus maîtrisée. Le réalisateur a en effet mis de côté son goût pour l’anarchie et offre une tonalité posée et accessible à tous. De plus cette fois il a eu les moyens de ses ambitions et l’ensemble est visuellement luxueux (tout juste quelques trucages numériques un peu laids) pour une reconstitution épatante. Les morceaux de bravoures grandioses sont légions dont une expédition dans le « marché fantôme » et un final compte à rebours à la James Bond parmi les plus mémorable”.

Bref, le film divise, et peut-être tout simplement parce que les temps ont changé depuis les grands films du cinéaste et que le passage à une autre époque, un autre style de cinéma crée toujours ce genre de réactions très contrastées (c’est là la troisième lecture, que l’on va dire médiane). C’est la question que pose Anel Dragic dans son analyse du film, et je vous laisse lire sa critique pour y découvrir sa réponse.

Un retour sur la filmographie du cinéaste nous a alors semblé nécessaire pour comprendre ce nouvel opus, et nous nous sommes donc attachés à décortiquer la carrière de Tsui film par film, afin de dresser les contour d’une œuvre en évolution constante depuis Butterfly Murders en 1979.

Bonnes lectures et surtout, bon(s) film(s) !

See you, space cowboys !

Victor Lopez.

home@eastasia.fr

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