FFCP 2020 – Me and Me de Jung Jin-young

Posté le 10 juillet 2021 par

Pour sa cérémonie de clôture, le Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) nous a offert en avant-première le premier long-métrage de l’acteur Jung Jin-young, Me and Me.

Il est très ardu de résumer le principe de l’intrigue de Me and Me tant le film est sinueux dans la construction de ses arcs narratifs. Peut-être d’ailleurs, vaut-il mieux ne pas trop en dire, tant il marche bien dans ses révélations successives. L’histoire débute par l’emménagement d’un professeur de classe de primaire Soo-hyeok (Bae Soo-bin) et de sa femme Yi-young (Cha Soo-yeon) dans un petit village tranquille de campagne. Yi-young est atteinte d’un mal mystérieux qui, chaque nuit, la rend possédée par l’esprit d’une personne décédée, qu’il s’agisse de connaissances de son entourage ou de célébrités. Les villageois ayant vent de cette situation, ils prennent peur et décident d’enfermer chaque nuit Yi-young dans une pièce close pour éviter qu’elle devienne un danger potentiel. L’arrangement tourne au drame lorsque la maison de Soo-hyeok et Yi-young prend feu avec ses résidents coincés à l’intérieur. Le policier Hyeong-goo (Cho Jin-woong, excellent dans son rôle et déjà remarqué dans Mademoiselle de Park Chan-wook par exemple) est chargé d’enquêter sur l’affaire. Un évènement mystérieux survient et Hyeong-goo se voit obligé de devenir quelqu’un d’autre, le village entier commençant brusquement à s’adresser à lui comme s’il était le défunt Soo-hyeok.

Me and Me ne cesse de surprendre. Les intrigues se déroulent dans une logique de plus en plus absurde et pourtant, il ne perd jamais le spectateur en cours de route. Les éléments détonants et le mélange des genres fonctionnent et permettent de s’accrocher à l’histoire et aux personnages en intriguant réellement sur les tournants à venir. A ce titre, le suspense est très maîtrisé et tient en haleine tout le long des évènements. Me and Me joue avec les attentes et va au bout de ses idées, aussi étonnantes soient-elles. Jung Jin-young a trouvé le bon contrepoids à une présentation d’intrigues très tortueuses tant l’aspect comique du film est également très bien dosé et intelligent. Il dynamise le film au lieu d’éparpiller l’attention du spectateur et contribue à éveiller l’intérêt même lorsque les séquences sont particulièrement étranges. Le film peut certainement décontenancer tant il ne ressemble à aucun autre long-métrage et assume son originalité jusqu’au bout mais l’expérience vaut nettement le détour. Il faut se préparer, cependant, à ne pas forcément obtenir toutes les réponses des mystères déroulés le long du film et apprécier se laisser porter par la fantaisie de l’épopée de Hyeong-goo. A bien des égards, le film évoque et ressemble à un rêve, dans lequel le protagoniste lui-même a l’impression d’évoluer. Un parti pris aussi extravagant aurait pu vite révéler ses limites mais le film de Jung Jin-young ne cesse de dégager un effet très magnétique qui incite à le suivre dans ses expérimentations.

Le visuel n’est pas en reste et joue énormément sur l’aspect charismatique du film. Le petit village dans lequel se situe la majorité de l’intrigue est filmé avec beaucoup de douceur et transmet une ambiance estivale et tranquille très attachante. Les personnages, également, ainsi que le jeu des acteurs, tous très travaillés et bien dirigés, peut-être par l’expérience d’acteur du réalisateur, aident à entrer dans la bulle de Me and Me. Bien que servant pour la plupart de ressorts comiques, comme le personnage de Hae-kyun interprété par Jung Hae-kyun, tous les personnages principaux et secondaires sont suffisamment approfondis et intrigants pour donner envie de continuer à les voir évoluer dans leur périple. Le réalisateur parvient à rendre à merveille l’ambiance d’une petite ville en autarcie, où les relations interpersonnelles sont le fondement du lieu. Ce tout donne l’impression de se retrouver véritablement à la place du protagoniste, ce qui sied encore mieux à un tel film.

Le réalisateur, lorsqu’il s’est exprimé sur les raisons qui l’ont poussé à faire ce film et sur ce qu’il souhaitait transmettre, a évoqué un dialogue bouddhiste, car le plus important pour lui n’était pas la conclusion mais le cheminement et le fait de pousser le spectateur à se questionner tout du long, sur le contenu narratif, mais également sur son existence. Le pari est réussi et Me and Me propose tellement qu’il semble impossible de faire le tour complet du film dès le premier visionnage. La proposition est très innovante, intéressante et bien maniée et laisse attendre avec impatience des nouvelles de la filmographie de Jung Jin-young en tant que réalisateur.

Elie Gardel.

Me and Me de Jung Jin-young. Corée. 2020. Projeté dans le cadre du Festival du Film Coréen à Paris 2020 (reprise de juin 2021).

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