Le Film de la semaine : L’Héritage des 500 000 de Mifune Toshiro (en salles le 03/04/2019)

Posté le 30 mars 2019 par

Le 3 avril, Carlotta ressort en salle une vraie rareté avec L’Héritage des 500 000,  la seule réalisation de Mifune Toshiro.

Durant la Seconde Guerre mondiale, le commandant Matsuo participe à l’ensevelissement de plusieurs milliers de pièces d’or dans la jungle philippine. Alors qu’il pensait ce trésor enfoui à tout jamais, voilà qu’un riche homme d’affaires, Mitsura Gunji, lui propose de partir à la recherche du butin. Contraint d’accepter, Matsuo retourne aux Philippines accompagné de quatre hommes recrutés par Gunji…

L’Héritage des 500 000 est l’unique long-métrage réalisé par le grand Mifune Toshiro qui endosse également les casquettes d’acteur et producteur. La Toho va lui allouer des moyens conséquents avec un tournage aux Philippines, tandis que la tutelle du mentor et partenaire Kurosawa Akira plane sur le film. On retrouve en effet dans l’équipe plusieurs collaborateurs privilégiés de Kurosawa comme le scénariste Kikushima Ryuzo, le compositeur Satō Masaru ou encore le directeur photo  Saitō Takao – tandis que Kurosawa en personne vient donner un coup de main au montage. Le film est également un savant mélange des élans picaresques, de l’ironie et de l’humanisme de Kurosawa mais Mifune parvient à s’en affranchir en lui donnant une vraie identité.

On a au départ un postulat de film d’aventures à travers une chasse au trésor constituée d’un chargement d’or perdu par l’armée japonaise au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Mifune Toshiro incarne un soldat embarqué malgré lui par des commanditaires cyniques car, ancien commandant durant la campagne philippine 20 ans plus tôt, il est le seul capable de retrouver le butin dans la tortueuse jungle. Le nationalisme fanatique qui animait les soldats japonais en ces lieux a désormais laissé place à une obsession plus contemporaine mais tout aussi néfaste avec la profonde avidité qu’attise cet or. On découvre ainsi les tristes sires servant de compagnons de route à Mifune, prêts à toutes les bassesses pour parvenir à leurs fins. Au contact du vétéran qui, tout en les manipulant, parvient à raviver leur humanité, chacun s’éveille cependant progressivement à une forme de conscience au fil d’une première partie introspective et à rebours des grands espaces traversés. Les intentions nobles de Mifune (rendre le trésor aux familles des soldats défunts) se heurtent ainsi au cynisme ébranlé de ses comparses.

Les péripéties finalement minimalistes privilégient donc la notion de voyage intérieur où entre le soldat conditionné et l’aventurier sans scrupules doit ressortir de cette jungle des êtres ayant retrouvé leurs âmes. Dans cette idée, le climax émotionnel du film intervient peu avant sa réelle conclusion, avec pour enjeu le retour penaud de compagnons ayant fui avec le butin avant de s’en repentir. Bien équilibré entre élans contemplatifs et accélérations inhérentes au genre (poursuites, combats, descentes de rapides en radeau), le film bénéficie d’une facture technique de grande qualité. La beauté des paysages philippins comme la moiteur de la jungle sont filmés avec une belle ampleur et inspiration (la photo de Saitō Takao est vraiment somptueuse). On peut supposer que les déboires de tournage de Barberousse – forcé de garder sa barbe durant les deux ans de la production à rallonge du film, Mifune met sa société de production en difficulté financière ce qui causera une brouille avec Kurosawa – aient peut être empêché Mifune de repasser à la mise en scène malgré cette belle réussite. Cela fait de L’Héritage des 500 000 une œuvre d’autant plus précieuse.

Justin Kwedi

L’Héritage des 500 000, de Mifune Toshiro. Japon. 1963. En salles le 3/04/2019.

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