Imprévisible, touchant audacieux, troublant … Avec A Crowd of Three, Omori Tatsushi signe haut la main le plus beau film de l’édition 2010 de Kinotayo. Par Victor Lopez.
On a découvert Omori en 2006 avec Le Murmure des dieux, qui était sorti en France en DVD après avoir été présenté à Kinotayo. On souhaite le même sort à son second film, A Crowd of Three, tant sa brulante originalité mérite d’être découvert ici ! La force de son cinéma est d’être à la fois immédiatement accessible, tout en faisant en même temps preuve d’une radicalité d’une vraie force artistique. Le cinéaste ne fait ainsi aucune concession à son spectateur dans la construction de son récit, Road Movie fragile et erratique, qui suit Kenta et Jun, deux ouvriers un peu paumés et désœuvrés qui décident démolir la voiture de leur patron au lieu de leur chantier et de prendre la route vers le nord du Japon. On entre dans le film comme si on le prenait en cours de route, et qu’on rejoignait ses personnages pour faire un bout de chemin avec eux. Mais bien rapidement, un fil dramatique va faire son apparition et les causes des actions sans raisons apparentes vont s’éclaircir. La réussite du film est de ne jamais se plier à une logique narrative qui contrasterai avec sa totale liberté. Le récit sait très bien où il va, mais fait aussi magnifiquement semblant de ne pas le savoir pour laisser ses personnages libres et surprendre sans cesse son spectateur.
Sans compromis, A Crowd of Three l’est aussi avec ses personnages. Si l’on sent la compassion d’ Omori pour ces loosers loin d’être magnifiques, et une proximité construite à travers l’usage d’une voix off intérieure très aléatoire dès les premières minutes, le film les montre sans complaisance aucune, et ne cache rien, bien au contraire, de leur bêtise crasse et de leur pitoyable petitesse. Et c’est justement par ce refus d’une écriture unilatérale que le film arrive à toucher, parfois profondément et durablement. On se souviendra ainsi longtemps de cette magnifique scène ou le personnage va rendre visite en prison à son frère psychopathe et pédophile, et qu’il a finit par idéaliser. Son admiration se heurte alors à la réalité sordide de ce qu’il est vraiment, et Omori insiste avec finesse sur les signes de la décomposition intérieure de son personnage en restant sur son visage.
Souvent dur, A Crowd of Three est aussi hilarant par son caractère absurde parfois à la limite d’un non-sens hyper-réaliste. Parmi tant d’autres, une scène réjouissante voit ainsi nos wanna be lascars voler une moto. Alors que l’un s’acharne dessus, une voiture de police passe très lentement à côté d’eux. Non seulement, ils ne la voit pas, mais les policiers eux-même ne voient pas le larcin ! Cet étonnant mélange des genres, allié à la complexité des personnages, donne une profonde humanité à A Crowd of Three, que l’on espère vivement revoir dans nos contrées très rapidement.
Victor Lopez.
Verdict :