The Housemaid de Im Sang-soo (Cinéma)

Posté le 27 septembre 2010 par

Im Sang-so remet au gout du jour avec soin et élégance le classique de Kim Ki-young de 1960. On perd malheureusement à la fois en cruauté et en originalité dans ce dépoussiérage. En 2010, l’adultère n’est plus ce que c’était…


L’Histoire : Issue des quartiers populaires, Euny est engagée comme aide gouvernante dans une maison de la grande bourgeoisie. En se laissant séduire par le mari de la famille pour laquelle elle travaille, elle découvre peu à peu un monde cruel et monstrueux dont elle ne sortira pas indemne.

Well (re)maid ?

Peu vu chez nous, The Housemaid original est un véritable monument cinématographique en Corée. Cette fable morale d’une surprenante cruauté stigmatisait avec violence l’adultère en s’immisçant avec réalisme dans un foyer coréen où le père de famille succombait aux charmes pervers de sa femme de ménage.

La servante

Une telle incursion dans une sexualité taboue était alors inédite dans le cinéma coréen, et glace encore le sang aujourd’hui par son jusqu’au boutisme diabolique. On pouvait donc se demander ce qu’ Im sang-soo, habitué à évoquer la sexualité frontalement depuis son Girl’s Night Out en 1998 allait retenir du film de Kim Ki-young, tant les mœurs ont changé ces cinquante dernières années. Le réalisateur choisit logiquement de prendre ses distances avec l’original, récupérant ses thèmes (l’adultère, l’avortement) et ses motifs (le piano, le huis clos) pour en faire une radiographie de la société coréenne de 2010.

Different Class

L’idée est a priori astucieuse et séduisante : si le film de 1960 arrivait à dresser le portrait des mœurs coréennes de son époque et se focalisait sur la thématique morale de la description de la sexualité, le film de 2010 élargit le propos en déplaçant la lutte du côté social. Alors que chez Kim Ki-young la famille décrite appartenait au mieux à la classe moyenne (leur maison est infesté de rats, le crescendo dramatique se justifie car le mari ne peut prendre le risque de perdre son travail et doit alors répondre au chantage de la Housemaid), Im Sang-soo décrit clairement la classe dominante de son pays, vivant en huis clos dans un univers déréalisé et déshumanisé à force de luxe.

Lorsque l’amie prolo d’Euny lui demande si ça change réellement quelque chose de coucher avec un riche, cette dernière se contente de répondre en exhibant le chèque qu’elle a reçu pour ses services. Ici, l’argent a remplacé les rapports sociaux les plus simples, et tout est devenu monnayable : de l’amour d’une fille aux services sexuels d’une bonne. C’est ce mode de pensée aberrant qui va provoquer l’acte sexuel à l’origine du drame en gestation. La faiblesse de l’homme et le désir pervers de la femme suffisaient en 1960 à entrainer les personnages dans une spirale destructrice, tandis que l’éducation bourgeoise, qui habitue l’homme à ne se voir refuser aucun désir, est aujourd’hui la seule fautive.

« Pourquoi pas ? », se dit-on d’abord : ce glissement est à propos et peut complexifier l’intrigue de The Housemaid. Mais la trop grande rationalisation des enjeux vus par le seul angle social finit par en minimiser la portée au point de devenir trop caricatural. On peut alors déplorer la perte de la diabolique malice du personnage de la bonne, réduite ici à une victime naïve de la méchanceté des riches, qui sont, selon leurs sexes, infâmes et jalouses, ou indifférents et aveugles. A force de conserver la lutte des classes comme seul horizon, le discours écrase un film qui perd la cruauté de l’original, dans lequel la destruction des personnages était autrement plus perverse.

Suicide Club

The_housemaid

Ce caractère binaire et par trop didactique n’empêche pas de beaux moments, accentués par la maîtrise formelle du réalisateur, la précision de ses cadrages, et la joliesse de sa photographie. Ainsi donc la scène d’ouverture arrive à réellement prendre à la gorge : saisissant, dans un style contrastant avec celui du reste du film, un suicide anonyme dans un quartier populaire. A travers les plans volés au réel dans une urgence presque documentaire, on sent la ville vivre et vibrer au rythme de ses habitants, et la souffrance solitaire de la suicidaire dont on ne sait pourtant rien. En réponse à cette scène d’ouverture, l’épilogue, formellement aux antipodes, décrit dans un plan-séquence flottant l’anniversaire surréaliste et décadent de la fille de la famille bourgeoise. La structure même du film indique le passage d’un monde à l’autre et leur opposition totale.

Il n’y a presque rien à reprocher à la réalisation d’Im Sang-soo entre ces deux scènes : le cinéaste filme son huis clos chabrolien avec une application minutieuse, et un souci de rendre chacune de ses compositions signifiantes. On applaudirait même des deux mains, si cette précision avait été apportée à l’écriture, et si les effets du cinéaste ne semblaient pas être là pour pallier à un manque de logique parfois criant dans les actions des personnages. Tantôt incompréhensibles (le passage en mode Sympathie for Mr. Vengeance de la Housemaid), tantôt caricaturaux (la méchanceté semble être la seule caractéristique de la belle-mère bourgeoise), tantôt insignifiants (Hoon, le puissant mari volage, est oublié pendant un bon tiers du film, et quand il revient, la seule explication à son comportement est celui donné par son rang social), les revirements psychologiques semblent se faire un peu au hasard des envies des scénaristes.

The Housemaid

Quand on arrive à la dernière bobine, avec une résolution pourtant annoncée depuis la première, on frise alors le grand n’importe quoi. Ce manque de cohérence prive le film d’aller au bout de son propos social, et laisse l’impression qu’il manque quelque chose de primordial pour lui permettre de dépasser le stade d’exercice de style plaisant, mais un peu vain et prétentieux : une véritable empathie pour les personnages ? Le besoin de mettre de côté un formalisme maîtrisé pour laisser entrer un véritable souffle de vie dans le film ? Où tout simplement une rigueur scénaristique à l’écoute de ses personnages plutôt que de sa thématique et de sa démonstration ?

En résumé : Maîtrisé, et d’une beauté souvent convaincante, le film vaut surtout pour son rapport à son modèle, dont il est bien inférieur. Reste une intéressante radiographie des mœurs et de la société coréenne basée sur une étude des classes très sexuée, mais qui ne va pas au bout de son propos et abandonne ses personnages en cours de route.

Victor Lopez.

VERDICT :

Mouais copier

 

En salles depuis le 15 Septembre 2010. Distribution: Pretty Pictures

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