Et voilà, nous sommes déjà au bout du marathon annuel de films asiatiques d’Udine en cette dernière journée du samedi 28 avril avec la cérémonie de clôture bien en vue… Quoi de mieux qu’une dernière série de tours magiques pour enchanter le public, qui avait été une nouvelle fois très nombreux au rendez-vous ?!! Par Bastian Meiresonne.
Cela commençait par les deux derniers métrages du cycle des films coréens des années 1970, The Divine Bow d’Im Kwon-taek et Flame de Yu Hyun-mok, s’intéressant tous deux au chamanisme…
Mais c’est une sorcière qui a su mettre le feu au fameux Teatro un peu plus tard dans la journée. Le philippin 6 degrees of separation from Lilia Cuntapay est un « mockumentaire » tout simplement extraordinaire sur une figure récurrente du cinéma d’horreur philippin, Lilia Cuntapay. Une vraie dame, sans âge, qui a commencé sa carrière en tant que figurante dans la fameuse franchise des Rattle, Shake & Roll et dont le physique particulier (un visage incroyablement marqué, une bouche sans dents, de looongs cheveux d’argent) a vite fait de la mettre sur le devant de la scène dans plusieurs films de genre en tant que femme maléfique. Un rôle qui a fait à la fois sa fierté et son malheur, les producteurs rechignant à lui confier d’autres rôles au cinéma, de peur du rejet du grand public. C’est à la fois un portrait hyper attachant de ce petit bout de femme hyper énergétique dans son modeste quotidien et de fictionnalisation, comme lorsqu’elle répète son discours de remerciement en vue d’un éventuel « Oscar philippin » ou encore lors de pénibles castings ou même d’annulation de participation à même le tournage. C’est absolument délicieux, du « Striptease » (la célèbre série documentaire belge) adapté sur grand écran avec un plan final, qui arrachera des larmes aux spectateurs les plus endurcis de la salle.
Des philippins venus en force, puisque le mockumentaire The woman in the sceptic tank était l’autre bonne surprise du festival. Un brin trop long, ce faux documentaire suit une équipe de réalisateurs qui tentent de tourner le « poverty porn movie » (comprenez, « film miséricordieux, qui exploite la pauvreté philippine », à l’instar des John John, Slingshot ou autres productions de Mendoza, Libiran et consorts récents) ultime. Leurs reconstitutions de scènes de films parmi les plus célèbres avec d’autres acteurs ou encore leurs rencontres avec les caricatures des réalisateurs parmi les plus célèbres d’aujourd’hui (dont un réalisateur incroyablement imbu de lui-même, qui n’est autre qu’un mélange de Libiran / Solito / Mendoza) sont hilarantes et feront rire même les non-initiés de ce type de cinéma particulier, qui a fait le « bonheur » du circuit festivalier mondial de ces dernières années. La scène de la fosse sceptique est d’un culte instantané et prouve une nouvelle fois le génie comique d’Eugène Domingo, qui ne rechigne décidément devant rien pour se payer une bonne tranche de rires.
Si le rire était moins franc sur le film japonais Mitsuko Delivers, il n’en constituait pas moins un divertissement magique, déjà révélé lors de l’édition du Paris Cinéma de l’année dernière. Cette comédie indépendante d’Ishii Yuya fait partie de ces comédies nippones à l’humour plutôt discret, frôlant souvent l’absurde et le nonsensique, mais qui donne la banane pendant tout le visionnage. À découvrir d’urgence, comme les autres longs du réalisateur présentés à Paris l’année dernière.
Unbowed prouve une nouvelle fois la magie du cinéma. Marquant le retour sur le devant de la scène cinématographique de l’ancien assistant réalisateur de Kim Soo-yong, Chung Ji-young. Après près de 15 ans d’absence, c’est également un autre cas de réussite surprise dans les récents mélodrames adaptés de faits divers réels au même titre que Silenced. Soit la reconstitution des tribulations judiciaires d’un professeur d’université, qui avait menacé un juge d’un arc après avoir été injustement viré de son université pour avoir dénoncé des erreurs de ses collègues. Un film tout sauf spectaculaire, sauf peut-être dans son incroyable postulat, qui pointe du doigt les travers du système judiciaire coréen actuel. Une très grande réussite.
Tout le contraire de Viral Factor, qui était attendu pour faire des étincelles sur l’écran et dans la salle du Teatro, mais qui fut finalement reçu avec beaucoup d’indifférence de la part du public – comme d’ailleurs dans la majorité des festivals où il est passé. Dernier film en date de Dante Lam (Fire of Conscience), cette coproduction pan asiatique avait les yeux plus grands que l’esprit avec cette intrigue faiblarde d’attaque terroriste pour s’emparer d’un virus mortel. Certes, les scènes d’action sont multiples et généreuses, mais elles ne peuvent masquer la vacuité des scènes intermédiaires lourdement mélodramatiques qui gâchent tout plaisir. Mieux vaut aller voir The Raid sur les écrans français pour se prendre un vrai coup de boule en pleine tronche.
Palmarès
Et voilà, le 14eédition du Far East Film Festival d’Udine est terminée et la sanction tombée :
Le Prix du Public a été décerné au terriblement touchant Silenced de Hwang Dong-huyk (4,4 / 5), qui écope également du Prix des abonnés Black Dragon (avec une moyenne de 4,24 / 5).
Second est « Kora– One mile above » du chinois Du Jiayi (4,20), tandis que le film de guerre Front Line de Jang Hun finit bon troisième (4,16).
Le prix My Movies est attribué à la désopilante comédie Thermae Romae de Takeuchi Hideki, pour lequel vous retrouverez un dossier complet avec interview du réalisateur dans COYOTE MAG 42, actuellement disponible.
Le bilan ? Plus de 50 000 visiteurs pour la cinquantaine de films et de séances en une semaine avec 1 200 personnes accréditées venues de 16 pays et plusieurs séances archicombles (pour rappel, le TEATRO fait 1 200 places).
Bilan
Si le nombre de films était en recul cette année, cela aura permis de resserrer une programmation plus soignée et éclectique, même si certains regrettent la disparition du « Horror Wednesday » réservé aux films d’horreur ou encore le manque de gros titres d’action au profit des (trop) nombreuses comédies romantiques.
La rétrospective dédiée aux films coréens des années 1970 rassemblés par Darcy Paquet était incroyable, immanquable, remettant ce cinéma archi-populaire actuellement sous une toute nouvelle lumière avec plusieurs titres totalement inédits et même ressortis de l’oubli.
Si l’on pourra regretter l’absence de vrais claquages de beignets, il y a quand même eu plusieurs très grosses bonnes surprises pour très peu de vrais navets – sans oublier que, finalement, tout n’est qu’une question de goûts et de couleurs en fonction d’un chacun. Je ne le répéterai jamais assez : tous les écrits ne devraient finalement servir que de « guide » et parfois de « travail de partage et de découverte »… En revanche, chacun est son propre critique pour se faire sa propre opinion, au lieu d’imposer sa vision aux autres. Donc, regardez des films et partagez votre passion avec les autres, car si vous êtes en train de lire ces quelques lignes, c’est que nous sommes au moins liés par une même passion, celle du cinéma asiatique. Alors, faites entendre vos voix, partagez et communiquons !!!
Bastian Meiresonne.
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