Comme l’on s’en souvient à l’époque, Princesse Mononoké était supposé être le dernier film de Miyazaki Hayao, son œuvre testament avant une retraite bien méritée. Cette apothéose était au cœur de la richesse thématique, de l’ambition et l’aboutissement visuels du film. C’est également la démarche de Joe Hisaishi dont la bande originale flamboyante est un sommet de sa collaboration avec Miyazaki. Par Justin Kwedi.
On salue souvent Princesse Mononoké comme la version aboutie de l’ébauche qu’a pu constituer Nausicaa. Hisaishi retrouve ainsi la luxuriance de son score de Nausicaa où, pour illustrer les images des esprits de la forêt, la musique s’orne des sonorités les plus étranges et oniriques. Limité par le budget pour le film de 1985, Hisaishi a pu goûter depuis au luxe d’un orchestre symphonique, ce qui donnera une belle ampleur et un souffle romantique envoûtant à la bande originale de Porco Rosso.
En mariant ses nouvelles possibilités symphoniques à son excentricité d’antan, Hisaishi effectue la même bascule que Miyazaki qui revenait avec Mononoké à des récits plus ancrés dans la culture japonaise. Hisaishi délivre donc un disque gorgé de thèmes majestueux (la piste La légende d’Ashitaka en forme d’ouverture est grandiose) auxquels il donne des variations magiques tel ces chœurs féminins sur Le Chant des femmes de Tatara, accompagnés de percussions discrètes, le tout étant toujours parcouru de cet esprit animiste qui imprègne le film. Ce mélange annonce en tout point la musique qu’il signera pour Le Voyage de Chihiro, où il poussera plus loin encore ces expérimentations entre folklore japonais et tradition symphonique européenne.
Ce qui frappe également, c’est la tonalité profondément triste voire déprimante qui domine notamment une fin de disque ténébreuse accompagnant les visions de fin du monde du film (l’oppressante piste Le Monde Infernal) dans sa dernière partie. Cela traduit parfaitement l’idée de l’intrigue d’un monde à bout de souffle, en déclin et à reconstruire. Une renaissance qui se traduira par la résurrection du Dieu Cerf, l’épiphanie visuelle de Miyazaki atteignant le sublime grâce à la musique de Hisaishi sur Adagio de la vie et de la mort et sa magistrale envolée épique et émotionnelle. C’est cependant lorsqu’il s’agit de caractériser les personnages que Hisaishi se sublime. Les adieux entre Ashitaka et San dévoilent une entêtante et belle mélopée au piano, tout comme plus tôt le thème Dame Eboshi avait su imposer la droiture, la bonté et la tradition véhiculées par le personnage.
Joe Hisaishi donne là une de ses œuvres les plus accomplies, un sommet qui signe des adieux époustouflants avec un de ses réalisateurs fétiches. Heureusement il n’en fut finalement rien et les compères allaient chacun atteindre un niveau pic créatif pour Le Voyage de Chihiro.
Justin Kwedi.
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