Bedridden Byamba Sakhya

FESTIVAL DES 3 CONTINENTS 2020 – Bedridden de Byamba Sakhya

Posté le 30 novembre 2020 par

Présenté en compétition internationale du Festival des 3 Continents, Bedridden est le deuxième long-métrage de fiction du réalisateur mongol Byamba Sakhya. Il s’agit de l’adaptation d’un roman à succès qui met en scène un jeune adulte de 26 ans désabusé qui décide de passer ses journées au lit.

Décider du jour au lendemain de passer ses journées au lit et refuser toute vie sociale ? Nous ne sommes pas dans un roman de Jean-Philippe Toussaint mais dans Bedridden, une nouvelle à succès de l’écrivain mongol Gun Ayurzana. C’est cette nouvelle que le réalisateur Byamba Sakhya a décidé d’adapter. En 2017, il a bénéficié d’un financement de Cannes Cinéfondation pour l’aider à mener à bien ce projet. Dans Bedridden, nous ne sommes certes pas dans un roman de Toussaint mais l’ambiance n’en est pas moins absurde, avec des réflexions existentielles tragi-comiques.

Bedridden Byamba Sakhya

Le personnage principal, sans nom mais qu’on désignera comme l’alité, est un jeune homme de 26 ans, de bonne famille, plus ou moins en couple, sans emploi mais qui vient d’achever un premier roman. Le jour où il comprend que son livre ne sera pas publié, il décide de se retirer de toute vie sociale et de rester dans lit. Il reçoit les rares visites de son père (un homme d’affaires aisé qui paye le loyer), d’une femme de ménage (étonnamment transformée en soubrette et potentiel jouet sexuel par le père lui-même), de sa copine (avec laquelle la relation est « compliquée »), de sa mère (qui a quitté son père il y a une dizaine d’années pour se mettre en couple avec une autre femme) et d’un réparateur d’ordinateur. Son « bed-in », protestation bon marché et puérile contre le monde qui l’entoure est le prélude à une réflexion sur le sens de sa vie.

Bedridden Byamba Sakhya

Ce contexte cocasse pourrait laisser Byamba Sakhya filmer une farce mais le traitement est beaucoup plus nuancé. Le rythme est apaisé avec des lents mouvements de caméra propres à l’introspection et à la rêverie de l’alité. Signes du temps présent, les écrans ont un rôle important dans le dispositif narratif : l’écran d’ordinateur pour tenter d’écrire un roman semi-autobiographique, l’écran du smartphone pour lire des messages et regarder des photos et, dans un flashback qui suit une tranche de vie de la mère du narrateur dans les années 80, un écran de cinéma (où est projeté Khani, une comédie dramatique mongole qui fait écho au destin de la mère). Les visites faites à l’alité sont le prétexte à revivre des histoires du passé. Des histoires qui tournent souvent autour du sexe : le dépucelage de sa copine, le dépucelage de sa sœur, le dépucelage d’un réparateur d’ordinateur, l’éveil homosexuel de sa mère. Et en filigrane, l’adultère de son père. Ces saynètes sont assez désopilantes et jamais vulgaires, portées par des jeunes acteurs dont c’est souvent la première apparition cinématographique.

Bedridden Byamba Sakhya

Qui dit film mongol dit grands espaces et road movie. Ce n’est absolument pas le cas ici où presque toutes les scènes sont tournées en lieux clos (appartement et café). Des espaces propres au cocooning, des microcosmes dans lesquels deux ou trois acteurs, pas plus, évoluent dans leurs saynètes. N’est-ce pas ironique quand le personnage principal remet en cause son existence et le sens de la vie ? Une réflexion et une rêverie confinées, un « Voyage autour de ma chambre » pour reprendre le magnifique titre du livre de Xavier de Maistre. Et au bout de cette balade, quelle finalité ? Quelle solution ? Pour le savoir, il faudra voir Bedridden ! Ce film n’est pas une révolution mais il s’en dégage un charme certain et une affection pour plusieurs de ses personnages, surtout féminins : la mère, la copine, la sœur et la femme de ménage. 

Marc L’Helgoual’ch

Bedridden de Byamba Sakhya. Mongolie. 2020. Projeté dans le cadre du Festival des 3 Continents 2020

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