“Je vais au cinéma, j’vais voir n’importe quoi”, chante Arnaud Florent-Didier. Et c’est parfois un peu l’impression qu’a le festivalier cannois, souvent forcé de modifier son planning au gré des files d’attente. Ayant vu les films asiatiques de la journée, je me laisse alors porter par le hasard des projections cannoises et entame un voyage me menant du Québec au Portugal en passant par Las Vegas après avoir raté mon escale en Thaïlande. Par Victor Lopez.
Petite astuce à l’usage du festivalier pressé : le film du matin passe également à 9 heures dans la salle du Soixantième sans être nulle part annoncé. Si la queue vous fatigue ou si une demi-heure de sommeil supplémentaire vous est nécessaire pour ne pas vous endormir devant les précieux films du festival, vous pouviez ainsi aller voir ce matin Only God Forgives grâce à cette séance de rattrapage. Malheureusement, l’organisation dans cet endroit plus sauvage n’est pas aussi rodée qu’au Grand Théâtre Lumière, et le comptage des sièges pas le fort des ouvreurs. On savait que l’on était sûr de voir un film à Cannes une fois parvenu dans la salle et la file d’attente passée, cette certitude a maintenant volé en éclat. Même une fois dans la salle, on peut vous en faire sortir par manque de siège libre ! Et ce alors même que Jérémy, entré avant moi, me gardait une précieuse place assise, qu’un couple de retraités lui a violemment arraché en le maltraitant avec mépris, pour voir ce film « avec Ryan machin et Charlotte Rampling ». Expulsé de la salle, il ne me restait plus qu’à errer au Marché du film, et rattraper au vol les films proposés, pendant que Jérémy réfléchissait déjà à sa critique à lire ici.
La maxime de The Lunchbox me revient alors en tête : « On peut parfois prendre le mauvais train, mais arriver à la bonne gare ». Quatre destinations au programme de ma journée non-asiatique, mais aucune gare ne donnait vraiment envie de rester.
Québec : Sarah préfère la course de Chloé Robichaud (Un Certain Regard)
Après Xavier Dolan, le Québec continue à exploiter les enfants en faisant travailler les plus jeunes cinéastes du monde à Cannes. Chloé Robichaud, née en 1988, signe un premier film soigné sur une post-adolescente souhaitant devenir championne olympique, ou plutôt courir. La course comme émancipation, éveil sexuel et quête de soi est au centre de ce film maîtrisé, sensible et élégant, mais qui colle trop à son sujet, déployé de façon presque programmatique, pour réellement passionner d’autres spectateurs que des adolescentes en quête identitaire.
Las Vegas : Ma Vie avec Liberace de Steven Soderbergh (Sélection Officielle – En Compétition)
Fort heureusement, Ma Vie avec Liberace a le potentiel d’intéresser d’autres cibles que des pianistes homosexuels aimant porter des perruques dans les années 70. C’est d’ailleurs le problème du dernier (jusqu’au prochain) film de Soderbergh : il est tellement lisse, sans aspérités, prêt à séduire tout le monde qu’il n’y a presque rien sous le vernis du biopic aux performances à Oscar.
France : Les Salauds de Claire Denis (Un Certain regard)
Avec l’escale française de la journée, on ne peut pas parler de manque d’aspérités. L’univers de Claire Denis est déprimant, glauque, plus noir que noir, sans aucune lueur d’espoir ni de lumière. Mais à force de ne laisser aucune chance à ses personnages, et de décrire des salauds sans aucune ambiguïté, le film semble tomber dans un manichéisme un peu gratuit. Ceux qui reprochent à Miike son manque de subtilité dans son portrait du monstre de Shield of Straw peuvent finalement y voir un portrait nuancé d’un sympathique psychopathe, après avoir vu ceux de Claire Denis.
Portugal : Até Ver la Luz de Basil Da Cunha (Quinzaine des Réalisateurs)
La dernière destination de la journée se fait au Portugal, où nous attend l’équipe de film la plus flippante du festival, celle de Até Ver la Luz.
Le film est une sorte de Ma 6-T va crack-er portugais, aussi énergique que brouillon dans la forme. Le bouillonnement d’idées, d’acteurs et de situations prises sur le vif séduit un moment mais finit vite par lasser. La faute à un étirement des situations qui auraient gagné à être traitées avec la sécheresse d’une petite série B, plutôt qu’avec l’ampleur de la chronique sociale et criminelle à laquelle le film aspire quand même un peu. On retiendra cependant une phrase excellente, prononcée par le marabout qui exorcise notre anti-héros : « Sortir dans la rue et tuer des gens, c’est un projet de vie ça ? ». À méditer en attendant les 4 heures du philippin Norte demain.
Victor Lopez.
Retrouvez ici notre tableau de la croisette, tous les films de Cannes par l’équipe d’East Asia
Retrouvez ici les autres carnets de Cannes :
Cannes, jour 1 (jeudi 16 mai 2013) : Train in Vain
Cannes, jour 2 (vendredi 17 mai 2013) : Yellow Submarine
Cannes, jour 3 (samedi 18 mai 2013) : Cannes, sauce curry
Cannes, jour 4 (dimanche 19) : L’enfance de l’art
Cannes, jour 5 (lundi 20 mai 2013) : Straw Dogs
Cannes, jour 6 (mardi 21 mai 2013) : La grande bouffe
Cannes, jour 7 (mercredi 22 mai 2013) : Only Cannes Forgives
Cannes 8 (jeudi 23 mai 2013) : Norte, la fin du festival
Cannes, jour 9 (vendredi 24 mai 2013) : Et le phœnix d’or est attribué à…
Cannes, jour 10 (dimanche 26 mai 2013) : Palmarès asiatique !