Miike Takashi est un cinéaste aussi prolifique qu’éclectique. On le trouve aussi bien aux commandes de V-Cinéma aussi glauques qu’étranges (Visitor Q, Gozu, Fudoh), qu’ à la réalisation de films poétiques (Birds people of China). Il nous a offert une comédie musicale, un western, et a même été sélectionné à Cannes. Évidemment, il ne livre pas que des chefs d’œuvre, mais son cinéma, original et fascinant, rend la plupart de ses films attachants, et nombre des métrages qu’il a réalisés possèdent au moins quelques scènes intéressantes. Cette fois ci, c’est sur le retour attendu de son délirant sentaï (film de super-héros) , Zebraman 2 en Dvd, que votre humble serviteur se penche. Verdict ?
Avec Zebraman, il s’attèle à un film de super-héros particulièrement déjanté. Vendu comme le centième film de Aikawa Sho (un acteur souvent présent devant la caméra de Miike (la trilogie Dead or alive, Gozu)), Zebraman mérite amplement le détour, et est bien plus que le centième film de son acteur principal. Le concept, délirant (un professeur méprisé devient Zebraman, le héros en costume de zèbre, pour lutter contre des extraterrestres gélatineux qui donnent envie aux habitants de se violenter sauvagement) est maitrisé d’un bout à l’autre. Les thèmes chers à l’auteur s’y retrouvent (la place de la famille est souvent évoquée) et, sous ses dehors de blockbuster tout public, le métrage reste sombre et par moment dérangeant. De surcroit, la folie de Miike est palpable à tout instant. Qui donc, en effet, aurait pu mettre en scène un combat entre un émule de Bioman et une copie de Sadako ? Qui aurait pu placer ces scènes de combats entre notre héros zébré et des malfrats, sur un thème sonore aussi… Surprenant ?
Zebraman 2 débute ainsi à peine un mois après les évènements du premier. On y découvre notre héros, toujours incarné par l’excellent Aikawa Sho, en train de sortir les poubelles en pyjama, tentant de se frayer un chemin parmi la horde de journalistes entourant la maison de celui que tout le monde connait comme le célèbre Zebraman, le super-héros qui a sauvé le monde. On apprend ainsi que la famille de Zebraman l’a quitté, ne supportant pas cette notoriété et ce harcèlement constant des journalistes.
Cependant, bien que l’on s’attend à ce que Miike Takashi utilise cette trame pour parler de la place de la famille japonaise – un thème qui lui est cher –, ou qu’il développe le contrecoup de cette notoriété en étudiant les dérives des médias, le réalisateur nous surprend en faisant un bond de quinze ans en avant.
Aikawa Sho se réveille dans une ville qui n’est plus Tôkyô mais Zebracity, sans savoir ce qu’il fait là. Réchappant de justesse à la mort, il va apprendre assez rapidement ce qu’il est advenu du Japon et, acceptant son destin, il va combattre de nouveaux ennemis et d’anciens pas tout à fait vaincus.
Passée la surprise – et peut-être une pointe de déception – de découvrir que Miike évite le chemin qu’il avait dessiné en quelques minutes au sein du métrage, il opte pour du post apocalyptique déjanté plutôt que de la critique sociale Miikesque. Il est temps de voir ce que réserve ce film.
Ce qui est sûr, c’est que le réalisateur, loin de s’être assagi, laisse libre court aux idées folles et aux délires qui lui sont propres. Le scénario, déjà, est à la fois simple et en même temps bien allumé ! Dans un futur sombre assez classique, qui met en scène un dirigeant dangereux et mauvais et un peuple oppressé, se dresse le héros sans peur qui, en combattant le gouverneur et surtout sa fille, va découvrir le lien qui l’unit à elle ainsi que les sombres projets qu’elle nourrit.
Ce n’est donc pas dans l’histoire (quoi que, la quête du héros pour récupérer ses rayures, fallait l’oser !), que l’on retrouve la folie et les délires miikesque, mais dans le look des personnages et dans certaines séquences, proprement hallucinantes. Si le gouverneur ressemble à un clone efféminé d’Alice Cooper, sa fille, la Zebra Queen, allie un look étrange et gothique avec un côté furieusement sexy. Les clips qui la mettent en scène – elle est chanteuse et passe souvent à la télé – sont ainsi carrément hypnotiques, avec leurs paroles qui font passer le thème « Zebraman » du premier pour un morceau particulièrement normal. De même, la Zebra-police en minijupe vaut son pesant d’or. Le combat final et le traitement réservé à Zebraman, à la fin du film, sont aussi délicieusement gratinés, et la série télé faisant revivre le Zebraman qui a sauvé la terre des extraterrestres est énorme, alliant les cascades pourries et les monstres débiles. D’ailleurs, les cascades sont le seul point faible du film ! Aikawa Sho n’étant pas un artiste martial accompli, il a du mal à faire les prises d’arts martiaux demandées et, quand il donne un coup de pied à un vilain, le résultat est des plus moyens. Les effets spéciaux, eux, sont excellents, et l’utilisation des pouvoirs des personnages allient idées délirantes et grandes qualités. Miike arrive même à caser dans tout ceci une jolie histoire d’amour.
Alors oui, Zebraman 2 est moins bon que l’original et, de part ses idées barrées, ne plaira pas à tout le monde. De même, certains fans de Miike risquent de lui reprocher d’avoir calmé ses délires gores et sadiques. Il est vrai que, même si le film conserve un côté malsain et sombre, ce n’est ni Fudoh ni Ichi the killer. Zebraman 2 est au contraire plus faussement grand public. Cependant, la folie de Miike est toujours intacte et mérite que l’on fasse abstraction des quelques défauts du film pour se laisser porter par cette histoire étrange et sexy.
Zebraman 2 sorti le 17 aout dernier en Dvd et Blu-Ray chez We Prod.