Sorti à l’été 2022 sur les écrans coréens où il a d’ailleurs triomphé (plus de 6 millions de spectateurs), Hansan : La Bataille du dragon, deuxième volet d’une trilogie de films historiques à grand spectacle, est disponible en France en DVD et Blu-Ray chez Program Store. L’occasion pour le public français de découvrir un pan de l’histoire coréenne, passé à la moulinette du blockbuster. Mais de là à en attendre le même accueil que le public coréen, rien n’est moins sûr.
Un petit point historique s’impose en introduction. Le héros de la trilogie qui nous intéresse ici est Yi Sun-sin, un amiral ayant bâti sa légende pendant les guerres Imjin sous la dynastie Joseon. Ces guerres ont opposé les Coréens à l’envahisseur japonais. Son courage, sa loyauté et sa persévérance ont fait de lui une légende vivante, dernier homme debout mais victorieux lorsque tout semblait perdu. Dans La Bataille du dragon, nous somme le 8 juillet 1592, lors de la bataille de Hansan, du nom de la mer où tout va se jouer. Une bataille navale, principalement, au cours de laquelle vont s’affronter Hideyoshi Toyotomi, samouraï et damyo japonais venu conquérir la Corée avant de se lancer vers la Chine, et la flotte Joseon, menée par Yi Sun-sin. La flotte ennemie est imposante, sur-armée, les conditions d’affrontement ne sont pas optimales, et des tensions commencent à émerger dans l’armée coréenne. Mais Yi Sun-sin est prêt à en découdre, aidé par de mystérieux navires de la flotte coréenne, véritables chars d’assaut marins, et surtout grâce à son sens sens aigu de la stratégie militaire. Le point historique n’est pas superflu,et ce ne sont pas les petits cartons inauguraux qui vont faciliter la compréhension globale de l’affaire.
On l’aura très vite compris, on a ici affaire à un pur film d’aventure historique, rien de plus, rien de moins. Une production XXL qui n’a pas d’autre ambition que de fournir un grand film épique sur un héros de l’histoire coréenne. Et pour cela, Hansan va aligner à peu près tout ce qu’un long-métrage historique se doit de mettre en scène, avec avec son lot de clichés et plot twists plus ou moins prévisibles. Se remémorer le parcours d’un héros est une initiative fort louable, mais encore faut-il avoir quelque chose à raconter pour rendre le discours intéressant sans faire ressembler la chose à un pompeux cours d’histoire. Et de ce côté-là, le script n’y va pas par quatre chemins. Il y aura des traîtres, des espions (coréens certes, mais c’est moins grave car ils luttent pour Joseon), des instants de doute, des sacrifices et des ennemis japonais absolument ignobles et sans aucun honneur. On remarquera d’ailleurs au passage que le casting est à 100% coréen, et ce sont des acteurs coréens qui jouent en japonais, forçant comme jamais les aspects les plus fielleux de leurs personnages.
A ce niveau d’écriture, on pourrait légitimement se demander si le succès du film n’est pas quelque part dû à cette latente mais bien réelle animosité entre les deux pays, Japon et Corée ayant par le passé eu à s’affronter. Cependant, au-delà de son fond, c’est sur la forme et son rythme que Hansan est un peu plus problématique.
En effet, le film dure près de 2h10. Une durée somme toute assez standard, et qui plus est, il nous est promis une époustouflante bataille navale pour le climax (le héros est un amiral, on le rappelle), d’à peu près 45 minutes. Là où le bât blesse, c’est qu’entre la séquence inaugurale, un court affrontement maritime, et la fameuse bataille de Hansan, il ne se passe absolument rien, et ce pendant à peu près 75min. 1h15 de discussions sur les stratégies, les mouvements de l’ennemi, des trahisons (mais ce sont des traîtres qui rejoignent in fine l’armée coréenne), et quelques exécutions. Rien ne fait avancer l’affaire, et l’on se demande à quel moment l’action va vraiment commencer. Alors certes, il y a du budget et ça se voit, les décors intérieurs sont souvent magnifiques (on n’en dira pas autant de certains extérieurs, trop CGI pour faire illusion), et les costumes sont vraiment reproduits à la perfection. Mais la mise en scène de Kim Han-min manque de rythme lorsqu’il pose le pied à terre, loin des bateaux en guerre.
Et lorsqu’arrive enfin la fameuse bataille de Hansan, le film se réveille et donne tout pour un affrontement qui arrive effectivement à offrir une vraie séquence spectaculaire, avec la flotte des Japonais qui s’en va démolir les navires coréens, mais ceux-ci ont une stratégie solide et de gros navire destructeurs. Ce n’est pas gâcher le film que vous dire que bien évidemment, ce sont les Coréens qui s’en tirent vainqueurs, avec à leur tête Yi Sun-sin. L’esprit fier et patriotique est sauf et respecté. Mais les quelques griefs sont à mettre au crédit de la mise en scène de Kim Han-min qui assure le travail à la caméra et qui se heurte à quelques petits soucis techniques. En effet, il donne parfois l’impression d’avoir du mal à filmer correctement sa bataille et notamment l’emplacement de ses bateaux, dont la position n’est jamais clairement définie et qui passent leur temps à virer à bâbord ou à tribord. Il est fait état d’une stratégie dite « des ailes de grue » dans le camp coréen, mais à part aligner des bateaux, on ne comprend jamais quel est son objectif. Qui plus est, Hansan souffre du même mal que Peninsula et son climax tout en CGI. Si effectivement, de vrais bateaux ont été construits pour le tournage, lorsqu’il s’agit de filmer les dits bateaux en mouvement, le film a trop recourt aux CGI et cela se ressent à l’écran. On parle de navires propulsés à la force des bras des hommes en cale, ce qui n’empêche pas la mise en scène de littéralement les faire foncer à toute allure sur les océans, drifter et piler à 90 degrés pour esquiver les boulets de canon adverses. Alors l’ensemble reste spectaculaire, et il y a une volonté d’offrir du grand spectacle en apothéose, mais l’abus de CGI gâche quelque peu le plaisir, tout comme la scène de bataille sur terre qui s’ensuit durant laquelle les fiers soldats boutent l’ennemi hors de Corée, avec tout ce que la scène peut offrir en matière de clichés sur les frères d’armes et patriotes morts au combat.
En conclusion, il y a fort à parier que Hansan : La Bataille du dragon ne rencontre pas en France le succès monstrueux qu’il a connu en Corée, la faute à une mise en scène un peu trop appuyée tant sur le fond que sur la forme, pour un résultat parfois un peu longuet et bavard, généreux lorsque l’action se réveille mais plombé par des CGI trop voyants. Un divertissement historique dans la moyenne, pour qui voudrait découvrir le cinéma coréen en dehors des thrillers et des drames.
Bonus : A part l’incontournable bande-annonce, le contenu des bonus est assez léger, à commencer par une vidéo présentant les personnages principaux du film. Utile pour qui souhaiterait ne pas être perdu face à tous ces personnages historiques et leur rôle dans l’histoire. Enfin, on trouvera également un making-of. Un module assez court qui revient principalement sur les maquillages du film et les choix de couleurs utilisées pour chaque personnage. Intéressant mais trop court.
Romain Leclercq
Hansan : La Bataille du dragon de Kim Han-min. 2022. Coréen. En DVD et Blu-Ray le 29/03/2023 chez Program Store.
Le 10/08/23 par Stephen Sarrazin