BLACK MOVIE 2023 – The Sales Girl de Sengedorj Janchivdorj

Posté le 26 janvier 2023 par

À l’occasion du festival Black Movie, nous avons pu voir le dernier film de Sengedorj Janchivdorj, The Sales Girl. Pour aider son amie Namuunaa s’étant cassée la jambe, Saruul la remplace à son travail. Cependant, ce travail à mi-temps n’est pas n’importe lequel : Namuunaa est vendeuse dans un sex-shop géré par Katya, une riche patronne au caractère atypique.

The Sales Girl est un sympathique coming of age comique traitant de la découverte de la sexualité de manière désinhibée et absurde. Saruul, catapultée malgré elle dans ce monde sulfureux, se trouve complètement perdue face à tout ce qui touche au sexe. Elle semble presque asexuelle tant le film montre, non pas une gêne, mais un désintérêt total de sa part envers ce nouvel environnement, désintérêt constituant le cœur du film. Son aspect humoristique réside donc très souvent dans le contraste entre cette étudiante complètement hermétique à toute tension érotique, qui se trouve propulsée dans ce milieu afin de vendre ou conseiller des objets sexuels en tout genre. Il souligne d’autant plus ce contraste lorsque la sexualité est dévoilée frontalement à l’écran : il n’est pas rare de voir les sex-toys dans le détail, dont le fonctionnement est parfois même expliqué, ou bien encore, quand Saruul doit livrer des colis pour un client, d’apercevoir en même temps qu’elle l’acte lui-même, camouflé sous un drap montrant bien plus qu’il ne cache. Le tout ne se veut pas pour autant subversif ou vulgaire : il y a une volonté de dépeindre le sexe pour ce qu’il est, mais sans sa dimension érotique. Malgré son côté très décomplexé, cela reste au final une comédie assez sage.

Cette déconnexion que possède Saruul avec le sexe semble pouvoir s’étendre à son rapport au monde en général : puisque qui dit coming of age, dit aussi questionnements existentiels de jeunes adultes. Et force est de constater que cet aspect du film est bien plus faible que sa facette comique. Elle oscille entre des scènes véritablement poignantes, durant lesquelles le personnage de Saruul gagne en consistance, et des séquences très artificielles lorgnant du côté du réalisme magique, mais détonnant du reste du film. Ces séquences moins réussies sont souvent celles épousant le point de vue de Saruul, durant lesquelles un trajet de bus se transforme en une boîte de nuit, ou bien encore des séquences musicales dans lesquelles le groupe qu’écoute Saruul dans son casque va apparaître physiquement dans le plan. Le problème n’est pas tant l’idée en soit, que son exécution très éculée.

Cependant, si la mise en scène peut se révéler parfois assez faible, le point fort de The Sales Girl réside avant tout dans son écriture. Sengedorj Janchivdorj arrive à faire exister très concrètement n’importe quel personnage de son film, du moindre client ne restant qu’une seule scène, au personnage principal. Et la très bonne performance des acteurs aide le tout à être mis en valeur, notamment celle des actrices de Saruul et Katya. Cette écriture contribue aussi au tempo comique du film fonctionnant parfaitement bien, autant dans les moments un peu plus convenus que dans les moments les plus surprenants.

L’on peut tout de même regretter cette légèreté de la mise en scène qui vient parasiter le film par quelques gimmicks, techniquement réussis, mais qui ressemblent bien plus à de l’ornementation qu’à une réelle mise en forme. On pense alors à ce chapitrage sans grand intérêt, qui ne semble même pas porter une cohérence narrative intéressante (si ce n’est qu’il permet de rendre l’aspect fleuve du film un peu moins déroutant), ou bien alors à ces scènes baignées de néons et de mélancolie assez superficielles. C’est un peu esthétisant gratuitement, d’autant plus quand les scènes les plus efficaces et les plus belles du film sont celles dotées d’une mise en scène très rance.

The Sales Girl est donc une comédie agréable et de bonne facture, avec un côté léger et pop très convenu, qui pourra aussi bien plaire qu’énerver. Il se démarque cependant par une écriture assez épatante, accompagnée de très bonnes performances d’acteurs.

Thibaut Das Neves

The Sales Girl de Sengedorj Janchivdorj. Mongolie. 2022. Projeté au Black Movie 2023

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