Hotel by the River est le 23è long métrage de Hong Sang-soo. Avant son imminente sortie aux États-Unis le 15 février (et sans doute dans quelques mois en France), il était à l’affiche du Festival Black Movie en Suisse.
Après Grass, Hong Sang-soo poursuit sa série de films mélancoliques, marqués par la rupture, la solitude, l’adultère et le deuil. Des thématiques qu’il aborde dans des films de plus en plus dépouillés, dans des endroits presque vides et isolés, loin de la foule des rues de Séoul et des stations balnéaires. Les dialogues, moins verbeux, laissent place à des silences, temps de réflexion à la fois pour les acteurs et les spectateurs. En quatre ans, coïncidant peu ou prou avec sa rencontre avec l’actrice et muse Kim Min-hee, Hong Sang-soo est passé du badinage amoureux d’artistes trentenaires plaintifs – mais déjà graves (Les femmes de mes amis, Sunhi, Yourself & Yours) – à l’ascétisme sur le fond et la forme. Ascétisme étant à comprendre dans son sens étymologique : un exercice de méditation morale et d’auto-réflexion, faisant fi de tout superflu.
Hotel by the River se déroule en 24 heures presque entièrement dans un hôtel quasi-désert en plein hiver, période touristique morte. Deux uniques clients y évoluent : Young-whan, un poète âgé invité gratuitement par le directeur de l’hôtel (Ki Joo-bong) et Sang-hee (Kim Min-hee). Le premier invite ses deux fils pour prendre de leurs nouvelles, la seconde une amie pour se réconforter après une rupture amoureuse (adultère). Le temps de la réflexion pour ces deux cœurs lassés et brisés. Les dialogues très économes laissent au spectateur une grande interprétation sur l’histoire des deux clients de l’hôtel. La réunion entre le poète et ses deux fils nous apprend qu’ils se connaissent très peu et que le poète a très vite délaissé sa famille. Même cette rencontre dans l’hôtel est à plusieurs reprises retardée et interrompue comme si le poète continuait de fuir ses responsabilités (d’ailleurs, lesquelles ?) vis-à-vis de sa progéniture. Quant à Sang-hee, elle et son amie passent la plupart du temps à dormir et à s’enlacer (dépression quand tu nous tiens…).
Dans cette topographie hôtelière, longeant un fleuve (symbole de la vie) mais recouvert de neige (symbole de la mort), le vieux poète en profite pour expliquer à ses fils la signification de leurs prénoms et donner son interprétation de la vie sur Terre et dans le Ciel. La gravité des dialogues laisse quand même place à quelques moments de détente dans lesquels Hong Sang-soo prend un (énième) malin plaisir à évoquer sa propre carrière, quand l’amie de Sang-hee évoque les films d’un des fils du vieux poète (forcément réalisateur !) : ses films sont jugés « ambigus et ennuyeux » d’autant que « ce n’est pas vraiment un auteur ». Ce qui n’empêche pas la jeune femme de vouloir son autographe !
Formellement, Hong Sang-soo est dans l’économie : le film se compose essentiellement de plans fixes (parfois à caméra portée épaule), le fameux zoom y est presque absent et aucune musique ne vient ponctuer les scènes (le générique introductif est même parlé pour introduire les acteurs du film). On en revient à l’ascèse évoquée plus haut : une privation de tout artifice cinématographique, alliée au propos du réalisateur, à sa réflexion désormais permanente sur son cinéma et sur ses tribulations amoureuses et familiales. Hong Sang-soo deviendrait-il un vieux sage ? Moraliste, il l’est depuis ses débuts mais sa réflexion actuelle le déporte des caprices et des bluettes pour l’Amour (le vrai, l’ardent !), la famille et la mort (présente déjà ponctuellement dans sa filmographie, elle est omniprésente depuis Grass).
Marc L’Helgoualc’h.
Hotel by the River de Hong Sang-soo, projeté lors du Festival Black Movie.