L’Okinawa International Movie Festival s’est terminé il y a bientôt une semaine. Il est donc temps de faire un point de cette 9e édition, placée une fois de plus sous le slogan « Laugh & Peace ». Et pour faire un bilan, quoi de mieux que de rencontrer Hiroshi Osaki, directeur général de Yoshimoto Kogyo !
Vous avez eu l’occasion de suivre nos aventures sur l’île d’Okinawa, au croisement de la Chine et du Japon. Du 20 au 23 avril, nous avons eu la chance de découvrir cette culture si particulière mais aussi, évidemment, de voir des films et de rencontrer acteurs et réalisateurs.
Si le festival d’Okinawa est placé sous le signe du rire (laugh) et de la paix (peace), il faut avouer que l’on a plus connu l’apaisement que le rire. En effet, les rares comédies présentes étaient quelque peu… particulières. Mais elles nous ont poussée à davantage nous pencher sur d’autres films, moins drôles mais plus profonds, comme Dans un recoin de ce monde, Cross ou Star Sand. Sans compter l’ambiance détendue du festival qui a permis à tout membre de la presse, et à chaque spectateur, de se sentir le bienvenu sur cette île paradisiaque.
Pour clôturer de la plus belle manière que ce soit le festival, nous avons eu l’opportunité de rencontrer Hiroshi Osaki, directeur général de Yoshimoto Kogyo, société d’entertainment organisatrice du festival. Né en 1953, Hiroshi Osaki a passé la plus grande partie de sa carrière dans le conglomérat Yoshimoto Kogyo ou dans des filiales du groupe. L’entertainment est donc sa spécialité ! Et c’est également lui qui a eu l’idée de monter l’Okinawa International Movie Festival, après s’être rendu au Festival de Cannes. Mais on lui laisse la parole…
Pouvez-vous présenter la société Yoshimoto Kogyo au public français ?
La société a été créée il y a 105 ans. Aujourd’hui, nous nous occupons de plus de 600 comédiens. Et nous sommes aussi les agents de joueurs de football ou de baseball.
Yoshimoto produit aussi des films à travers Katsu-do : pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
J’avais oublié ! (rires) Tout a commencé juste après l’établissement de la société : à l’après-guerre, nous avions une société de production de films et nous gérions des cinéma, à Tokyo aussi bien qu’à Osaka (lieu d’origine de Matsumoto Hitochi – ndlr). Mais progressivement, nous nous sommes concentrés sur l’industrie du divertissement pour nous occuper de comiques et d’acteurs. Ce n’est que récemment que nous avons décidé de revenir aux sources et de relancer la production de films en lançant la société Katsu-do. C’est donc une société débutante, et nous nous sommes associés à Okuyama Kazuyoshi, un producteur majeur ici au Japon, pour la lancer. Parmi ses précédents travaux, L’Anguille (de Imamura Shohei, 1997 – ndlr) a gagné une Palme d’or et il a permis à Kitano Takeshi de réaliser son tout premier film !
Comment est né le festival ? J’ai cru comprendre que la sélection de Big Man Japan de Matsumoto Hitoshi à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes n’était pas étrangère à sa création…
En effet, nous avons réuni à l’occasion de cette sélection une vingtaine de personnes pour accompagner le film au Festival à Cannes. J’ai vraiment été très touché par la présentation du film : Matsumoto et toute son équipe avaient tellement travaillé à Osaka pour atteindre cette scène ! En voyant cela, j’ai immédiatement eu l’idée de créer un festival au Japon, pour poursuivre de manière festival cet esprit.
Matsumoto Hitoshi
Combien de temps avez-vous mis pour concrétiser cette idée ?
Nous avons commencé à développer les idées pour le festival juste après Cannes et 7 ou 8 mois plus tard, on lançait la première édition.
Quelle rapidité !
Oui, je pensais que je devais le faire rapidement et que ce ne serait pas trop difficile. (Rires)
Saviez-vous dès le départ que vous alliez organiser le festival à Okinawa ?
Oui, nous avons décidé d’organiser le festival à Okinawa alors que nous étions encore à Cannes. Comme Okinawa est situé tout au sud du Japon, nous avons pensé que ce serait l’intersection parfaite du Japon et du reste de l’Asie. Nous voulions que ce festival fasse le pont entre le Japon et l’Asie, tout en étant avant tout un festival de divertissement. Voilà ce que je voulais créer comme festival.
Pourquoi avoir décidé de l’organiser à Okinawa ?
Il a plusieurs raisons. La première est que l’un des plus importants festivals de cinéma japonais a lieu à Tokyo, et je ne voulais pas interférer avec celui-ci. Il fallait donc trouver un angle différent. En second lieu, quand on a lancé le festival à Okinawa, les gens ont vraiment adoré, des enfants aux seniors et j’ai vraiment senti que l’on devait plus orienter le festival vers la population locale.
Le festival est donc né dans la préfecture d’Okinawa et nous l’organisons maintenant depuis 9 ans. Il y a 41 provinces ici et des gens qui vivent sur des îles très isolées, et nous voulions vraiment que tout le monde puisse participer au festival. Son nom est l’Okinawa International Movie Festival mais l’un de ses sous-titres est « All The Islands Festival » (Le Festival de toutes les îles), ce qui reflète parfaitement ce que nous réalisons ici. L’an prochain, en avril, nous allons ouvrir à Naha une école consacrée à la formation des métiers du divertissement.
Pour notre 10ème anniversaire, l’an prochain, nous pourrons déjà faire participer cette Université au Festival. Nous souhaitons donner aux élèves du travail après leur formation. Il y a beaucoup de théâtre, de cinéma, de lieux culturel à Okinawa et les habitants adorent tout cela. Dès qu’ils ont appris leur métier, ils peuvent donc avoir l’opportunité de travailler ici. Je pense qu’il est très important de booster l’industrie du divertissement à travers le festival, mais aussi que cette école peut être une rampe de lancement pour accompagner ces enfants. Le Festival peut transmettre cette culture au monde entier. Okinawa a toujours eu un problème de pauvreté et continue à lutter contre elle. Je pense qu’il est primordial de développer l’industrie du divertissement localement pour soutenir l’archipel.
Notre école aura trois options : la réalisation de manga, la production d’effets spéciaux et l’apprentissage technique. La culture du manga est très importante ici. Nous nous sommes associés avec Horie Nobuhiko, le légendaire ancien éditeur de Shonen Jump, qui vendait à 1,6 millions d’exemplaires par semaine quand il était en charge du magazine. Ces 10 dernières années, il enseigne comment dessiner des mangas à des enfants partout en Asie. En Indonésie, par exemple, 3 auteurs professionnels ont émergé grâce à ses cours. Pendant près de 10 ans, il a réuni une plateforme réunissant plus de 2000 travaux réalisés partout dans le monde : ce sont des silent manga. Nous voulons prendre ces silent manga pour en faire des courts-métrages, et puis peut-être même des longs. Du contenu de cette plateforme, nous pouvons faire quelque chose ici à Okinawa, que l’on pourra proposer au monde.
Si vous deviez résumer le festival en un mot, ce serait lequel ?
En un mot ? « Laugh & Peace » (Rire et paix, la devise du festival – ndlr). Je me souviens avoir lu ce proverbe quelque part : « Rire signifie pardonner et pardonner signifie rire ». Comme vous le savez, Okinawa est le seul endroit du Japon où l’on a fait l’expérience d’une bataille sur terre lors de la Seconde Guerre mondiale. Nous avions ensuite beaucoup de bases militaires ici. J’ai senti qu’avoir un festival à Okinawa et transmettre toute cette culture au monde avait une signification très importante.
En termes de film, quel est votre coup de cœur de cette édition ?
Depuis 3 ans, j’ai arrêté de donner mon opinion sur la sélection des films : je fais entièrement confiance à mon équipe. Après le festival, j’ai un peu plus de temps pour regarder les films. Et au vu de ma position, il m’est impossible d’en choisir un. J’adore tous les films, c’est ma seule réponse possible ! (rires)
Avez-vous déjà des idées pour la prochaine édition ?
Rien n’est encore vraiment fixé, mais comme vous le savez, en 2025, il va y avoir l’Exposition Universelle et nous, Osaka, sommes en compétition avec Paris. Je suis l’un des membres du comité d’Osaka. Je pense que faire quelque chose de fun est important : le divertissement est la clé. J’espère que l’on pourra garder cet esprit.
Propos recueillis par Victor Lopez à Naha le 23/04/2017.
Traduction : Eiko Mizuno-Gray
Photos par Elvire Rémand
Remerciements : Momoko Nakamura, Aki Kihara et toute l’équipe du festival d’Okinawa.
Rassurez-vous, le festival continue sur East Asia pendant encore quelque temps avec les interviews de Katabuchi Sunao pour Dans un recoin de ce monde, Roger Pulvers pour Star Sand, Fruit Chan qui nous livre ses pensées sur le cinéma hongkongais et la star de rock japonais Gackt en exclusivité !
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