DVD – Une Femme à sacrifier de Konuma Masaru

Posté le 9 mai 2015 par

Depuis le 5 mai, Zootrope poursuit sa réédition de pinku eiga indispensables avec le plus sulfureux des films de Konuma Masaru et de son égérie, Naomi Tani.

Akiko divorce de son époux qu’elle accuse de sévices. Contraint de mener une vie clandestine pour échapper aux investigations de la police, celui-ci réapparaît trois ans plus tard dans la ville où réside Akiko et l’oblige à le suivre dans une vieille maison forestière abandonnée…

Star du pinku eiga dans le cadre du cinéma indépendant japonais, Naomi Tani aura tardé à accepter les offres insistantes de la Nikkatsu qui souhaitait en faire la vedette de ses « romans porno ». La raison était le refus du studio de produire des films traitant du sadomasochisme, pratique qui aura fait le succès de Naomi Tani dès ses premiers rôles. L’actrice est même la source d’inspiration de d’Oniroku Dan, maître japonais de la littérature érotique japonaise pour lequel elle est par son physique l’héroïne idéale de ses trames les plus déviantes. Lorsque la Nikkatsu acceptera enfin ses conditions, c’est donc tout naturellement que Naomi Tani impose une adaptation d’Oniroku Dan pour son premier film Fleur Secrète (1974) réalisé par Masaru Konuma.

vlcsnap-2015-05-07-17h19m40s462Par sa mise en scène raffinée, ses outrages et le jeu incandescent de Naomi Tani, le film fait sensation mais sera néanmoins renié par Oniroku Dan. En effet la Nikkatsu aura atténué la dimension sulfureuse du film en amenant un certain second degré aux séquences SM, le script transcendant même le machisme du contenu en faisant des humiliations subies par Naomi Tani un moteur d’émancipation par la libération sexuelle. La vie secrète de Madame Yoshino (1976), troisième collaboration entre Naomi Tani et Masaru Konuma approfondira cette approche en amenant une facette de mélodrame trouble et captivant. C’est finalement avec leur second film en commun, Une femme à sacrifier, que Konuma et son actrice se rapprocheront paradoxalement le plus de l’esprit d’Oniroku Dan, puisque le film est un scénario original et n’adapte pas un de ses romans.

vlcsnap-2015-05-07-17h18m10s773On retrouvera là les éléments qui font l’intérêt des autres pinku eiga Konuma/Naomi Tani, mais totalement en retrait au service de la seule expression de ce sadomasochisme. La réflexion sur l’éveil au désir, le plaisir naissant de la douleur reste bien plus implicite à travers le postulat minimaliste et prétexte à un déchaînement SM. Akiko (Naomi Tani) est séparée de son mari Kunisada (Sakamoto Nagotoshi) depuis 3 ans, ce dernier ayant disparu après avoir été accusé d’abus sexuel. La recroisant par hasard, Kunisada enlève Akiko et la séquestre dans une cabane en forêt pour lui faire subir les sévices les plus outrageants. Du propre aveu de Konuma, Une femme à sacrifier est son film le plus authentiquement pervers. Naomi Tani y perd toute la substance de ses meilleurs rôles pour n’’être qu’un objet de supplice et d’humiliations allant particulièrement loin entre bondage, châtiment corporels et une assez incroyable scène de scatologie explicite. Il fallait bien le talent de Naomi Tani et son abandon fascinant pour faire passez la chose. C’est lorsque Konuma scrute le jeu subtil de sa beauté malmenée que le film est le plus inventif, notamment cette composition de plan où elle profite à son tour d’un quidam séquestré, la contrainte devenant progressivement plaisir non feint.

vlcsnap-2015-05-07-17h25m17s913Les meilleurs pinku eiga naissent cependant de l’ambiguïté entre le contenu scandaleux et le message souvent plus progressiste, on perd cela dans Une femme à sacrifier qui n’est qu’un étalage ininterrompu de perversions. L’érotisme à la japonaise y endosse jusqu’à l’absurde le machisme de la société nipponne avec cet époux reconquérant son épouse par la soumission – l’amour ayant toujours des relents morbides notamment avec l’autre couple de jeunes suicidés. On peut y ajouter les relents d’une sexualité inscrite dans l’imaginaire de ces 70’s libertaires et sans tabous (les allusions pédophiles malvenues) mais inacceptable aujourd’hui même si cela reste allusif. Sous la fascination/répulsion et les excès, Une femme à sacrifier n’a malheureusement pas grand-chose à proposer.

Justin Kwedi

Une Femme à sacrifier de Konuma Masaru. Sorti en DVD chez Zootrope, disponible depuis le 7 avril.

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