Ô joie, Il était une fois en Chine 1,2 et 3 de Tsui Hark sont réunis dans un coffret Blu-ray.
Wong Fei-Hung, véritable légende en Chine est apparu plus d’une centaine de fois au cinéma. Sous la caméra de Tsui Hark, cela donne un bal virtuose et burlesque, magnifié par une mise en scène d’un réalisateur au sommet de son art. Le coffret sorti chez HK Video contient les trois premiers volets de la saga qui en compte 6. Choix pertinents tant ils sont complémentaires et synonymes de qualité.
Fei-Hung est la personnification de la justice et de la bienfaisance, comme peut l’être en Occident Robin des Bois, souvent cité en comparaison. Revenant chez lui, il fait face à de nombreux conflits familiaux, politiques ou institutionnels. Il demeure celui vers qui tout le monde se tourne, le juge, l’arbitre. Il est aussi le témoin d’une métamorphose inévitable, celle d’un pays qu’il peine de plus en plus à reconnaitre. L’occidentalisation, les batailles d’égos, il s’impose rapidement comme le dernier garant d’un passé en passe d’être révolu. La forte présence du catholicisme dans le premier film n’est pas anodine, Wong Fei-Hung est une sorte de messie. Tous ces éléments en font rapidement un personnage attachant. On comprend pourquoi tous ses disciples le suivent aveuglément. Jet Li, qui incarne le héros, est le choix parfait pour le rôle. Félin et charismatique, il crève littéralement l’écran.
La corruption qui gagne la Chine se situe à tous les niveaux de la société : la police est corrompue, les Occidentaux engagent des malfrats locaux pour faire leurs basses besognes et s’enrichir tandis les pauvres subissent les retombées. L’aspect très schématique et simpliste de l’intrigue et des péripéties n’empêchent pas le propos d’être pertinent. La problématique de l’identité a toujours irrigué le cinéma hongkongais et notamment celui de Tsui Hark ou de Wong Kar Wai par exemple. Ici, cette inquiétude se matérialise au-delà du propos. La mise en scène est alerte, l’ambiance est apocalyptique – jouant sur les contrastes de couleurs, la profondeur de champs réduite. Une vrai inquiétude et une vraie violence se dégagent de l’ensemble, et préfigurent le chef d’œuvre absolu de Tsui Hark : The Blade.
Le cœur des films reste bien évidemment son déluge d’action chorégraphiée avec une maestria incroyable. La fluidité, le talent des interprète, l’inventivité permanente (notamment dans La secte du lotus blanc, le second volet) force le respect. C’est bien simple, ces trois volets entrent facilement au panthéon du genre. La caméra virevolte, les combattants volent, l’hommage est beau. Cette stylisation à outrance, marque de fabrique d’un Tsui Hark au sommet pourrait agacer ou sembler hors de propos. Pourtant ici tout fonctionne. Le cinéaste fait sa relecture du film de Kung-Fu comme il fera celle du Wu Xia Pian, avec panache et vigueur.
Même si le troisième film ne soutient qu’à de très brefs moments la comparaison avec les deux premiers opus, sa présence dans le coffret se révèle indispensable tant il marque vraiment la fin d’un cycle dans la saga. Tsui Hark semble un peu usé, le scénario (un tournoi d’arts martiaux) vire un peu à la démonstration facile et à la confrontation un peu pataude. Le film demeure toujours aussi virtuose, mais on sent qu’un ressort est cassé, que enchaînement de suites fait perdre de la saveur à l’ensemble. Jet Li quittera d’ailleurs le rôle de Wong Fei-Hung juste après ce film et sera remplacé par le génial Chiu Man-Cheuk (The Blade). Tsui Hark lui aussi quittera le navire. Ils reviendront tous les deux pour le cinquième volet très oubliable.
Bonus :
On ne peut que se réjouir de la sortie d’un tel coffret. Le rendu fait honneur au film, malgré un grain prononcé et de nombreux artefacts. Pour les bonus, rien de bien neuf par rapport aux éditions antérieures, dommage.
Jérémy Coifman
Il était une fois en Chine Trilogie, disponible depuis le 20 novembre en Blu-ray chez Metropolitan.