Dream Home de Pang Ho Cheung (DVD)

Posté le 18 avril 2011 par

Vendu comme le premier slasher made in Hong Kong, Dream Home aura fait couler de l’encre (mais de l’encre d’imprimante, XXIe siècle oblige) depuis l’annonce de sa mise en chantier. D’une part en raison de sa nature de film d’horreur, un genre, il faut l’avouer, depuis trop longtemps assez peu porteur de pépites à Hong Kong. D’autre part en raison de l’homme aux commandes : Pang Ho Cheung, devenu en quelques années la nouvelle coqueluche type du réalisateur indépendant s’essayant à des projets jugés plus subtils que la moyenne. Par Anel Dragic.


Le pitch est assez simple : les loyers à Hong Kong étant inabordables, Sheung (Josie Ho) décide de commettre un massacre dans l’appartement de ses rêves afin de faire baisser le coût du logement en question. Un beau prétexte pour effleurer le contexte social tout en tapant sans demi-mesure dans le gore comme on les aime. C’est donc Wild Side qui édite chez nous ce film, dont l’intention est la bienvenue, si seulement l’édition ne nous parvenait pas avec un hideux visuel cherchant à appâter le chaland amateur de torture porn direct-to-video. Je vous laisse juger:

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There will be blood

En s’accordant un film en apparence plus décomplexé, l’horreur donc, Pang Ho Cheung laisse entrevoir une volonté de faire du divertissement, sans que forcement celui-ci ne soit décérébré. Il serait d’ailleurs dommage de croire que Pang n’est que le réalisateur petit bobo seulement apte à enchaîner les films intellos, tant celui-ci avait montré dès You Shoot, I Shoot qu’il était capable de faire de la comédie mais avec de l’idée. Capable de redorer le blason d’une catégorie III qui a perdue de sa superbe depuis ô combien longtemps, le réalisateur livre donc sa vision de l’horreur moderne : la société.

Il fallait au moins ça pour que Pang Ho Cheung garde son statut “auteuriste” : Dream Home prétexte son lot de carnage derrière un discours social d’actualité. En faisant de l’horreur social, Pang sait pertinemment qu’il reste sur le dessus de panier du cinéma horrifique hongkongais et que son image ne sera pas ternie. Or, c’est peut-être à ce niveau que le bas blesse. Car en cherchant à légitimer les actes de ses personnages par un discours abscons, le film perd de sa vitalité au profit de sa mise en forme, révélant l’égocentrisme de Pang et donc le manque de spontanéité du métrage.

dream-home-affiche

Dream Home aurait probablement gagné à n’être qu’un film d’horreur, ou bien qu’un film social à la Trivial Matters, mais en mélangeant les deux, le réalisateur semble perdre de vue ses objectifs, hésitant en permanence entre son récit et son discours. Le personnages de Sheung est en effet assez énigmatique. Elle est très commune, cela pourrait même être votre voisine. Elle se rend au travail le jour, et la nuit elle fait ce qu’elle doit faire pour posséder l’appartement de ses rêves. Pang reste assez discret sur les motivations de son personnage, mais insiste en revanche sur toute la pression sociale, l’Histoire de la ville depuis le début des années 90 (au travers des flashbacks), et les problèmes personnels qui la touchent, faisant au final de la société un moteur poussant les gens à bout s’ils veulent réussir. Une sorte de Chute libre, si on cherchait un cousin éloigné.

Kiss Kiss Pang Pang

Dans l’horreur HK des années 2000, on a d’un côté les frères Pang, de l’autre… pas grand chose, il faut l’avouer. Pour une fois, un Pang vaut mieux que deux mais le réalisateur tranche radicalement avec les frères les plus agaçants de la scène horrifique Thaï/HK en choisissant la voie opposée. Loin des petites exubérances esthétisantes des deux frères, Pang Ho Cheung choisi quelque chose de plus direct, de plus brut. Le style littéraire de Pang, qui fut d’abord écrivain, se ressent fortement dans la structure narrative de ses œuvres. Le réalisateur aime expérimenter, ou à défaut d’expérimentation, aime fragmenter son récit, les points de vue, et donner à ses films des airs de petit malin.

Dream HomeSi le récit choisit d’entremêler les temps (le carnage et le passé de Sheung) afin de donner plusieurs dimensions aux meurtres en cours, ce choix implique en revanche un manque d’unité de l’ensemble. Plutôt que de choisir une montée en puissance progressive, le réalisateur opte pour une double narration, se désamorçant finalement un peu l’un et l’autre. Il en résulte une sorte de déséquilibre dans l’unité de ton. On passe dès lors d’une première moitié de film très froide, entrecoupée de séquences mélancoliques, à une deuxième moitié jouant plus ouvertement sur le second degré et l’humour parfois grotesque. Le film se veut souvent rude et très sadique, mais cet aspect se voit désamorcé juste après par de l’humour et un gore grand guignolesque. Ce sont des défauts directement imputables à la structure littéraire de Pang, qui empêche le récit de soigner sa dramaturgie. Celle-ci aurait gagnée à être plus viscérale, mais au final, le récit manque quelque peu de vie, preuve que si Pang Ho Cheung est un bon conteur (et quelqu’un de doué pour les belles images), ce n’est pas le grand réalisateur que l’on veut nous faire croire. Peut-être est-ce dû à la prétention du bonhomme. Peut-être qu’au lieux de se regarder filmer, Pang aurait mieux faire de prendre son propos à bras le corps, de manière à donner à ses flashbacks un véritable intérêt dramatique plutôt qu’un champ de réflexion un peu feignant dans le traitement.

Reste finalement le rapport du spectateur à ce qu’il regarde. Le personnage de Sheung étant à ce niveau assez intéressant, même si cela vient en grande partie du manque de caractérisation de Pang. Celle-ci est à la fois un reflet du spectateur, qui peut se reconnaitre en elle, mais également un personnage inexcusable dans ces actes. Pang Ho Cheung choisit d’ailleurs de la faire tuer des personnages “intouchables” tels qu’une mère enceinte, ou au contraire une bande de jeunes glandeurs tout ce qu’il y a de plus antipathiques pour sonder les limites de l’empathie du spectateur pour la protagoniste.

Sans être un mauvais film, loin de là, on n’hésitera pas à trouver surestimée l’engouement pour le film, au simple prétexte qu’une bonne plume donne un récit intelligent. Preuve que littérature et cinéma n’ont rien à voir, Dream Home est un film chaotique à la fois dans son propos, mais également dans sa structure. Choisissant d’explorer trop de pistes, le film se perd dans ce jeu, entrainant également le spectateur dans sa confusion. Reste au final un petit slasher sympathique, mais qui aurait gagné à jouer davantage sur la peur que sur son discours social.

Anel Dragic.

Verdict:

Dream Home, disponible en DVD et Blu-Ray édités par Wild Side depuis le 05/04/2011.