Deauville 2011, jour 3 : dans la paume de Bouddha

Posté le 13 mars 2011 par

Aujourd’hui, alors que la Thaïlande nous offre ce qu’elle a de mieux (Eternity) et de pire (Onk Bak 3), la fiction nous ramène à l’actualité quand le souvenir d’un tremblement de terre est rappelé dans le beau Buddha Mountain. Par Victor Lopez et Olivier Smach.

Samedi 12 mars.

Le film du jour : Buddha Mountain de Li Yu (Compétition)

Drôle de vase clôt qu’un festival de cinéma. Une semaine durant, le cinéphile mange des films, boit du cinéma et rêve de pellicules… Pendant quelques jours, rien d’autre que le septième art n’occupe ses pensées et ses conversations. Le paradoxe est que cette fenêtre sur le monde, que devient l’écran le temps du festival, coupe celui qui la contemple de l’extérieur. Cette année à Deauville, le réel a pourtant brisé cet ostracisme artistique. Le séisme japonais a secoué jusqu’au CID et le Tsunami a aspergé jusqu’à l’insouciant festivalier, touché par l’ampleur et l’horreur de l’événement. Les présentations des films d’abord se sont fait le théâtre de discours émus, des japonais bien-sûr, comme Hashimoto Naoki, réalisateur de Birth Right, touché par les témoignages de soutien des festivaliers, mais aussi de toutes les autres nationalités. La cérémonie de clôture était aussi assombrie par la tragédie, évoquée aussi bien par Amos Gitaï que par Kongsakul, lauréat du Lotus d’or pour son très beau Eternity, ou par Lionel Couchan, président du festival, qui s’est dit « touché, pour ne pas dire traumatisé par cette catastrophe monumentale ».

Le plus étrange est moins cette entrée du réel dans la bulle protégée du festivalier par les témoignages que lorsque les images d’actualité trouvent écho sur les écrans. Ainsi, une scène de Buddha Moutain tétanise tant elle semble refléter la catastrophe actuelle. Le long métrage de Li Yu est en effet situé près de Chengdu, qui fut touché par un séisme d’amplitude 7,8 en 2008. Lorsque les jeunes protagonistes du film découvrent un temple détruit par l’événement, des images d’archives viennent trouer la fiction. L’écho est alors troublant entre les images projetées sur le grand écran et celles d’actualités. On sent la salle retenir son souffle durant ce court instant, hébétée par la force saisissante de cette incrustation du réel dans la fiction.

C’est peut-être pour cela que Buddha Mountain fut le film le plus applaudi par les festivaliers cette année. Cela, ou grâce à sa touchante simplicité et immédiateté. Le film, qui se concentre sur la rencontre entre trois jeunes sans repères et une chanteuse d’Opéra qui a perdu son fils dans un accident de voiture, est en effet d’une grande liberté dans sa narration et sa mise en scène et apparait comme un bol d’air frais au milieu des autres œuvres de la compétition, plus volontiers anxiogènes et sombres. Passant de la chronique sociale à la comédie, et même au mélodrame, Buddha Moutain s’apprécie comme un drame généreux et subtil, aux personnages et aux situations attachants.

Victor Lopez.

Eternity de Sivaroj Konsakul (Compétition)

« Les fantômes ne sont pas attachés aux lieux mais aux personnes », entend on dans Oncle Boonmee. Sivaroj Konsakul semble avoir voulu faire mentir Weerasethakul en signant cet Eternity, dans lequel le passé d’un lieu revient hanter les souvenirs d’un fantôme, plus qu’il ne hante les lieux. Ancré dans le nouveau cinéma thaïlandais sur lequel l’oncle Apichatpong a donné un beau coup de projecteur grâce à sa palme à Cannes 2010, Eternity utilise le terreau des mythologies et croyances thaïlandaises pour en faire le berceau d’une déconstruction du récit et des codes narratifs traditionnels, couplé à une scrutation du quotidien dans une apaisante durée. Il faut en effet se laisser aller à la tranquille contemplation pour savourer Eternity. Le premier quart d’heure est ainsi d’une radicalité exceptionnelle, lorsque Sivaroj Konsakul décide d’utiliser le cinéma pour peindre longuement des paysages, avant d’y incruster peu à peu ses personnages.

Un récit possible prend alors corps, se concentrant sur une histoire d’amour intemporelle et absolue, d’une poésie qui sait se faire bouleversante. Quelques années après Weerasethakul, qui avait gagné le prix pour Syndromes and a Century, Konsakul reçoit donc un beau Lotus d’or. Histoire de consolider la filiation, le cinéaste a affirmé que cette œuvre, comme le Lotus de Joe, est inspirée par l’histoire de ses parents. Souhaitons lui de pouvoir développer son univers avec autant de génie et de succès que son aîné.

Victor Lopez.

Onk Bak 3 de Tony Jaa & Panna Rittikrai (Panorama)

Où l’histoire d’un film dont il aurait été préférable qu’il ne voit jamais le jour !

Premier constat, Ong Bak 3 est tout simplement un méchant copié/collé des rushs du second opus, sans la qualité des chorégraphies du précédent épisode. Et c’est la que ça blesse, car niveau scénario on ne peut pas dire qu’un film de Tony Jaa ait jamais volé bien haut…Il n’y a donc pas grand-chose à se mettre sous la dent. Ensuite, le métrage commence directement à la scène où se termine le deuxième, avec un Tony Jaa plus fort que jamais, ce qui est en soi bien surprenant puisqu’il est censé être mort (du moins c’est ce que nous a appris le narrateur…) ! Mais non, là il est bien vivant et malgré une heure de baston non stop à la fin du deux qui finit sur sa défaite, le bougre est encore très en forme puisqu’il va être en mesure de distribuer des pains jusqu’au milieu de la nuit.

Les deux scénaristes auraient pu alors au moins envisager un artifice original où délirant tel que celui de John Woo qui fait ressusciter Chow Yun Fat dans le Syndicat du Crime 2 par le biais de son cousin (sa copie conforme). Mais non, là c’est comme dans The Descent 2 qui voit l’héroïne mourir à la fin du premier, puis ressusciter sans aucunes explications. C’est donc vraiment prendre le spectateur pour un gogo. Passons…

Bref, après un combat qui se termine de nouveau sur une défaite, Tièn se fait torturer avec beaucoup de délicatesse puisqu’en plus des différents écartèlements et dizaines de coups de fouets qu’il subit, il se prend quelques gros coups de tronc d’arbre dans le thorax et dans la tronche. Et puis, de nouveau par un subterfuge scénaristique à la limite du foutage de gueule, il parvient à s’en sortir, mais dans quel état ! L’expert des coups de genoux/coudes dans le nez, est devenu infirme et ses os, vertèbres et articulations sont complètement tordues. Il ne parvient plus à tenir debout seul et comme vous pouvez vous en douter, le petit est triste à en mourir.

Mais là, il retrouve sa copine d’enfance, charmante danseuse qui lui apprend à danser. Et puis grâce à la méditation entrecoupée de pas de danses endiablés à la sauce Thaï (soit près d’une heure du film) lui permettant de retrouver toute sa mobilité et souplesse d’antan, il redevient frais comme un gardon !

Notons que la scène de rapprochement entre les deux tourtereaux réussit l’exploit d’être encore plus naïve et ridicule (il faut voir les sourires que tape Tony Jaa) que le pire des Bollywoods. Après tout ça, il finit par atteindre le Nirvana, et comme maintenant le sang de Bouddha coule dans ses veines, il est capable d’anticiper le futur et d’invoquer la foudre. Ça lui permet d’atomiser en deux temps trois mouvements le grand méchant de service, l’homme démon corbeau, devenu roi à la place du roi, dont il n’avait pas réussi à se défaire dans Ong Bak 2. Et comme ce dernier maltraite également les éléphants, il est évident qu’il ne pouvait faire le poids face au plus fervent défenseur de la division pachyderme au sein de la W.W.F (les animaux, pas le catch, quoi que la différence entre les deux est bien maigre…).

Mais ne soyons pas trop mesquin, le combat final est tout de même de qualité et les pratiquants d’aïkido devraient l’apprécier comme il se doit, puisque Tony Jaa emprunte et mixe à sa boxe Thaï de nombreux mouvements issus de cet art martial. Concernant le vilain, nous ne parvenons toujours pas à comprendre comment cette créature fait pour être mutlivocaliste. C’est toujours surprenant d’entendre parler un bonhomme avec deux voix différentes en simultanées ! Et le film se termine sur un générique pop thaï des plus mauvais confirmant bien son statut de nanar ultime jusqu’à la dernière minute.

Et c’est donc avec une certaine fierté que nous lui décernons notre récompense ultime en matière de bouse, le prix East Asia du film le plus à l’ouest !

Olivier Smach

A lire également :

Compte rendu de la première journée.

Compte rendu de la seconde journée.

Compte rendu de la troisième journée.

Compte rendu de la quatrième journée.

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