Deauville 2011, jour 1 : la balade du possible

Posté le 11 mars 2011 par

Olivier Smach tombe amoureux de Jay Chou ? Victor Lopez dit presque du mal d’un Hong Sangsoo ? Yuen Woo-Ping surpasse Tsui Hark ? Deauville, le festival où l’impossible devient possible ! Par Victor Lopez et Olivier Smach.


Jeudi 10 mars.

Le film du jour : True Legend de Yuen Woo-Ping (Action Asia)


Su Qi-Er (True Legend) marque le grand retour de Yuen Woo-ping en tant que réalisateur, qui n’avait pas officié dans ce rôle depuis Tai ji quan (Tai Chi master 2) en 1996. Et pour le coup, le légendaire chorégraphe Hong Kongais (Il était une fois en Chine, Kill Bill…), fait un come-back des plus fracassants dans la pure tradition des films du cinéma Hong-Kongais des années 80 à l’ère du numérique !

Le pitch est aussi simple qu’efficace. Général hors pair au sein de l’empire à la fin du 19 siècle, Su Can (incarné par Vincent Zhao alias Chiu Man-cheuk , rendu célèbre par le rôle de Ding On dans The Blade) renonce à ses fonctions pour se consacrer à la fois à sa famille, et pour affiner sa maîtrise du Kung Fu dans le but d’atteindre la quintessence ultime de son art, le Wushu. Naturellement, nous sommes dans un film HK, et, comme on peut s’en douter, cette perspective mielleuse de conte de fées rayonnant n’arrivera jamais. Ses projets vont donc rapidement tomber à l’eau lorsqu’ils vont être contrecarrés par son frère adoptif Yuan Lie (Andy On), qui voue une haine viscérale à sa famille d’adoption et plus particulièrement envers son père adoptif, qu’il tient pour responsable de la mort de son géniteur. Une guerre fratricide impitoyable aux conséquences irréversibles est alors sur le point de commencer…

A l’inverse du très décevant Détective Dee de Tsui Hark, True Legend est une véritable bombe atomique à tous niveaux :

Les chorégraphies sont d’une virtuosité jusqu’ici rarement atteinte (mais en doutiez-vous ?), tous les combats sont, sans exceptions, d’une beauté à couper le souffle, l’impact des coups est brutal, chaque collision résonne au plus profond de notre âme, et l’hémoglobine est bien présente ! Le film ne souffre d’aucun temps mort, et les combats s’enchaînent pendant près de deux heures pour le plus grand plaisir du fan de Wu Xia Pian que nous sommes ainsi que celui des spectateurs.

Les différents duels entre Su Can et le Dieu des Arts Martiaux (rien que ça !) sont tout simplement mémorables. La divinité incarnée par un Jay Chou inspiré est une excellente surprise. Bien que peu expressif comme à son habitude, il met ici à profit tout son talent d’artiste martial au sein de combats dantesques accompagnés d’effets numériques d’excellentes factures !
Très belle prestation également de Yuan Ying (Xun Zhou) épouse du héros qui nous avait déjà montré ses grandes qualités d’actrice en tant qu’héroïne du récent et passionnant Le Message (Feng Sheng).

Par ailleurs, le film regorge de références en tous genres : à commencer par un hommage au sabreur manchot de The Blade, lors d’une scène de repas qui voit le héros sombrer dans une dépression sans limites, suite à sa condition nouvelle d’infirme. Mais surtout, la dernière heure du film de Yuen Woo-ping est consacrée à la gloire de son cultissime Drunken Master, puisqu’il va, à travers son héros, encenser une nouvelle fois la boxe de l’homme ivre pendant plus d’une heure au sein d’un tournoi d’arts martiaux spectaculaire.

Pour conclure, il y aurait encore tellement de choses à dire sur ce film tant ses qualités sont nombreuses et indéniables, et la bonne nouvelle, c’est qu’il sort en salles le 27 juillet prochain. À cette occasion, nous y reviendrons plus en détails. True Legend est donc une sacrée claque, le premier véritable choc du festival et un film d’action que tout amateur du genre se doit d’aller voir !

Olivier Smach

La Ballade de l’impossible de Tran Anh Hung (Compétition)

I once had a girl, or should I say, she once had me…
She showed me her room, isn’t it good, Norwegian Wood ?
The Beatles, Norwegian Wood

Après le Velvet Underground et Lou Reed dans À la vertical de l’été, on s’attendait à entendre des morceaux des Beatles envahir tout l’espace sonore de La Ballade de l’impossible, le nouveau Tran Anh Hung dont le titre original, Norwegian Wood laisse entendre l’influence du groupe de Liverpool. Surprise, ce sont plutôt des morceaux de Can qui sont employés, alors que les compositions de Jonny Greenwood, guitariste de Radiohead et orchestrateur de la sublime B.O. de There will be blood de Paul Thomas Anderson, finit d’envouter le mélomane. Le cinéphile, quant à lui, essaye tant bien que mal de se laisser porter par la mise en scène langoureuse de Tran, mais finit, malgré ses efforts, par décrocher pour se laisser bercer uniquement par la bande-son et l’atmosphère désespérée du film.

Ce n’est pourtant pas la faute du récit, adapté du best seller de Murakami, dont les passionnantes thématiques donnent une consistance immédiate à l’œuvre. On est happé dans la première demi-heure par la densité dramatique de la situation, qui traite avec subtilité de la perte d’un être au sein d’un couple sur fond de révoltes étudiantes japonaises de 1967. Inutile cependant d’y chercher un rapport avec le travail de témoignage du Wakamatsu de United Red Army : le film laisse de côté l’Histoire pour se concentrer sur le drame adolescent. Lorsque des étudiants en colère interrompent un cours sur Euripide sous prétexte qu’il y a des choses plus importantes, le professeur mis à l’écart leur rétorque que rien n’est plus important que la tragédie grecque, et Murakami comme Tran sont bien d’accord avec lui.
Rien non plus à reprocher aux acteurs, qui incarnent leurs personnages avec autant de justesse que d’années qui les séparent de leurs rôles. Kikuchi Rinko est comme à son habitude sublime et on espère que cette prestation lui permettra d’avoir enfin la reconnaissance qu’elle mérite au Japon. Et si l’on pouvait craindre l’interprétation de Matsuyama Kenichi, idole échappée de mangas-live ( Gantz, L), on est heureux et surpris de découvrir ici un véritable acteur.

D’où vient alors ce sentiment de déception face à une œuvre en apparence réussie, mais profondément bancale ? De la mise en image de Tran Anh Hung. On redécouvre d’abord avec bonheur sa touche impressionniste, balayant de ses longs plans ultra-composés les événements par ses atmosphères travaillées. Il habille son drame en filmant avec pudeur ses personnages en leur tournant autour, cachés par des filtres et divers objets, puis se rapproche d’eux en scrutant avec proximité leur épidermes. Au bout d’une demi-heure, on se souvient cependant que cette décoration était déjà ce qui faisait toute sa mise en scène de sa trilogie vietnamienne, et la lassitude fait bientôt place à l’ennui devant un procédé qui relève plus d’une mécanique que d’une esthétique. La douleur sonne alors artificielle, le drame faux, et l’on se détache de cette histoire, qui ne nous intéresse au final plus du tout lorsqu’elle est ainsi mise en image.

Victor Lopez.

La Femme est l’avenir de l’homme de Hong Sangsoo (Hommage)

Après la géniale « trilogie » avec laquelle on l’a découvert en France en 2000, Hong Sangsoo signe quelques films moins forts, puis revient avec une atmosphère plus mélancolique et légère de son exil parisien pour Night and Day en 2008. La femme est l’avenir de l’homme, qui date de 2004, fait parti de cette période transitionnelle un peu bancale, et se regarde maintenant plus comme le jalon d’une puissante filmographie que comme une œuvre à part entière. Et s’il est un peu approximatif, un peu redondant, cela ne veut pas dire qu’il ne jongle pas aussi avec quelques scènes marquantes et amusantes. Sommet dans la première catégorie, une demande de fellation impromptue vient choquer par sa cruauté et crudité le spectateur attentif (il faut l’être pour comprendre la subtilité des situations du film). Toujours aussi réjouissante, une autre scène d’échange narcissique d’écharpes surprend par sa justesse surréaliste. De tels moments méritent à eux-seuls que l’on se penche sur ce film mineur d’une œuvre essentielle.

Victor Lopez.

Bonus : les perles du jours

09h45 (en sortant du train)
Victor : Mais il fait super froid à Deauville !
Olivier : Ben ouais, t’as cru que c’était Cannes ?

16h05 (découvrant les premières images de True Legend)
Olivier : Moi, j’ai pas honte de l’affirmer : Detective Dee, c’est vraiment de la daube !

22h05 (en feuilletant la programmation de l’hommage à Hong Sangsoo)
Olivier : On prononce Hong Sang soo ou Hong Sang Sou ?
Victor : Vu qu’ils sont toujours bourrés dans ses films, on devrait dire Hong Sang saoul !

A lire également :

Compte rendu de la première journée.

Compte rendu de la seconde journée.

Compte rendu de la troisième journée.

Compte rendu de la quatrième journée.

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