Le cinéma d’Edward Yang, de Jean-Michel Frodon (livre)

Posté le 24 novembre 2010 par

Un livre indispensable, à coup sûr. Indispensable pour les amoureux de l’œuvre de Yang (notons que ce cinéaste mort en 2007 demeure trop peu connu en France). Indispensable pour ceux qui n’ont vu que son film le plus fameux, Yi Yi (et ont été touchés, voire bouleversés par ce film, quand bien même on pourrait en pointer les limites). Indispensable enfin pour tous les amateurs de cinéma. Asiatique ou non. Par Antoine Benderitter.

Car Yang est universel. Il est aussi polymorphe. Chef de file, aux côtés de Hou Hsiao Hsien, du Nouveau Cinéma Taïwanais, il a su brasser harmonieusement des influences diverses: chinoises, japonaises, américaines, européennes. L’ouvrage de Jean-Michel Frodon – ancien directeur de la rédaction des Cahiers du Cinéma – reflète cet éclectisme. Il possède la vertu de proposer un enchaînement limpide d’analyses fines mais lisibles, de photos, esquisses et dessins préparatoires parfois remarquables, et d’un nombre conséquent d’entretiens et textes de réflexion, y compris signés par le cinéaste lui-même. Ce foisonnement n’étouffe jamais le lecteur. On saute avec aisance d’un chapitre à l’autre, d’un détail biographique à une réflexion sur le rôle de l’art dans la société, d’une évocation de l’histoire de Taïwan à un poignant témoignage humain. À cet égard, mention spéciale au très beau texte-hommage d’ Olivier Assayas, à la fois ami d’ Edward Yang et admirateur lucide et fervent de l’œuvre.

The Terrorizers (Taiwan, Hong Kong, 1986) 11

 

C’est dire à quel point le livre de Frodon relève haut la main le défi posé par son statut de première étude sur Yang à destination du public français. Défi qui en fait d’emblée un ouvrage de référence: il se devait donc d’être accessible. Il le paye par un découpage un peu scolaire: on commence par la biographie ; on poursuit par l’analyse film par film ; suivent l’iconographie, les hommages, les réflexions diverses sur l’homme et l’œuvre. Le plaisir de lecture n’en pâtit guère: l’académisme de l’approche ne vire jamais à la sécheresse, et sait nous restituer les multiples facettes d’un homme attachant. Les néophytes se réjouiront de cette approche rationnelle, didactique, qui aurait sans doute plu à l’ingénieur que Yang était aussi. Quant au passionné, gageons qu’il trouvera lui aussi de quoi se sustenter, tant la matière est riche.

Bref, une fois encore, voilà un achat indispensable. Sa plus belle vertu : nous donner l’envie pressante de découvrir tous les films de Yang, dont à ce jour seul Yi Yi est édité en DVD dans l’Hexagone. À quand une sortie de A Brighter Summer Day et des autres ? Une absence étrange, qui confine au scandale.

Antoine Benderitter.

Le Cinéma d’Edward yang, de Jean-Michel Frodon. Disponible aux éditions Eclat Eds De L’ depuis novembre 2010.

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