Dollhouse, dernier film d’horreur du cinéaste du japonais habitué de la comédie Yaguchi Shinobu (Swing Girls, Waterboys…), a été diffusé en avant-première nationale au PIFFF. Il s’agissait possiblement de l’unique séance pour découvrir en France ce film du cinéaste culte sur l’archipel mais encore inédit chez nous.

Yoshie, brisée par la mort de sa fille, s’attache à une poupée à son image. Quelques années plus tard, l’objet revient hanter la famille, déclenchant d’inquiétants phénomènes qu’ils ne peuvent fuir.
Le projet avait de quoi faire peur : film de poupée hantée porté par la Toho, de la part d’un cinéaste connu avant tout pour ses feel-good movies et assez rare dans le paysage, surtout dernièrement, Dollhouse ressemblait avant tout à un projet de survie commerciale taillé pour le grand public japonais. Mais le film se place étonnamment aussi dans le sillon des Conjuring, saga qui n’a pas proposé de bon opus depuis son second en 2016 et dont l’univers étendu au cinéma représente tout ce qu’il y a de plus décevant dans l’horreur contemporaine actuelle, hormis quelques bonnes (mais trop rares) surprises. Ce sillon, c’est donc celui du film grand public de train fantôme, cinéma totalement réjouissant lorsqu’il est bien fait et, Yaguchi Shinobu, sur ce point là, ne déçoit pas. Les jumpscares et autres effets ne réinventent pas la roue, mais sont suffisamment ludiques pour nous surprendre et tout simplement proposer de l’épouvante qui fonctionne. D’ailleurs, s’il réussit bien dans un genre aussi fragile que celui du film de poupée, c’est possiblement dans les choix qu’il fait pour ne pas ressembler à une formule éculée (type Annabelle). Il injecte à ce genre une iconographie folklorique aussi bien traditionnelle que cinématographiquement japonaise. Mais surtout, il sait que l’iconographie atypique ne suffit pas – la grande erreur des films de poupée est de supposer qu’à partir du moment où la poupée fait peur, il n’y a plus grand chose d’autre à fair. À cette iconographie horrifique il rajoute un jeu avec le spectateur, passant tant dans sa mise en scène que dans son montage et sa construction narrative en tiroirs.

Peut-être que ce sur quoi Yaguchi réussit le mieux, c’est lorsqu’il se joue des attentes du spectateur. Le cinéma abonde de cette formule épouvante/train-fantôme, et le cinéma japonais d’horreur abonde lui aussi, plus particulièrement, d’histoires de fantômes. Dans les deux cas, la qualité est extrêmement variable. On aurait pu attendre du cinéaste, habitué de la comédie, qu’il verse dans la comédie horrifique, genre particulièrement bon dans le paysage japonais actuel mais qui a le vice d’être parfois exécuté de manière assez feignante. Pourtant, il délivre un film tout à fait sérieux. La réussite n’est pas totale mais le résultat est très intéressant dans le jeu mis en place. On a notamment toute une partie du film prenant radicalement le point de vue de cette mère endeuillée se réfugiant dans cette poupée en la traitant comme une enfant, et le cinéaste montrant comment ce personnage délirant n’a pas conscience d’à quel point il impose au monde, qui ne sait pas comment réagir face à ça, tout le mortifère qui la ronge. Il y a aussi une sorte de punition divine, sadique et légèrement caustique dans la construction de l’introduction qui mène à la mort de l’enfant. Le cinéaste propose quelque chose de véritablement joueur et, pour qui sait s’amuser devant un tel film, le jeu prend et le train fantôme est réussi.
Là où Dollhouse pourrait pécher le plus, c’est sur sa longueur (près de 2 heures de film) où il finit par s’essouffler. Les retournements de situations s’enchaînent, le film se prolonge anormalement et, surtout, il donne beaucoup trop de réponses. Finalement, c’est peut-être à ce moment-là que le cinéaste aurait dû opérer une bascule de ton, puisque le métrage devient petit-à-petit très proche du ridicule, sauvé à chaque fois in extremis par le savoir-faire de Yaguchi et de son équipe (et plus particulièrement de l’équipe effets spéciaux car ceux-ci sont très bons et pas entièrement numériques, ce qui est assez rare pour être noté dans l’horreur japonaise actuelle et encore plus commerciale) qui gardent tant bien que mal le film dans un terrain un peu plus sérieux et qualitatif. Il ne manque que cette petite étincelle de folie pour le faire décoller, ou bien alors des choix un peu plus radicaux quant à la narration, pour porter le film vers quelque chose de plus abscons et où les retournements ne porteraient pas, presque à eux seul, sa dernière demi-heure un peu trop longuette.
Dollhouse est donc à la fois une franche surprise et un pari réussi. Certes, le tout est très classique, mais suffisamment ludique pour passer une séance très amusante. Le film ne dénote pas du reste de la filmographie du cinéaste qui, même avec des enfants morts et des poupées hantées, s’attache à faire de la séance un espace convivial.
Dollhouse de Yaguchi Shinobu. Japon. 2025. Projeté au PIFFF 2025.




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