VIDEO – La Légende de Baahubali parties 1 & 2 de S.S. Rajamouli

Posté le 30 décembre 2025 par

L’année 2025 aura été une année faste pour les amoureux du cinéma de S.S. Rajamouli. Après l’arrivée sur Netflix de son succès de 2022 RRR, c’est maintenant au tour de son monumental diptyque La Légende de Baahubali d’avoir les honneurs d’une sortie vidéo toute aussi incontournable, et ce grâce à Carlotta Films, dans une somptueuse édition collector. Cette version est l’originale en deux volets sortis en 2015 et 2017 en Inde, faisant suite à un remontage en un film de 5 heures dite « Director’s Cut » pour le cinéma projeté cette année dans nos salles.

Lorsque l’on évoque le phénomène Baahubali, les premiers adjectifs que l’on entend à propos de cette saga sont au-delà du dithyrambique, pour qualifier un film dépassant tout ce que le cinéma de divertissement à grand spectacle aurait pu proposer jusqu’alors, et ce quels que soient les nationalités. Grandiloquent, généreux, fou, épique et sans aucune retenue, entre autres. Après visionnage des presque six heures de film, on ne pourra qu’abonder dans ce sens, tant le spectacle s’avère total et sans aucune commune mesure avec ce que le cinéma international peut offrir en terme de blockbuster. Mais Baahubali c’est aussi beaucoup plus que ça, et c’est avant tout l’opus magnum d’un réalisateur, Koduri Srisaila Sri Rajamouli, plus connu sous le nom S.S. Rajamouli.

Lorsque S.S. Rajamouli entreprend en 2014 de réaliser Baahubali, le cinéaste s’est déjà construit à Tollywood, la mine du cinéma télougou du sud de l’Inde, une solide réputation de metteur en scène à succès. Son film Magadheera en 2009 est un immense carton au box-office indien, mais à l’international, c’est son film Eega en 2012 qui va le propulser sur le devant de la scène. Un film complètement fou qui met en scène un homme qui se réincarne en mouche pour aller se venger du malfrat qui l’a tué. Un concept original pour un résultat frôlant souvent avec le kitch mais qui, de par sa mise en scène et sa générosité dans le grand spectacle et le divertissement, arrive à l’éviter tout en étant drôle et spectaculaire. Enfin en 2014, S.S. Rajamouli, accompagné de son père qui co-signe ses scénarios depuis ses débuts, entreprend de réaliser ce qui deviendra son œuvre phare, Baahubali. S’appuyant (très librement) sur les récits du Mahabbharata et du Ramayana, longs poèmes incontournables de la culture hindoue, les deux hommes vont écrire une histoire dense, d’aucuns diront une épopée ; qui va redéfinir le cinéma d’action et d’aventure, et bien plus encore.

Il y a de cela des siècles en Inde, une femme à l’agonie fuit le royaume du Mahishmati, empire juché au sommet d’une montagne sans fin. Dans ses bras, elle tient un nouveau-né. Avant de mourir, elle sauve de justesse l’enfant qui est recueilli par une tribu vivant tout en bas de la montagne. Les années passent et le petit enfant est devenu un jeune homme à la force herculéenne, élevé dans la modestie et le respect. Intrépide et courageux, il  cause bien du souci à sa mère adoptive en ne cessant de vouloir à tout prix escalader la montagne. Mais ce qu’il ignore, c’est qu’il est en réalité l’héritier du trône du Mahishmati, un trône qui est au centre de sombres complots et trahisons depuis des générations. Après moult péripéties et rencontres, il entreprend de reprendre ce qui lui est dû, à la force de ses bras.

Résumer le film n’est pas chose aisée, tant les faits relatés ci-dessus n’occupent littéralement que les 40 premières minutes de la totalité du récit, qui s’étale sur deux longs-métrages de 160 minutes chacun. Un récit dense, touffu, aux multiples protagonistes et qui prend tout son temps pour poser ses enjeux et ses conflits. Rajamouli et son scénariste ont construit leur récit d’une manière assez déconcertante, au vu de la durée de l’ensemble. En effet, l’histoire se déroule sur deux temporalités différentes sur l’ensemble des six heures de métrage. La première partie déroule son action pendant environ la totalité de son temps, pour ensuite basculer, à la faveur d’un retournement de situation avec son climax, dans un flashback. Flashback qui occupera les trois quarts du deuxième volet et dont la conclusion refera basculer le récit dans la temporalité initiale du premier film. Une technique scénaristique assez osée mais qui est ici utilisée de manière suffisamment intelligente et cohérente pour permettre in fine au spectateur de ne jamais se perdre dans les rebondissements et évolution des personnages (la femme mourante du début est rapidement identifiée dès son apparition dans le deuxième volet, par exemple). On notera cependant que si le premier volet est assez généreux en action et aventure, sans oublier les incontournables séquences chantées, le deuxième volet se montre légèrement plus chiche en action, du moins dans sa première moitié, et tend à favoriser la dimension dramaturgique de son récit, beaucoup plus shakespearien et théâtral dans son approche, avec son lot de trahisons et fourberies, avec quelques scènes plus légères de comédie à base de quiproquo mais dont l’issue s’avérera catastrophique. À défaut de foncièrement être original, le récit parvient rapidement à rendre attachant l’ensemble de ses personnages, le héros en tête, et forcément détestables les grands méchants de l’histoire, et arrive même à rendre passionnant un des seconds rôles, en l’occurrence le garde rapproché de la reine, pivot central de la machination visant à se débarrasser de l’héritier du trône. Un personnage torturé et complexe, tiraillé entre son dévouement pour la reine rebelle et son obéissance forcée au cruel chef des armées.

Sans en dévoiler d’avantage, on peut affirmer que le scénario sait maintenir l’intérêt pendant toute la durée du spectacle, en parvenant à ne jamais générer le moindre ventre mou ni début d’ennui. Et il faut reconnaître que la mise en scène de S.S. Rajamouli y est pour beaucoup.

A récit épique, mise en scène idoine, puisqu’ici le metteur en scène ne se met aucune barrière ni limite lorsqu’il s’agit de filmer, d’illustrer même, son récit fleuve et romanesque. Et à ce sujet, regarder Baahubali, c’est regarder un incroyable déballage d’audace et de prise de risque à la mise en scène comme nul autre pareil. S.S. Rajamouli doit filmer un poème épique, avec un héros affrontant dangers et obstacles, avec une force quasi divine capable de littéralement déplacer des montagnes. Et c’est ce qu’il fait en enchaînant les morceaux de bravoure tous plus fous et spectaculaires les uns que les autres. On a beaucoup glosé sur la supposée tendance du cinéma indien à systématiquement jouer l’emphase à tous les niveaux dans les films qui y sont produits. Les émotions surjouées avec les tropes de mise en scène qui les accompagnent, ou bien encore des scènes d’action parfois trop excessivement improbables pour être crédibles. Mais dans le cas de Baahubali, il est question d’office d’un récit ample, mythologique, épique et aux frontières du fantastique. Dès lors, on ne peut pas être choqué ou surpris par les séquences incroyables et spectaculaires qui s’enchaînent tout au long du film. La crédibilité n’a d’office pas lieu d’être mise en avant ici, ce qui mine de rien offre un boulevard à Rajamouli et sa créativité. La teneur des scènes en question ne sera pas dévoilée ici, mais on peut sans crainte affirmer que rarement le terme «  généreux »  n’aura autant pris tout son sens que dans Baahubali. Le public qui aura découvert le cinéma de Rajamouli avec RRR et qui voit Baahubali pour la première fois constatera que déjà en 2015, il avait atteint une sorte d’apogée du grand spectacle sans limite. Tout est fou, tout est trop, et chaque séquence supplante systématiquement la précédente en matière de grand spectacle. Spectacle qui a pour lui d’être toujours clair et lisible dans ses scènes d’action, ce qui au vu de ce qui est proposé dans le cinéma d’action et d’aventure actuel, devient une bénédiction. Certes parfois les effets spéciaux sont un peu trop visibles (une scène d’avalanche à la neige artificielle un peu vilaine), mais dans l’ensemble, ils servent les scènes d’action les plus dingues en tenant la dragée haute à Hollywood et certains blockbusters récents aux effets spéciaux largement plus douteux. Le cinéma de Rajamouli est un art qui a pour credo « une idée folle par séquence », et il est très appréciable de constater que le metteur en scène parvient à s’y tenir sur toute la durée de son épopée, sans oublier d’y glisser de vrais moments d’émotion pure (la marche traditionnelle du feu de la reine en plein chaos pyrotechnique).

Baahubali étant un film dense, riche en rebondissements et retournements de situations, il est préférable de ne rien en savoir avant de se plonger dans son univers, et de totalement faire confiance à son réalisateur, chef d’orchestre d’un gigantesque maelstrom épique, somme de tout ce que le cinéma d’aventure peut offrir en matière de grand spectacle chimiquement pur.

Bonus :

Conversation entre Karan Johar et S.S Rajamouli :

Dans ce module vidéo, le réalisateur et producteur Karan Johar s’entretient avec S.S. Rajamouli, revient tout d’abord sur Baahubali et leur collaboration, mais développe ensuite plus en profondeur avec une analyse pertinente sur le cinéma indien, avec notamment la différence de culture et de style cinématographique entre le nord et le sud de l’Inde. Une vidéo passionnante qui aurait même gagné à durer plus longtemps.

Entretien avec le réalisateur, Prabhas et Rana Daggubati :

Une courte vidéo promotionnelle dans laquelle le critique cinématographique Rajeev Masand reçoit le réalisateur et ses deux comédiens principaux et revient sur l’expérience de tournage de Baahubali.

Entretien avec Karan Johar et S.S Rajamouli :

Une autre vidéo plutôt orientée promotion dans laquelle Rajeev Masand reçoit le producteur et le réalisateur pour parler de leur collaboration à succès. Sans doute le module le moins intéressant tant le producteur se montre très voire trop enjoué par le triomphe de son réalisateur, aussi modeste que réellement passionné par son métier.

Q & A à Tokyo

Pour conclure, le module vidéo le plus touchant et passionnant des bonus, avec la visite du réalisateur après la projection du film dans un cinéma à Tokyo. On constate alors l’immense modestie du metteur en scène et sa sincère émotion de voir un public autre que celui de son pays s’enthousiasmer pour son œuvre. S’ensuit un Q & A aussi instructif que divertissant, avec Rajamouli qui semble ravi de voir un public rester sage pendant un film, loin des hurlement de joie assourdissants lors des projections en Inde.

L’éditeur a également inclut des featurettes, des reels sur les sfx et des bandes-annonces. Pour les collectionneurs, Carlotta Films a mis le paquet et offre également un portfolio de 24 pages, un jeu de dix photos et trois affiches du film dans la version EPL (Édition Prestige Limitée) du diptyque. Une édition collector digne de ce nom pour un film monumental.

Romain Leclercq.

La Légende de Baahubali parties 1 & 2 de S.S. Rajamouli. Inde. 2015, 2017. Disponible en Blu-ray et Blu-ray EPL (Edition Prestige Limitée) chez Carlotta Films le 02/12/2025.