Le public avait pu découvrir Lee Sang-geun en 2019 avec le réjouissant Exit, gros succès populaire du cinéma coréen et film d’ouverture du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) cette année là. Pour son deuxième film, il passe de la comédie d’aventure au film fantastique sentimental avec Pretty Crazy (le titre original signifie littéralement « un démon vient d’emménager »), mettant à nouveau en vedette Lim Yoona.
Un trentenaire au chômage tombe sous le charme d’une de ses nouvelles voisines. Seulement, il ne tarde pas à découvrir son secret : la nuit, à 2h du matin exactement, elle devient une autre personne, possiblement démoniaque. Malgré lui, il va se retrouver mêlé à ses aventures.
L’esthétique et le casting du film annoncent la couleur : on se trouve devant un film visant en priorité le public des dramas et des webtoons, avec une vedette de kpop, Yoona de Girl’s Generation, et un acteur, Ahn Bo-hyun, qui, bien que vu l’an dernier dans Veteran 2, est avant tout connu pour sa carrière sur le petit écran. Le film mise sur la puissance comique de son duo principal, et en particulier sur les grimaces de Yoona, pour capter l’attention de son spectateur, et le résultat global est très sympathique. Tourné en 2022 et produit par Ryoo Seung-wan, précédemment connu sous le nom de « le rendez-vous de 2h du matin », ce film est l’une des victimes de la crise qui touche toute l’industrie coréenne post-COVID. Privé de sortie pendant deux ans, promu à Cannes un an avant plutôt que l’année de sa sortie, le film n’a pas connu le succès espéré, malgré ses qualités.
Le dispositif est volontairement farcesque, avec des insultes, des coups et des contorsions : l’entité qui possède l’héroïne cherche à se donner l’image la plus caricaturalement malveillante possible, alors qu’on se rend assez tôt compte qu’il va y avoir un secret à révéler. Les acteurs s’en tirent bien dans les différents registre, que le film essaie d’émouvoir ou d’amuser. Structurellement il s’agit d’une comédie romantique, mais, paradoxalement, le gros du développement a lieu entre le protagoniste et l’entité, l’héroïne occupant considérablement moins l’écran que son double, dont le statut en fait un personnage dont l’intrigue ne permet pas d’espérer une conclusion romantique non tragique. Le film joue sur cette tension entre le grotesque et l’attachement, avec quelques scènes d’anthologie, soit parce que le personnage propose des idées aussi folles que spectaculaires, soit parce que la mise en scène arrive à créer des moments de tension où l’on se retrouve à craindre pour la survie de l’esprit qu’on cherche pourtant à faire disparaître.

Visuellement, on est dans les canons du genre, avec une esthétique très télévisuelle sur les scènes de jour et une dimension plus ludique sur les scènes de nuit, avec parfois des jeux de mise en scène tentant de convoquer une imagerie de film d’horreur (d’avantage sur le ton du pastiche que celui de l’épouvante). Le rythme se relâche parfois un peu, certains « épisodes » sont parfois un peu plus mous que d’autres, mais le film arrive à la destination qu’il s’est fixée avec élégance, et une sincérité communicative. Ce n’est pas un film très original ou très mémorable, maïs c’est un bonbon acidulé qui se paye en plus est le luxe de quelques moments d’humour noir et d’un soupçon de féminisme. C’est une comédie familiale qui aime ses personnages et les traite avec tendresse. Sans trop en dévoiler, la révélation de l’identité de l’entité, bien que préparée bien en amont, apporte un peu de cœur au film, au moment où les situations commencent à devenir un peu répétitives. S’il y a bien un vrai antagoniste dans le film, il sert avant tout de péripétie pour rendre les enjeux plus concrets et asseoir l’importance de la relation des protagonistes. Assez joliment écrit et inoffensif, c’est un projet qui devrait pouvoir trouver un public en vidéo et streaming.

Florent Dichy.
Pretty Crazy de Lee Sang-geun. 2025. Corée. Projeté au FFCP 2025.




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