Vendredi 17 février était une journée de rencontres pour l’équipe d’East Asia couvrant le FICA de Vesoul. Au programme : Kore-eda Hirokazu, Tran Anh Hung, Philippe Rostan et Oh Seong-Tae. Plus tous les films de la journée !
Une journée de rencontres par Jérémy Coifman
C’est le jour des interviews, on est tous assez impatient de rencontrer tous ces artistes. Ce matin, pas de films, encore du travail de préparation. 14 h, première interview, Kore-eda Hirokazu arrive, il a l’air un peu stressé. Il demande si nos questions ne vont pas être trop difficiles, ce qui en dit long sur ses expériences passées avec la presse française. L’entretien se passe à merveille. Au fur et à mesure, il se détend, sourit et s’intéresse. Au bout de 35 minutes, on doit mettre un terme à l’entretien. On en retient un personnage assez timide mais terriblement doux et véritablement content d’être là.
Pas le temps de souffler, Trần Anh Hùng arrive, son thé à la main, l’air détendu. On commence l’entretien, quelque peu dérangé par les incessants allers-retours de spectateurs du festival. Le réalisateur parle sans langue de bois, notamment sur I Come With The Rain. Très disponible, on engage un petit débat sur le cinéma de Wong Kar-wai après l’interview.
S’en suit une interview avec Oh Seong-Tae, acteur coréen de Dance Town. Il est content de pouvoir enfin parler de son métier d’acteur et de son film. Quand on se souvient des questions posées par le public lors de la projection du film, on le comprend.
Après avoir longuement préparé notre entretien de Philippe Rostan hier soir, on était assez satisfait. Mais une fois l’interview d’Oh Seong-Tae terminée, je me rendis compte que j’avais perdu les questions ! Il ne restait que 20 minutes et il fallait tout refaire. Comble du comble, le documentariste du Marché de l’amour arrive au bout de 5 minutes et je n’ai donc pas le temps de finir de réécrire mes notes. L’homme apparaît très sympathique. On discute une bonne vingtaine de minutes avant l’entretien, de ses documentaires, de Tsui Hark, du Vietnam. L’entretien se passe tout en douceur et avec grande fluidité, je m’en sors tant bien que mal. C’est passionnant. La découverte de deux de ses documentaires et cet entretien donnent encore plus envie de creuser son œuvre. Trần Anh Hùng repasse pour une autre interview, il oublie pas de nous glisser un petit mot sympathique. Nos entretiens du jour sont terminés.
Il est temps d’aller voir des films. After Life de Kore-eda est la prochaine séance. Belle mise en abîme du cinéma et beau film sur la vie et la mort. Notre journée se finit avec Niño, le film philippin en compétition de Loy Arcenas. Grosse déception, le long métrage adopte un style trop télévisuel, trop telenovela. Pire, l’aspect théâtral est omniprésent.
Jérémy Coifman.
To Live and Die in Vesoul par Anel Dragic
Ce vendredi 17 février était particulièrement rempli. Pour ma part, 4 films à voir et assister au maximum d’interviews. La fatigue s’accumule, mais peu importe : on dormira plus tard. On commence en douceur par Lessons from a Calf (1991), premier documentaire de Kore-eda Hirokazu, suivant une classe s’occupant d’un veau pendant deux ans. Ce programme de l’éducation japonaise vise à la fois à intéresser les enfants à l’apprentissage mais également à les responsabiliser. On les voit ainsi faire des maths (calcul du prix du foin), de la SVT (éducation sexuelle animale !) ou encore de la poésie (à l’attention d’un veau prématuré mort). Le réalisateur s’intéresse déjà aux enfants et s’attache à leurs comportements avec intérêt. Il est presque dommage que le film ne fasse que 47 minutes. Après un repas gastronomique (troisième midi au « Domac » !), l’heure est aux interviews : Kore-eda Hirokazu, Trần Anh Hùng puis Oh Seong-Tae, dont vous trouverez les interviews prochainement sur le site.
Je me rends ensuite à la projection de Lettres à un ange d’Ermek Chinarbaev. Suivant l’histoire d’un homme et d’une femme venant de se rencontrer, ils vont se raconter des histoires à la véracité ambigüe, Lettres à un ange est un film étrange et sensuel entremêlant les niveaux de récits. J’enchaîne sur After Life de Kore-eda, offrant un regard décalé sur la vie après la mort. Le film questionne l’importance de la vie et du vécu, construisant une habile mise en abîme du médium cinématographique, abordant l’outil cinématographique comme simulacre des souvenirs, avec une forme proche du documentaire. Enfin, Niño de Loy Arcenas est un drame insupportable plus proche de la telenovela que du cinéma. Poussant le ridicule toujours un peu plus loin, le dernier acte en arrive à un niveau de grotesque frôlant parfois l’indigestion.
Une fois la journée terminée, petit parcours dans les rues vésouliennes à la recherche d’une table pour se remplir la panse. Des rues vides, toujours des rues vides, et enfin une pizzeria-kebab ouverte. Retour ensuite sur la zone du festival pour la soirée de la diversité culturelle en compagnie de l’équipe du festival et de quelques invités. La bonne humeur et l’entrain de certains protagonistes étaient la clé d’une soirée réussie. Vivement la soirée kazakh du lendemain…
Anel Dragic.
Dance (Ghost) Town. Par Victor Lopez.
La beauté d’un petit festival, plus encore que dans les découvertes de sa sélection, repose souvent dans ses rencontres. Et Vesoul gâte sur ce point le festivalier, en rendant accessible à lui intervenants, invités, organisateurs, tous traités avec la même convivialité. D’un point de vue plus personnel, le FICA nous a offert ce vendredi quatre beaux moments de partage cinéphilique (et on ne remerciera jamais assez Bastian Meiresonne et Wafa Ghermani pour cela). Un Kore-eda ravi de dessiner un papillon sur mon Blu-ray Criterion de Still Walking (bon, c’était plutôt moi qui était ravi, mais il fallait que je le dise), un Trần Anh Hùng ouvert, un Philippe Rostan sincère et sympathique, et un Oh Seong-Tae ravi de parler de son métier d’acteur en Corée du Sud.
Côté cinéma, la journée fut en effet plus triste. Limité en nombres à cause du marathon des interviews, les films le furent aussi en qualité. En sélection officielle, Niño faisait mal aux yeux à cause de son absence de qualité artistique et, dans le regard sur le cinéma kazakh, L’Île de la renaissance à cause de sa copie en pitoyable état (un DVD dont l’absence totale de contraste ne rendait pas hommage au jeu sur les couleurs du film). Inutile de revenir sur le film de Loy Arcenas, quelque part entre du théâtre filmé et une médiocre telenovela, qui aurait pu être le Sitcom (version François Ozon) philippin, s’il ne se prenait pas si pitoyablement au sérieux, tant il est inutile de davantage l’enfoncer. L’œuvre de Rustem Abdrachev (connue des habitués de Vesoul pour Un cadeau pour Staline) est par contre digne d’être découverte plus largement. Tournée en 2004, L’Île de la renaissance est un poignant poème aux résonances autobiographiques, décrivant avec une sensibilité à fleur de peau les premiers émois amoureux d’un jeune kazakh. Un film qui vient confirmer que, finalement, loin des clichés, le cinéma kazakh est loin d’être chiant, et à tout pour être cool.
See you, Space Cowboys !
Victor Lopez.
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