EN SALLES – La Traversée du temps de Hosoda Mamoru

Posté le 18 juillet 2025 par

KMBO distribue en salles cette semaine La Traversée du temps, le film qui révéla le talent de Hosoda Mamoru au plus grand nombre avec cette œuvre envoutante qui révèle déjà tous ses grands thèmes.

Makoto est une jeune lycéenne comme les autres, un peu garçon manqué, pas trop intéressée par l’école et absolument pas concernée par le temps qui passe ! Jusqu’au jour où elle reçoit un don particulier : celui de pouvoir traverser le temps. Améliorer ses notes, aider des idylles naissantes, manger à répétition ses plats préférés, tout devient alors possible pour Makoto. Mais influer sur le cours des choses est un don parfois bien dangereux, surtout lorsqu’il faut apprendre à vivre sans !

Au moment de signer La Traversée du temps, Hosoda Mamoru travaille depuis déjà depuis 15 ans au sein de l’industrie de l’animation japonaise. Il y a fait ses gammes à divers postes (storyboarder, animateur-clé) et gravit les échelons en travaillant sur certaines des franchises les plus lucratives (Dragon Ball, Sailor Moon, Slam Dunk). Son talent formel commence à se révéler lorsqu’il passe à la réalisation pour le cinéma pour deux films Digimon en 1999 et 2000, dans lesquels on distingue déjà l’inventivité dont il fera preuve notamment dans les mondes virtuels de Summer Wars (2010). Cela ne passera pas inaperçu puisqu’il est recruté par le studio Ghibli pour réaliser Le Château ambulant (2005), mais l’expérience sera écourtée tant la marge de manœuvre est restreinte face à l’intransigeance d’un Miyazaki Hayao qui réalisera le film lui-même. Après un ultime tour de piste sur une franchise codifiée à laquelle il prête son brio (le film One Piece : Le Baron Omatsuri et l’Île secrète (2005)), Hosoda est enfin prêt à se révéler à la face du monde avec ce magnifique La Traversée du temps.

Préfigurant son leitmotiv par lequel les questionnements ordinaires passent par une expérience extraordinaire, Hosoda déploie une intrigue aussi classique que surprenante mêlant voyage dans le temps, comédie et premiers émois adolescents. Il s’agit de la seconde adaptation du roman de Tsuitsui Yasutaka, (également auteur de Paprika adapté par Kon Satoshi en 2007) après celle d’Obayashi Nobuhiko en 1983. C’est d’ailleurs davantage une sorte de suite/remake puisque le roman original narrait les aventures de la tante de Makoto qui vécut la même aventure, et semble en savoir long sur les nouvelles facultés de l’héroïne dans ce nouveau récit. Hosoda ne recherche cependant pas les vertiges d’un Paprika, ni même d’un Obayashi, et soumet entièrement l’argument fantastique aux émotions immatures de son héroïne.

Le film se focalise plus sur son attachante et gaffeuse Makoto plutôt que sur une imagerie originale du voyage dans le temps (même si l’explication finale est assez bien trouvée). En donnant à une fille insouciante le don de voyager dans le temps, l’histoire limite l’exploitation de son pouvoir à son univers quotidien où elle va s’efforcer de résoudre ses petits soucis de tous les jours : ne plus être en retard, avoir de meilleures notes, prolonger ses moments de ses loisirs… Cela occasionnera d’irrésistibles moments de comédie, notamment la technique des premiers sauts dans le temps, sources de chutes douloureuses. Puis lorsque Makoto se voit confrontée aux conséquences de ses actes insignifiants et provoque des réactions inattendues sur son entourage, le film se teinte progressivement d’un spleen, d’une mélancolie envoutante en devenant de plus en plus dramatique. La révélation finale amène un degré de lecture supplémentaire et une belle émotion contrebalançant la légèreté du début avec une flopée de scènes marquantes dessinant les contours d’une romance touchante (Makoto qui cherchant Chiaki dans la foule, le poignant adieu final).

Hosoda fait preuve d’un brio de narrateur époustouflant, mettant entièrement sa mise en scène sobre au service de l’histoire. Portée par la belle musique de Kiyoshi Yoshida, la réalisation pleine de grâce offre des moments de lenteur hypnotiques et envoûtants accompagnant la perte de repères progressive. C’est bien simple, hormis avec son chef d’œuvre Les Enfants Loups (2012), Hosoda ne tutoiera plus complètement ensuite la grâce contemplative et la pureté sensitive de ce « premier » film malgré d’autres belles réussites.

Justin Kwedi

La Traversée du temps de Hosoda Mamoru. Japon. 2007. En salles le 16/07/2025.