FFCP 2024 – Citizen of a Kind de Park Yong-ju

Posté le 11 novembre 2024 par

Projeté au dernier Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), Citizen of a Kind a remporté le prix du public de la 19ème édition. Une distinction méritée pour cette comédie d’action maligne et hyper attachante.

A deux doigts d’obtenir un prêt qui pourrait la sortir de la dèche, Duk-hee réalise avoir été bernée par un arnaqueur qui s’est fait passer pour sa banque. Devant l’inaction de la police, cette mère de famille décide de se faire justice elle-même, avec l’aide de l’escroc, otage bien malgré lui du réseau de fraudeurs agissant depuis la Chine. Pour enquêter, Duk-hee peut compter sur ses copines de l’usine, direction Qingdao.

En 2019, on découvrait Park Yong-ju avec Second Life, un premier long-métrage prometteur traitant de l’identité à travers le parcours d’une adolescente en fuite. C’est avec beaucoup de plaisir, et un peu de surprise, qu’on la retrouve cette année dans cette même section Paysage avec ce deuxième long-métrage.  Film grand public, produit par un studio et mené par Ra Mi-ran, vedette du petit et grand écran, Citizen of a Kind n’est pas forcément là où on s’attendait à revoir la réalisatrice. Et pourtant, à l’instar de son héroïne, on aurait eu bien tort de la sous-estimer tant elle s’approprie dès les premières minutes, le rythme et les codes d’un cinéma commercial à la fois intelligent et bien ficelé.

Les arnaques téléphoniques, ou phishing, véritable fléau en Corée du Sud, sont récemment devenues un sujet de prédilection dans les productions coréennes, amenant à des résultats mitigés allant de l’anecdotique au franchement médiocre (tel que le thriller On the Line qui adoptait un point de vue similaire à Citizen of the Kind de manière bien plus convenue). Citizen of a Kind, adapté de faits réels survenus en 2016, s’attache à aborder le sujet du point de vue d’une victime, une travailleuse ordinaire en difficulté contrainte de mener sa propre enquête. De manière plutôt fine, le film prend le temps d’explorer l’engrenage amenant à l’arnaque et ses conséquences, révélant chez Park Yong-ju, une réelle capacité à croquer une galerie de personnages immédiatement attachants et, surtout, crédibles dans leurs faiblesses comme dans leurs instants de bravoure.

La réalisatrice, et scénariste, tire ainsi parti de toutes les possibilités offertes par son histoire, en dosant savamment le pathos, la comédie et la tension. Le film est très souvent drôle mais ne laisse jamais le spectateur perdre de vue le danger qui sous-tend les enjeux dramatiques de son récit. Ce numéro d’équilibriste entre rire et violence, Citizen of a Kind s’en acquitte d’une excellente manière grâce à une construction qui rit toujours avec ses protagonistes et jamais contre elles, en particulier dans la seconde partie du film qui plonge l’héroïne et ses amies dans les bas-fonds des cartels chinois. La tendresse du regard de Park Yong-ju sur ses personnages investit tout le film jusqu’à un final diablement efficace et profondément satisfaisant. Final qui n’oublie pas, au passage, un coup de griffe bien senti en direction des pouvoirs institutionnels du pays.

Les films dits commerciaux, réalisés par des femmes cinéastes coréennes, a fortiori des jeunes cinéastes coréennes, ne sont pas légion. Avec Citizen of a Kind, Park Yong-ju démontre une maîtrise des conventions, une aisance à circuler à travers les genres et les styles, ainsi qu’un aplomb certain dans la direction de sa formidable troupe de comédiens, tous très bien servis et exploités, Ra Mi-ran en tête. Dans ce qu’il prétend à être, Citizen of a Kind est une chouette réussite. Le succès qu’il a connu dans les salles coréenne est une bonne nouvelle dans un paysage cinématographique actuel quelque peu morose, et permet d’espérer que la production revienne, peut-être, à davantage de films de divertissement ludiques et incarnés.

Claire Lalaut

Citizen of a Kind de Park Yong-ju. 2024. Corée du Sud. Projeté au FFCP 2024.