Présenté lors de ce 19e Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) et bientôt de retour dans la sélection du Festival Chéries-Chéris, Concerning My Daughter est le premier long métrage de la réalisatrice Lee Mi-rang, et l’adaptation du roman homonyme (traduit par À propos de ma fille) de Kim Hye-jin, publié chez Gallimard.
Le film raconte l’histoire d’une aide soignante d’âge mûr, Mme Oh (la très juste Oh Min-ae), entièrement dévouée à une vieille dame atteinte d’Alzheimer, abandonnée dans une maison de retraite sans parents ni proches après une vie de philanthropie, alors que ses finances viennent à manquer. Pendant que la maladie de sa patiente progresse, Mme Oh accepte d’accueillir à nouveau chez elle sa fille, jeune universitaire, mais celle-ci rentre à la maison avec sa compagne, alors que sa mère refuse toujours d’admettre leur homosexualité.
Le film est assez sobre et élégant dans sa représentation des tensions familiales, avec une absence de musique qui amplifie la pesanteur des ambiances sonores et des choix d’interprétations naturaliste. Tout le film se concentre sur la figure de la mère, personnage ambivalent, partagée entre son empathie qui dépasse de beaucoup le cadre professionnel pour la femme dont elle s’occupe et son homophobie, qui ronge ses relations avec sa fille, et, surtout, la compagne de celle-ci. Le film met en scène la façon dont elle projette ses propres angoisses, sa peur de femme seule de finir abandonnée de tous comme sa patiente, mais aussi sa peur pour sa fille de ne pas avoir une vie « normale », quelqu’un qui reste à ses côtés pour lui éviter l’isolement des vieux jours, qui est paradoxalement ce qui nuit à sa relation avec sa fille.
L’un des grands thèmes du film est la difficulté à mettre des mots sur les situations, littéralement avec le vieille dame ou métaphoriquement avec le refus de l’héroïne de nommer la relation de sa fille et d’appeler les deux jeunes femmes par le nom qu’elles ont choisi. En arrière plan du drame familial, on voit cette situation trouver des échos dans la société elle-même, avec un conflit à l’université où l’administration refuse de dire qu’ils ont renvoyé une enseignante pour son homosexualité, et où la fille de la protagoniste ne peut donc pas verbaliser la relation qu’elle revendique pourtant par ailleurs, mais aussi dans ce qui concerne la relation à la vieille dame, personne ne comprenant les raisons de l’investissement affectif et personnel de l’héroïne pour cette femme qui portant n’est pas de sa famille.
L’enjeu du film est donc une recomposition utopique de la famille, de la vieille dame au couple lesbien, en passant par les enfants de la voisine. Mais cet espoir est de courte durée, effacé par une scène qui semble cyclique par le jeu de sa mise en scène mais qui nie immédiatement et brutalement le moment de grâce.
Le principal reproche à faire au film est l’angélisme de la bru, présentée comme aussi bien intentionnée que compréhensive, même quand on est d’une extrême brutalité avec elle, alors que tous les autres personnages sont bien plus nuancés, par moments altruistes et par moments incapables d’adopter un point de vue autre que le leur, mais l’actrice est suffisamment convaincante dans ce rôle pour faire accepter que ce personnage est simplement si parfait.
Dans l’ensemble c’est un beau film qui choisit de traiter de façon frontale plusieurs sujets compliqués de la société coréenne : la place des personnes âgées, la non reconnaissance des couples homosexuels dans une société très normée, l’isolement social… Il réussit à ne pas se perdre dans l’entremêlement de ces thématiques. On peut à juste titre espérer que la réalisatrice continuera sa carrière avec la même quête de subtilité dans la représentation de ses personnages dans les années qui viennent.
Florent Dichy.
Concerning My Daughter de Lee Mi-rang. Corée du Sud. 2023. Projeté au FFCP 2024