Cette année, le Coming of Age – organisé par les équipes du Festival Allers-Retours – se décline à Paris et à Lyon en trois séances de courts métrages de jeunes auteurs chinois toujours plus surprenantes et diversifiées. Retour sur les cinq films de la seconde séance qui s’est tenue à Paris, au Studio des Ursulines, le 27 septembre au soir.
Hush, My Dear de Yang Xiaoman
La soirée débute sur un court métrage ancré dans la grande tradition du réalisme social chinois. Hush, My Dear raconte l’histoire d’une mère en pleine procédure de divorce qui commet un acte pouvant lui faire perdre la garde de son fils. Ancienne journaliste, la réalisatrice Yang Xiaoman prend à cœur de révéler au grand jour les failles du système bureaucratique chinois au travers d’un comportement auquel quiconque peut aisément s’identifier : la perte de contrôle. Celle qui est punit et punissable par une autorité juridique autant que par la pression sociale. À partir d’un seul évènement, le court récit se déroule sous la forme d’un effet papillon aux tonalités de thriller, en marge de la chose qui importe finalement le plus ici, à savoir la relation entre une mère et son fils face à la violence muette du quotidien. Le discours a parfois tendance à prendre le dessus sur la forme, mais celui-ci démontre bien que la stabilité ne tient souvent qu’à un fil.
Now. Here de Zhao Hao
La soirée se poursuit sur un projet autrement plus fantaisiste que le précédent. Difficile de s’en douter puisque nous avions eu l’occasion de découvrir Zhao Hao au Coming of Age d’il y a deux ans dans cette même salle parisienne avec un premier court-métrage très concret, An Invitation, portrait d’une famille séparée entre Hong Kong et le continent. Pour son second travail, Zhao Hao explore les souvenirs d’un jeune gardien de football confronté à un penalty crucial qui revisite son passé pour comprendre comment il en est arrivé là. L’humour absurde rencontre les délires typiques de l’adolescence dans un gloubi-boulga d’idées de mise en scène, d’écriture et de montage qui font de l’objet filmique en lui-même le premier vecteur de comédie. Confus, peut-être. Génial, sûrement.
Braided de Zhang Chenxi
Pour ce troisième film, place à l’animation, qui depuis longtemps déjà trouve un terrain fertile en Chine et ne cesse de se diversifier. L’un des noms de sa scène indépendante est Zhang Chenxi, qui présente ici un court-métrage introspectif sur le lien profond qui la rattache à sa mère. Le geste tout simple de tresser les cheveux manifeste poétiquement de cette union (re)tracée au fusain sur la courbe des souvenirs. La réalisatrice emploie non seulement des techniques de dessin à la main mais semble également utiliser de vrais cheveux comme pour donner matière et palpabilité à l’abstraction diffuse de l’enfance, dans une démarche de mélancolie réconfortante. En fin de projection, Zhang Chenxi confie que ce travail est le premier que ses parents ont vu de leur fille. De quoi rappeler qu’un film est aussi une source de communication intime de son auteur.
Before Leaving de Yan Kunao
Avant-dernier court-métrage de cette deuxième séance, une fiction-documentaire attendrissante qui permet à la sélection de respirer un peu tout en poursuivant une thématique inépuisable que les deux précédents films abordaient eux aussi à leur façon : les souvenirs. Before Leaving examine le retour d’un étudiant à ses racines familiales après une longue séparation. De cette jolie histoire de retrouvailles où un devoir de photographie prend des allures de dénouement personnel et symbolique, Yan Kunao s’applique à convoquer la notion de l’exil et de l’éloignement, si chère aux cinéastes sinophones contemporains. La distance est au centre du récit et ne s’exprime pas réellement avec des mots, mais plutôt comme une sorte de deuil continu du temps qui passe à l’échelle de la grande et de la petite histoire. Nostalgie partagée avec générosité aux chanceux qui passeraient par là par hasard.
Where Do Ants Sleep at Night de Dean Wei
Pour finir cette deuxième séance du Coming of Age en beauté, au sens propre du terme, un court-métrage phénoménalement bien réalisé, aux images atypiques et singulièrement stimulantes pour la rétine. Dans le noir et blanc éternel d’un espace de bureau, la simple intervention d’un oiseau provoque le chaos. Dean Wei orchestre ce désordre muet en une chorégraphie millimétrée de danse contemporaine au rythme d’une musique industrielle composée par ses soins. Montage, bande sonore et mouvements des comédiens se répondent mutuellement en revenant aux origines gestuelles du cinéma. Dans cet univers froid, dystopique et orwellien où la cadence règne en maître, le cinéaste explore les causes et conséquences de l’aliénation sur le corps et l’espace, en invitant sensiblement à désynchroniser le monde pour en révéler la beauté.
Richard Guerry.
Deuxième séance du Coming of Age 2024.