Carlotta Films sort en édition Blu-Ray Moon Warriors de Sammo Hung, film de sabre typique (dans ses qualités et ses défauts) du cinéma hongkongais des années 90, entre intrigue tortueuse, combats virtuoses et casting haut de gamme.
Fei (Andy Lau), un simple pêcheur, était autrefois un puissant épéiste. Il déjoue une tentative d’assassinat contre le 13e prince (Kenny Bee) et l’aide à reconquérir le trône confisqué par son frère. Croissant de lune (Anita Mui) et Mo-sin (Maggie Cheung) apparaissent comme la future épouse et l’assistance du prince, tout en participant aux combats.
Moon Warriors est un wu xia pian typique, dans ses défauts et qualités, des spécificités du cinéma hongkongais dans ce qu’il a de plus charmant. En ce début des années 90, le wu xia pian retrouve grâce au succès des Swordsman produits par Tsui Hark, un nouvel âge d’or qui entraîne dans la logique commerciale de Hong Kong une surproduction massive du genre. Moon Warriors, dans son script, ne se distingue pas des sommets de l’époque (L’Auberge du dragon de Raymond Lee (1992), The Bride with White Hair de Ronny Yu (1993), Swordman 2 de Ching Siu-tung (1993)) et souffre des spécificités de productions hongkongaises. On a ainsi l’impression durant la première demi-heure de changer plusieurs fois de direction narrative et de protagonistes principaux.
On est tout d’abord focalisé sur la cavale du prince déchu joué par Kenny Bee et l’amour secret que lui voue son acolyte Mo-Sin (Maggie Cheung), avant de vriller sur l’amitié du prince avec le modeste pêcheur Fei (Andy Lau) qui lui a sauvé la vie. Nouvelle rupture de ton lorsque Fei doit protéger Croissant de lune (Anita Mui), la future épouse du prince, les deux tombant amoureux pendant l’aventure. Cette narration brinquebalante est en grande partie due à l’effervescence de la production locale qui sollicite énormément ses stars. On devine ainsi que les étranges entrées et sorties de Maggie Cheung du récit (qui, sur cette période 92/93, atteint son pic de popularité et de productivité à Hong Kong où elle est partout, dans tous les genres et registres dramatiques) vient d’aléas de planning avec lesquels a dû jongler Sammo Hung – qui usa d’astuces de cadrage pour filmer certains dialogues avec Kenny Bee sans qu’il ait tourné les scènes avec les autres acteurs.
Mais l’habitué du cinéma hongkongais est coutumier de ce type de ruptures de ton et l’on finit par se prendre au jeu dans chacun des segments du film, grâce au charme des acteurs et la facture superbe du film. Le quatuor amoureux Kenny Bee/Andy Lau/Maggie Cheung/Anita Mui déborde de charisme et à défaut de fil rouge narratif tenu, celui émotionnel fonctionne parfaitement, que ce soit la romance naïve et coupable Andy Lau/Anita Mui tout en charme suranné, ou une Maggie Cheung torturée à souhait dans sa dévotion. Sur la cohérence du récit, Sammo Hung ne nous laisse guère le temps de trop nous poser de questions en nous pilonnant tous les quarts d’heure de phénoménales joutes martiales chorégraphiées de manière virtuose par Ching Siu-tung et Corey Yuen. Une forêt de bambous dont le sous-sol dissimule des ninjas, des adversaires se substituant à des dames de compagnie derrière un cerf-volant, le climax où un orque meilleur ami du héros (!) vient lui sauver la mise d’un coup d’aileron dans un moment critique, les idées folles abondent, exécutées avec une célérité, une énergie et une science du montage impressionnantes.
Le rythme effréné ne se ralentit que pour justement nous caractériser les personnages selon des motifs certes simples mais efficaces afin de nous attacher à eux. Le contraste entre le statut noble du prince et la désinvolture de Fei qui s’adresse à lui sans cérémonial scelle leur amitié, quand cette même différence sociale sème la discorde puis finit par lier Fei et Croissant de lune. Sammo Hung pose dans ces instants une imagerie contemplative et romantique, alternant splendides décors studio et extérieurs somptueux portés par de belles compositions de plan, et une photo stylisée d’Arthur Wong. En définitive, le côté bricolé n’est pas déplaisant, le mélodrame fonctionne à merveille et l’action décomplexée emporte le morceau. Tout ce que l’on aime dans le cinéma hongkongais de l’âge d’or.
BONUS
Une très courte présentation (2min) de Jean-Pierre Dionnet, reprise de l’ancienne édition DVD du film éditée chez Asian Star dans les années 2000. Dionnet nous propose une biographie succincte de Sammo Hung et du prestigieux casting, tout en apportant quelques informations sur confection du « dernier grand film du Hong Kong classique », comme la présence de Ching Siu-tung à la chorégraphie.
Justin Kwedi
Moon Warriors de Sammo Hung. 1992. Hong Kong. Disponible en Blu-Ray le 20/08/2024 chez Carlotta Films