Après une adaptation française en live action réalisée par Philippe Lacheau qui vaut mieux que sa réputation le laisse penser, le célèbre nettoyeur et détective privé reprend du service dans un nouveau long-métrage produit au Japon pour Netflix. Un retour aux sources à tous points de vue, pour un résultat assez inégal mais non dénué de défauts.
Si par le passé Netflix s’est souvent illustré, et pas de la plus flatteuse des manières, sur le marché des adaptations de manga avec notamment les ignobles Death Note, Cowboy Bebop et autre Full Metal Alchemist, force est de constater que dernièrement, un effort a été fait, apprécié par les fans de manga. L’adaptation de One Piece n’est pas parfaite mais elle a le mérite de proposer une vraie version live du manga (avec un budget et une production de qualité), et celle Yu Yu Hakusho se montre plutôt généreuse et fidèle à l’œuvre originale. Aussi, lorsque l’on découvre que Netflix propose City Hunter, on peut quand même espérer un film qui saura adapter sans trahir, et qui pourra se montrer aussi divertissant que le manga original. Après visionnage, ce n’est pas tant un sentiment de déception qu’une impression de rendez-vous manqué.
Il faut préciser que sur Netflix, il est plus question d’un film City Hunter que d’un film Nicky Larson. Les spectateurs qui auront découvert la série animée qui a fait les grandes heures des émissions de TF1 ne seront pas perdus pour autant ; ils retrouveront ici le héros de leur enfance, puisque les noms, en version française du moins, ont été gardés, et ce même dans les sous-titres si l’on passe en version originale (Kaori devient Laura, Ryo devient Nicky). Mais c’est au niveau du scénario que le matériau original nippon reprend significativement le dessus : il n’est plus question d’une enquête lambda de Nicky et Laura dans le Tokyo interlope, mais plutôt d’une origin story, et plus particulièrement celle de la rencontre entre Saeba Ryo et Kaori, la sœur du meilleur ami du héros qui meurt suite à un accident causé par une mystérieuse drogue, l’Angel dust. Le célèbre nettoyeur va donc remonter la filière de ce fléau, flanqué de Kaori, prête à venger son frère. Tous les ingrédients qui ont fait le succès de la série sont a priori présents, avec ce mélange de comédie grasse et d’action pure et dure. Cependant le résultat, sans être totalement honteux, n’est pas forcément au niveau attendu.
On ne peut pas reprocher au script de ne pas être fidèle au manga lorsque l’on regarde City Hunter. On retrouve le quartier chaud de Shinjuku, Kabukicho, avec sa légendaire ambiance de lieu de débauche et de loisirs pour adultes, et tous les détails du manga sont bien présents. Il y a presque même un plaisir sincère de voir un personnage que l’on a l’impression d’avoir toujours connu prendre vie. Mais rapidement, un des défauts majeurs de cette adaptation saute aux yeux : le film fonctionne beaucoup mieux quand il joue sur le terrain de la comédie que celui de l’action et le drame.
Le long-métrage tente de condenser en 1h45 ce qui faisait l’intérêt de la série et du manga original, parfait équilibre entre action et grosse rigolade à base d’humour, certes souvent gras avec son héros érotomane compulsif. Malheureusement, le scénario doit composer avec un fil rouge dramatique narratif finalement peu original (l’enquête sur une drogue), et qui ne sert qu’à illustrer la naissance du duo Ryu/Kaori, le tout sur fond de vengeance. Il en résulte une accumulation de clichés, de scènes déjà vues mille fois ailleurs, et dont les ressorts dramatiques parviennent difficilement à générer une quelconque émotion. Et ce n’est pas la mise en scène qui relève le niveau des séquences d’action. La réalisation est en pilotage automatique du début à la fin, et se donne juste les moyens d’assurer le minimum syndical lorsque Ryo sort les pistolets, dans des scènes d’action déjà fort peu crédibles dans le manga, mais qui ici achèvent de mettre à mal la suspension d’incrédulité du spectateur.
Pourtant, le film gagne beaucoup de points lorsqu’il se lâche plus généreusement dans le registre de la comédie. Que les fans de la première heure se rassurent, oui, le côté hyper sexué et libidineux de Ryo est bel et bien montré, même si, et c’est un choix tout à fait honorable, une modification a été apportée au personnage concernant sa vision des femmes. Il est maintenant moins forceur, et plus séducteur tendance lourd et gentiment grivois. Et pour ce qui est de la gaudriole, le film ne rate jamais une occasion de faire rire son spectateur, en enchaînant tous les types d’humour, qui vont du slapstick au quiproquo, sans oublier des scènes cultes du manga, comme celle de la danse de la banane. C’est d’ailleurs lorsqu’il s’agit de mettre en scène des séquences de comédie pure que le réalisateur se retrousse les manches, et filme son héros avec juste ce qu’il faut de distance pour ne jamais donner l’impression de s’en moquer. Le parfait exemple est une scène de tentative d’assassinat pendant un concert de pop Idol durant lequel Ryo doit veiller à ce que la chanteuse ne finisse pas abattue par un sniper. Mais alors que tout le monde surveille les éventuels terroristes, Ryo est plus préoccupé par des photographes trop zélés et beaucoup trop entreprenants auprès de la chanteuse. Il en résulte une scène vraiment hilarante de tentatives de photobomb de Ryo affublé d’une ceinture Poney, essayant désespérément de s’incruster sur toutes les photos. La séquence fonctionne merveilleusement bien et est plutôt bien mise en scène car reposant entièrement sur un quiproquo tant scénaristique que visuel. Au passage, on notera que l’interprète du rôle titre est aussi pour beaucoup dans la réussite du film. Investi physiquement lorsque le script l’exige, il arrive à rendre attachant et crédible le personnage de Ryo en live action, tout en donnant l’impression de prendre du plaisir à interpréter la meilleure gâchette de Shinjuku.
Au final, c’est sur un constat mitigé que le film se termine. S’il faut honnêtement reconnaître que l’on ne s’ennuie jamais totalement, le film a la bonne idée d’aller droit à l’essentiel et d’éviter les temps morts. L’on rit souvent de bon cœur face à l’abattage comique du héros de Shinjuku, et on en ressort avec une impression de rendez-vous manqué et de manque d’audace. Le cahier des charges du manga est respecté, mais la mise en scène globalement peu inspirée et un sentiment diffus de frustration plombent l’ensemble. Peut-être que le niveau remontera avec la suite, inévitable au vu de la dernière scène, pur instant de fan-service qui ravira les fans du manga.
Romain Leclercq.
City Hunter de Sato Yuichi. Japon. 2024. Disponible sur Netflix.