NETFLIX – Yu Yu Hakusho de Tsukikawa Sho

Posté le 16 février 2024 par

L’arrivée de la version live action de Yu Yu Hakusho sur Netflix tombe à point nommé pour faire un point sur la tendance actuelle consistant à mettre en scène un manga dans une version live, quand bien même celui-ci aurait eu auparavant les honneurs d’une adaptation sous forme d’animé.

Pour quelle raison peut-on envisager de refaire, malheureusement souvent en pire, ce qui a déjà été créée pour le petit écran ? Nul ne pourrait le dire. Au mieux, ce genre de production existe pour faire découvrir un manga à un public peu réceptif au format animé. Et si la dernière tentative en date n’est nulle autre que One Piece, avec ses défauts mais aussi ses qualités, ce n’est qu’une infime partie de ce qui a été produit. Quelques classiques du manga sont passés par la case live action et soyons honnêtes, à part quelques exceptions notables telles que les films Kenshin le vagabond, c’est souvent catastrophique. Le film américain Death Note tentait de se réapproprier l’univers du manga en l’occidentalisant et en sabotant l’ensemble du matériau original, ou des films comme Full Metal Alchemist qui, de par leur manque de moyens et leur mise en scène indigne d’un DTV, s’avèrent pénibles à regarder, ressemblant d’avantage à une fan fiction live tournée en DV et en costumes petit budget. Nous passerons sous silence Bleach, Mob 100 et autres Saiki Kusuo Psy nan, indignes de leurs modèles animés… Mais qu’en est-il donc de Yu Yu Hakusho ? Et bien, étonnamment, le résultat se situe dans la bonne moyenne des adaptations, pas exempte de défauts mais remplie de bonne volonté et d’ambition.

Un petit rappel s’impose : qu’est ce que Yu Yu Hakusho ? C’est avant tout un manga créé en 1990 par Togashi Yoshihiro publié dans le mythique Weekly Shonen Jump, et qui a donc connu une adaptation sous forme de série animée et divers OAV. Dans le manga, nous découvrons Yusuke Urameshi, jeune adolescent rebelle, bagarreur et cancre notoire, mais avec un bon fond. Après une énième bagarre au lycée, il est témoin d’un accident de la route avec un camion qui menace d’écraser un enfant. N’écoutant que son courage, il sauve l’enfant mais finit écrasé par le véhicule. Il arrive au royaume des esprits où Koenma, le dirigeant, lui explique que son décès n’était pas prévu et qu’il va retourner sur Terre, mais en tant que détective au service du monde des esprits, pour enquêter sur les activités des yokai avec l’aide de ses amis. Voilà pour les grandes lignes d’une œuvre qui s’étale sur 19 volumes et près de 110 épisodes.

C’est justement là que réside le problème principal de cette adaptation. Dans un souci de facilitation d’approche de l’œuvre, la série commence par dégraisser au maximum l’intrigue et se focalise sur un arc narratif des plus simples, celui au sein duquel le grand méchant de l’affaire veut libérer les yokai sur Terre. Les différents protagonistes sont présentés avec leurs propres objectifs (Yuyu doit libérer son amie, Hiei le gentil yokai veut sauver sa sœur, etc.) ; Yuyu s’associe avec des yokai pour vaincre le méchant, et ainsi de suite jusqu’au climax. Malheureusement, la série ne comporte que cinq épisodes et c’est beaucoup trop court pour ce que la série a à offrir. Chaque étape incontournable d’une œuvre pur shonen est ici expédiée et ne dure jamais assez longtemps pour totalement convaincre. Pour preuve, la séquence d’entraînement chez Genkai, la maître en art de combat (à qui l’immense Kaji Meiko prête ses traits), chez qui Yusuke va apprendre à contrôler son fameux rayon mystique. Cet apprentissage est sensé durer vingt jours ; il est ici condensé en 20 minutes chrono, le temps d’une introspection express du héros. Tout le récit est mené au pas de charge, laissant finalement peu de temps au spectateur de s’attacher aux personnages, ou du moins à leur version live action. Les connaisseurs du manga original risquent aussi de froncer les sourcils lorsqu’ils découvriront que le scénario tente de mélanger différents arcs du récit papier pour essayer d’avoir un récit origin story plus ou moins homogène, et en oubliant quelques passages clé. Le résultat n’en est que plus frustrant. On pourra toujours trouver à redire sur le côté candide et naïf de certains dialogues et situations, où amitié et solidarité sont sur-écrits, mais l’on parle d’une adaptation d’un manga shonen, genre matriciel dont les thèmes récurrents sont l’amitié, le dépassement de soi et l’esprit de groupe. En cela, l’esprit du manga est on ne peut plus respecté.

Sur la forme aussi, la série est parfois assez inégale, notamment sur la direction artistique. Pour quelques décors naturels assez remarquables, on pensera au temple de Genkai, perdu dans la forêt, on n’échappera pas aux incontournables entrepôts et souterrains, trahissant de manière rédhibitoire les limites budgétaires du tournage. Le climax est à ce titre assez frustrant, avec Yuyu affrontant le grand méchant de l’histoire dans une sorte d’arène au fond d’une usine.

Mais pourtant, malgré ces défauts que la série peut difficilement cacher, il faut rapidement reconnaître qu’à la mise en scène, la série sait se montrer généreuse et beaucoup plus audacieuse que d’autres adaptations d’animés et il ne faut d’ailleurs pas attendre longtemps avant de s’en rendre compte. Dès les premières minutes du pilote, on assiste à la mort violente et réaliste de Yuyu qui finit sous un camion, scène ultra graphique qui surprend et choque par son réalisme. On remarquera au passage que les effets numériques sont beaucoup plus aboutis que la moyenne, qu’il s’agisse d’animer des yokai ou les effets pyrotechniques des affrontements. Le ton est résolument plus adulte et certains effets visuels sont assez impressionnants à regarder. Un bon point pour les costumes, qui sont généralement à l’origine de nombreuses déconvenues dans les live action. Ici les yokai ont des costumes qui ne ressemblent pas à du fan art et qui arrivent à se rapprocher du matériau original tout en le rendant visuellement crédible, avec peut-être une exception, Hiei, personnage dont l’interprète peu charismatique en diminue la prestance.

Dans Yu Yu Hakusho, on va combattre les démons et il faut reconnaître qu’un soin a été apporté à la chorégraphie et mise en scène des scènes. Force est de constater qu’elles sont découpées et filmées de manière lisible, sans montage cut épileptique. L’affrontement dans la décharge est d’ailleurs assez impressionnante à regarder, avec son héros qui en prend littéralement plein la tête face à un yokai, au cours d’une séquence qui a certes recours aux CGI, mais uniquement pour mettre en scène des longs plans chorégraphiés et utilisant de toutes les manières possibles l’environnement de la décharge. On saura gré à la série de vouloir proposer au spectateur une adaptation fidèle de leurs manga favori sans en atténuer le côté spectaculaire et fantastique par manque d’idées ou de moyens.

On pourra toujours trouver frustrant, dès lors que l’on connaît le manga original, qu’une série en condense l’essentiel en une poignée ridiculement faible d’épisodes, mais pour le spectateur qui voudrait découvrir l’univers de Yu Yu Hakusho sans forcément passer par le manga, la série est une bonne porte d’entrée. Menée pied au plancher dès son pilote, jamais avare en baston, souvent drôle, et portée par une mise en scène qui se donne les moyens de mettre en image un univers au bestiaire fantastique sans jamais le ridiculiser, la série se positionne sans problème dans la moyenne haute des adaptations live réussies.

Romain Leclercq.

Yu Yu Hakusho de Tsukikawa Sho. Japon. 2023. Disponible sur Netflix

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