Une des surprises des sélections de Cannes 2010 fut le retour en force de l’Asie. Deux films coréens en compétition (The Housemaid et Poetry), de belles résurrections (Kitano avec Outrage , Nakata avec Chatroom ), des valeurs sûres (Jia Zhang-ke avec le très beau I wish I knew), un prix pour le Vietnamien Phan Dang Di à la semaine de la critique (celui SACD) : on se croyait presque revenu au début des années 2000. D’autant plus que le marché du film regorgeait de mangas live, de films de Muy Thaï, de monstres coréens, de comédies intraduisibles ou de fantômes aux cheveux sales. Mais surtout, les deux sélections officielles, la Compétition et Un Certain regard, ont récompensé des œuvres asiatiques. Le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul nous livrait avec Oncle Boonmee le plus beau film de la compétition officielle et sa récompense était certainement la palme la plus audacieuse et justifiée depuis des années, tant elle proposait un voyage purement cinématographique et réveillait le pouvoir d’émerveillement du septième art. De l’autre côté, Un Certain regard était certainement la meilleure sélection de 2010, réunissant les réussites des cinéastes les plus importants (Godard, Oliveira, Jia Zhang-ke, Nakata…). En donnant son prix à Hong Sang-soo pour le jubilatoire Ha Ha Ha, c’était aussi un geste cinématographiquement fort qu’avait fait le jury, signalant encore le grand retour de l’Asie à travers des œuvres importantes (mais marginales dans leur pays). Par Victor Lopez.
On se demande alors quel rôle va tenir le cinéma asiatique cette année dans le festival international, s’il va continuer à surprendre, à interpeler, à ouvrir de nouveaux univers ou si au contraire, il va cette fois va passer inaperçu face aux autres géographies. Au niveau de la Compétition, seul le Japon est représenté avec deux films, qui n’ont a priori de commun que leur nationalité, et le fait qu’ils soient en costume. Tout oppose Miike Takeshi et Kawase Naomi. Le premier fait son apparition à Cannes, après s’être illustré dans le V-Cinéma depuis le début des années 80, avant de signer une poignée de chefs d’œuvre trashs bien loin de ce que la Croisette offre de présentable (Audition, Gozu, la trilogie Dead or Alive, Ichi the killer, Visitor Q., etc.) et de se faire depuis quelques années le spécialistes d’adaptations pops de manga (Crows Zero), d’anime (Yatterman) ou de jeux-vidéo (Yakuza). Pour sa première présentation à Cannes, il débarque avec Hara-Kiri, un remake en 3D (on se demande bien pourquoi en passant !) du classique de Kobayashi de 1962. La seconde est presque née à Cannes, avec une caméra d’or à 27 ans pour son premier film Suzaku, avant de remporter le Grand prix du jury avec La foret de Mogari. Elle aussi signe un film d’époque, mais vantant la tranquillité du mode de vie traditionnel de sa ville natale de Nara. Tout le contraire de Hara-Kiri, qui stigmatise la violence et la fausse tranquillité d’un passé où régnait déjà l’injustice la plus totale sous le culte superficiel des traditions qui ne sont là que pour sauver la face. On serait tenté d’opposer les deux films : studio vs indépendant, genre vs auteur, chaos vs harmonie, production pour le marché japonais vs film pour les festivals, etc., mais on est surtout heureux que le Japon ai l’opportunité de montrer ces deux facettes de son cinéma, en espérant que les films soient bons.
Peut-être est-ce dû à l’actualité, signe de soutien au pays, mais il s’agit en effet là des deux seuls films asiatiques de la Compétition. La Chine (Wu Xia de Peter Chan) et l’Inde (Bollywood, a love story) sont relégués hors compétition, quand la Corée et la Thaïlande, qui ont tant surpris l’année dernière, sont tout bonnement absentes de la Sélection ! C’est donc encore une fois vers Un certain regard qu’il faut tourner les yeux cette année : non seulement, la sélection internationale est la plus emballante de Cannes (Gus Van Sant, Guédiguian, Bruno Dumont, Zviagintsev), mais quatre films asiatiques très attendus y seront présentés. Rien que les noms donnent une idée du niveau : Kim Ki-duk, qui revient après 3 ans de silence avec un énigmatique autoportrait, Eric Khoo, qui signe son premier anime, Hong Sang-soo, le vainqueur de 2010 qui remet son titre en jeux et enfin Na Hong-jin, dont on ne s’est toujours pas remis du monumental premier film The Chaser ! C’est donc surtout ici que cela va se jouer…
A moins, et c’est une possibilité, que la surprise vienne de là ou ne l’attend pas : à la Quinzaine des réalisateur, on est impatient de découvrir Busong du philippin Auraeus Solito, qui signe le premier film parlé dans la langue des habitants de l’île de Palawan, « l’indien » (enfin, la production est surtout française…) Chatrak du Skri-lankais Vimukthi Jayasundara, caméra d’or en 2005 pour La Terre abandonnée ou le chinois Sauna on the Moon de Zou Peng, présenté à la Semaine de la critique. Si on rajoute à cela un Sono Sion, des courts métrages (pas beaucoup : un coréen dans la sélection Cinéfondation et un japonais en compét), et surtout des centaines d’inédits au marché du film, on aura de quoi faire cette année au niveau du cinéma asiatique.
Bonne lecture !
See you in Cannes, space cowboy !
Victor Lopez.
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