Après Kitano Takeshi, c’est au tour de Mœbius d’investir la Fondation Cartier du 12 octobre 2010 au 13 mars 2011.
Alors certes, Mœbius n’est pas un artiste asiatique, mais la proximité de ses œuvres avec celles de quelques grands créateurs de monde japonais ( il a partagé une rétrospective avec Miyazaki, mais également collaboré avec Otomo et Taniguchi) nous a quand même donné envie de parler de son exposition qui se tient à la Fondation Cartier du 12 octobre 2010 au 13 mars 2011.
La grande réussite de l’exposition est d’arriver à faire vivre l’univers de l’artiste dans un lieu – le musée – qui n’est pas son habitacle naturel. On voyait déjà le danger d’extraire des pages des bandes dessinées et de les présenter pour leur seules forces d’évocation graphique, qu’elles perdraient naturellement extraites de leur ensemble (l’album). Au contraire, centrés sur la thématique de la transformation, les délires visuels du dessinateur, issus d’une grande variété de supports et de périodes, gagnent ici une unité nouvelle, et arrivent à nous faire voyager dans la planète Mœbius comme de l’intérieur.
On pénètre idéalement dans l’exposition par le cinéma d’animation en 3D, avec la projection du court métrage La Planète encore, réalisé avec Geoffrey Niquet. Si les collaborations de Mœbius avec le septième art sont nombreuses (du sublime Les Maîtres du temps de René Laloux à l’hallucinante adaptation chamanique de Blueberry par Jan Kounen), c’est la première fois que l’artiste prend le poste de réalisateur et adapte une de ses créations. Sorte de mystérieux poème incantatoire, le film de huit minutes est assez convaincant et laisse un bon espoir quand au rendu final du long métrage que prépare Mœbius avec BUF Companie.
Alléché par cette mise en bouche, le spectateur se transforme en arpenteur lorsqu’il pénètre dans la première salle de l’exposition pour parcourir les planches du dessinateur de l’Incal aux sons d’entretiens du maître éclaircissant ou obscurcissant son parcours suivant les moments. La scénographie permet de suivre l’incroyable évolution du style de l’auteur, particulièrement bluffante lorsqu’on considère les diverses planches de Blueberry (le premier tome de la série, écrite pas le très classique Charlier, Fort Navajo, dont la première planche est exposée, date de 1962…). Mais c’est surtout la salle du bas qui actualise l’immersion dans son univers. On y est entouré des visions du maître, qui s’accrochent bien sûr aux murs mais sortent aussi du sol sous la forme de vignettes maintenues par des mini-monolithes au milieu desquelles il est possible de circuler librement.
Cette scénographie permet alors de découvrir l’univers de l’artiste sous un angle nouveau, ses créations s’échappant des albums de bande-dessinée, ce qu’elles ont toujours tendu à faire via leurs déclinaisons sous d’autres formes artistiques pour apparaitre transformées dans l’espace du musée. Si l’expo Kitano n’arrivait pas à réellement convaincre tant le cinéaste y essayait de manière un peu trop forcé de se mouler dans l’habit d’un artiste, l’accrochage de Mœbius séduit par sa capacité à transformer, pour reprendre la thématique de l’exposition, des œuvres pensées pour l’art séquentiel en leur donnant une nouvelle déclinaison et un nouveau sens résonnant dans l’espace du musée.
Victor Lopez.
“Moebius, Transe-Forme” – Fondation Cartier – du 12 octobre 2010 au 13 mars 2011.
Un merci inter-galactique à Valentine Guediguian pour nous avoir permis de découvrir cette exposition lors de son vernissage.