En compétition à Annecy 2020 pour lequel il a remporté le prix de la meilleure B.O., On-Gaku : Notre Rock ! d’Iwaisawa Kenji est un petit bijou indé qui après une distribution en salles en 2020, trouve la voie de nos étals DVD et Blu-ray. Retour sur le film et l’édition vidéo d’Eurozoom.
Un jour d’été, une bande de lycéens un peu délinquants, n’ayant jamais touché un instrument de musique de leur vie, décident de monter un groupe. Ainsi commencent-ils à jouer la rhapsodie décalée de la jeunesse.
À la base, Ongaku est un petit manga indépendant d’Ohashi Hiroyuki, paru dans le courant des années 2000 au Japon, bouclé en un volume et seize chapitres. Dès 2012, le réalisateur Iwaisawa Kenji en ébauche une adaptation. Son travail est assez oublié, on ne lui connaît qu’un seul court-métrage, Kotatsu Majin, en 2012. Ces artistes semblent sur la même longueur d’onde : ils se projettent dans l’indé à travers des réalisations brèves (On-Gaku ne fait qu’une heure et dix minutes) et stylisées.
Comme certaines œuvres indépendantes, On-Gaku déconstruit les éléments culturels dont il s’inspire. Le trio de personnages principaux n’est pas sans rappeler le furyo manga, ces bandes dessinées tournant autour des voyous du lycées ou des bosozoku, les bikers japonais. Dans ce genre, il est question d’amitié virile et de violence, une sorte de descendant spirituel du yakuza eiga. Il peut y avoir une touche de comédie sur certains titres. Que reste-t-il de cela dans On-Gaku ? Seulement l’allure vague des voyous, et la crainte qu’ils sont censés inspirer chez les autres élèves. Car au final, derrière cette carapace de durs – que se plaît à détruire, par exemple, Kitano Takeshi – se cache des personnages éminemment sympathiques, malgré leur faciès de poker face. Ce sont tout simplement des jeunes qui un jour, ont envie de faire du rock, et en cela, ils brillent.
Le minimalisme de la mise en scène correspond, encore une fois, au caractère indé de l’œuvre, et à la déconstruction des genres à laquelle elle s’adonne. En réalité, ce minimalisme n’est qu’apparent, et donne du corps au film. Lors des scènes de dialogue, les longs arrêts sur image, le temps que le personnage réponde, ont quelque chose d’amusant, qui flirte presque avec le suspense, car on imagine une réponse imprévisible. Certaines séquences animées ne payent pas de mine mais se montrent virtuoses. On pense bien sûr aux répétitions dans la chambre d’un des trois copains, où le point de vue tourne comme un cercle autour d’eux de manière sophistiquée. La scène du festival de rock est tout aussi emblématique, tant la graphie utilisée, mélange de dessins et de photographies, cherche à crever l’écran. Même pour des séquences « basiques », on décèle une petite originalité : les contours des personnages, dès qu’ils exécutent un mouvement, montrent un effet de déplacement. Ces petites choses, mises bout à bout, témoignent d’une maîtrise de la mise en scène animée et d’une intention des plus louables : créer une œuvre différente.
Concernant le contenu de l’intrigue, il s’agit, de même, d’un minimalisme positif. Les relations des personnages sont vite établies, nous avons affaire à une bande de potes qui se font plaisir au lycée. Ils sont animés par leurs desiderata et c’est ce qui rend l’histoire intéressante : le personnage principal, Kenji, déclare d’un coup, à un moment-clé, qu’il est ennuyé par le rock. Alors que tout le métrage se construit sur la joie d’une nouvelle activité, son protagoniste en est lassé. Cette réaction spontanée témoigne de la fraîcheur dont sait faire preuve le film. Lorsque l’on observe les autres productions d’animation japonaise, d’autant plus celles qui portent sur l’apprentissage d’une activité ou de la musique, on voit qu’elles versent rapidement dans le dépassement de soi et dans un effort énorme à fournir afin de créer de la tension et de former des protagonistes transcendés. On-Gaku prend le contre-pied de cela et ramène la fiction à son plus simple appareil, une belle spontanéité, à l’image de la vibration primale de rock que composent les trois amis lors de leur premier essai aux instruments. En cela, On-Gaku est un film génial, qui nous rappelle que la fiction japonaise n’est pas qu’affaire de grandes effusions de larmes et de sueur, mais aussi, plus souvent qu’on ne le croit, une ode à la beauté des choses simples, du quotidien.
L’édition vidéo d’Eurozoom (master et bonus)
Le Master : aucun défaut n’est à signaler, la netteté du master HD est totale et les magnifique aquarelles des animations-clés sont rendues au mieux en termes de couleur (copie de référence : Blu-ray).
Making-of (60 minutes). On-Gaku est un pur film d’animation indépendant adapté d’un manga lui-même alternatif, et il aura fallu 7 ans à son réalisateur acharné et son équipe pour produire le long-métrage dans sa totalité, avec un mot d’ordre : aucune concession, tout à la main. C’est un bonheur d’assister à l’entièreté des coulisses, du début de projet en 2012 à sa consécration en 2019. Iwaisawa nous fait part d’absolument tous les secrets du tournage, des trois versions du large storyboard aux prises de vues réelles servant à la mise en œuvre du procédé d’animation de rotoscopie, en passant par le crowdfunding de 2017 pour obtenir les fonds finaux. La rotoscopie, un procédé technique dont l’animation indépendante s’est emparée (The King of Pigs, The Fake, Hana et Alice mènent l’enquête) est détaillé dans son application pratique, ce qui constitue un document intéressant rien pour cet aspect éducatif. On s’amusera à observer l’implication du mangaka de l’œuvre originale, Ohashi Hiroyuki, jusqu’à prendre un rôle d’acteur dans les prises de vues réelles et la communication autour du film, ainsi que l’apport de plusieurs musiciens. Cette aventure est celle d’une bande d’artistes charmants, détaillée d’une manière ludique, pratique et enjouée.
Mountain (court-métrage d’Iwaisawa Kenji, d’après un autre manga d’Ohashi Hiroyuki, 2010, 9 minutes). Autre adaptation d’Ohashi par Iwaisawa, entièrement fait main, Mountain est un petit chef-d’œuvre du haut de ses 9 minutes. L’absence de recourt à une autre technique que celle d’un feutre sur du papier montre le génie d’Iwasaiwa dans le découpage de l’animation. Lorsqu’il dézoome d’un décor, il le met en scène par un enchaînement d’animation-clés et non pas par un simple effet de zoom informatique. Il en ressort une authenticité salvatrice. Le scénario d’Ohashi, qui conte les retrouvailles de deux amis du lycée à la montagne à l’écart d’une société ennuyeuse, est des plus charmants et augure bien de ce que la collaboration entre les deux amis offrira dans On-Gaku.
Maxime Bauer.
On-Gaku : Notre Rock ! d’Iwaisawa Kenji. Japon. 2020. Disponible en Blu-ray et DVD chez Eurozoom le 24/08/21.