Cette année, le Black Movie, qui se déroule habituellement à Genève, prendra place dans votre salon. Dans la catégorie La Femme à la caméra, on s’intéresse au premier film de la réalisatrice Kim Mi-jo : Gull.
O-bok, 61 ans, mère de deux filles dont l’une s’apprête à se marier, travaille au marché de Séoul dont la rénovation est imminente. Un soir, après avoir bu avec des collègues, elle est violée par Gi-taek, lui aussi vendeur, et président du comité en charge de la restructuration du marché. O-bok tente en premier lieu de reprendre sa vie et d’oublier son agression, mais finit par tout raconter à sa fille aînée, qui l’encourage à porter plainte. Sa vie se trouve alors bouleversée.
La réalisatrice raconte qu’elle voulait initialement centrer le film du point de vue de la fille aînée, mais amener O-bok comme personnage principal de ce drame était plus fort. En effet, c’était mettre en lumière les victimes, et notamment les personnes plus âgées qui souffrent elles aussi d’agressions sexuelles et dont on ne parle que trop peu.
Le film suit alors O-bok dans sa quête de justice. Elle tente de trouver du soutien auprès de ses collègues, de la police, mais aussi auprès de sa famille. Les obstacles s’accumulent et le projet immobilier qui menace le marché fait taire les potentiels témoins. O-bok est persuadée que sa voix serait entendue si elle était plus jeune et plus éduquée.
Le film de Kim Mi-jo crie la colère d’une nouvelle génération de cinéastes coréens, en particulier de femmes, qui dénoncent une Corée encore machiste, et dont le système de classes prime sur le bonheur individuel. Kim Mi-jo dresse un bilan peu flatteur de son pays mais offre une leçon de résilience à travers son personnage principal. Le long-métrage a su trouver son public puisqu’il a remporté le Grand Prix de la compétition coréenne au festival de Jeonju.
Si l’intention du film et la sincérité de sa réalisatrice ne peuvent être remis en cause, la forme de ce dernier, quant à elle, souligne le manque de maîtrise de ce premier long-métrage. Si le montage et la direction des acteurs se veulent « nerveux » afin d’accentuer le sentiment de colère et d’injustice du personnage principal, ce qu’on en retient est davantage de l’ordre de l’hystérie que de la rage. Là où Kim Bo-ra avec son premier film House of Hummingbird soulevait les mêmes problématiques sociétales avec délicatesse et subtilité, Gull s’embourbe dans une agitation à la portée émotionnelle faible. On ne peut que le regretter car l’ambition du projet et le choix de prendre O-bok comme héroïne promettaient plus.
Marie Culadet
Gull de Kim Mi-Jo. Corée. 2020. Programmé au Black Movie 2021