VIDEO – Angel Terminators de Wai Lit

Posté le 23 mai 2020 par

En 2019, Spectrum Films a édité le diptyque Angel Terminators, fleuron du sous-genre du polar hongkongais qu’est le Girls with guns. On revient sur le premier volet, réalisé par Wai Lit en 1992.

Un puissant trafiquant de drogues revient à Hong Kong après un exil thaïlandais de quelques années. Décidé à récupérer son ancien territoire, il va se retrouver confronté à l’implacable Ida, une flic prête à tout pour l’abattre.

Angel Terminators est un fleuron du Girls with guns, un des sous-genres les plus féroces du cinéma hongkongais. La matrice du genre est certainement le Police Story de Jackie Chan (1985) avec son croisement de polar, d’arts martiaux et de cascades survoltées. Le Girls with guns se propose donc de décliner la formule avec des héroïnes en lieu et place des habituels protagonistes masculins. L’un des films qui lancera cette vogue est Le Sens du devoir 2 de Corey Yuen (1985) qui fera de Michelle Yeoh LA star d’action féminine à Hong Kong. Le Girls with guns fera donc dans les années suivantes les belles heures du cinéma d’exploitation local, mettant en valeur nombre d’actrices charismatiques comme Cynthia Khan ou Cynthia Rothrock.

Angel Terminators sort alors que le genre arrive à bout de souffle à Hong Kong mais trouve nombre d’amateurs à l’international avec un Occident en pleine découverte du cinéma hongkongais. On le remarque dans la distribution peu prestigieuse devant et derrière la caméra. A la réalisation, on trouve Wai Lit, ancien acteur dont le passage à la mise en scène n’a guère marqué les esprits jusque-là. Sharon Yeung et Kara Hui sont des combattantes accomplies, la seconde formée notamment par le fameux chorégraphe et réalisateur Liu Chia-liang et elle débutera dans quelques célèbres productions de la Shaw Brothers comme Le Sabre infernal (1976). Elle a cependant le malheur d’arriver au moment du déclin du studio et va végéter de longues années à la télévision, entrecoupées de quelques productions modestes. Carrie Ng est une figure connue de la série B hongkongaise, mais le plus souvent reléguée à des seconds rôles et essentiellement pour sa plastique avantageuse. Cet ensemble de « second couteaux » semble donc presque jouer son va-tout dans le spectacle urgent et hargneux qu’est Angel Terminators. On y suit la lutte acharnée entre la policière Ada (Sharon Yeung) et le chef mafieux Jin Zhang (Kenneth Tsang) de retour après lui avoir échappé sept ans plus tôt et bien décidé à reconquérir son royaume criminel. Le scénario, dans son déroulé, est assez simple et prétexte à introduire les grosses scènes d’action. Il se démarque cependant par sa profonde noirceur qui s’illustre dans la caractérisation des personnages et le pessimisme des situations. Le méchant Kenneth Tsang apparaît ainsi à la fois revanchard de son empire à reprendre et mélancolique d’un amour (Carrie Ng) abandonné dans son exil et qui a depuis refait sa vie. Il va cependant recourir à un vice et une violence équivalents pour retrouver l’amour et le business qui demeurent finalement des symboles de pouvoir. Après un ensemble de péripéties jouant la partition classique du chassé/croisé gendarme et voleur, la dernière partie surprend cependant par son profond nihilisme.

On distingue quelques cascades périlleuses ici et là (dont une descente de lampadaire en glissant à toute vitesse) mais qui ne sont jamais mises en exergue pour souligner la « performance » à la manière d’un Jackie Chan ou Michelle Yeoh. Ces morceaux de bravoure se fondent au contraire dans l’urgence du récit qui multiple les gunfights et les combats furieux dans un croisement de chorégraphies virtuoses et chaotiques, filmées avec une nervosité de tous les instants. Pas de place pour l’approche stylisée et opératique d’un John Woo ici, avec des corps tombant ensanglantés sous les balles, se ployant pour recevoir ou infliger des coups rageurs. Sharon Yeung en fliquette teigneuse impose un sacré charisme et rend, contrairement aux tentatives maladroites de féminisme dans le cinéma d’action récent, toutes ses aptitudes naturelles et sans surlignage inutile puisque se fondant dans l’approche pied au plancher du film. C’est sa déchéance qui amène l’aparté plus dramatique du film et qui ne rendra que plus fort le final vengeur. L’antagoniste la plus redoutable est d’ailleurs aussi féminine avec la Japonaise Michiko Nishiwaki, non artiste martiale mais sportive accomplie (notamment dans le bodybuilding) à la  présence magnétique (déjà appréciée d’ailleurs dans Le Sens du devoir 3 (1988)), rendant chacune de ses apparitions mémorables. Le climax est donc l’apothéose de cette approche sombre et féroce avec Sharon Yeung qui achève le méchant de façon aussi jubilatoire que dramatique. Une belle réussite qui entraînera une suite l’année suivante.

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Justin Kwedi.

Angel Terminators de Wai Lit. Hong Kong. 1992. Disponible en combo Blu-Ray/DVD chez Spectrum Films.