Annecy, 2e jour de festival. Zoom sur la légende chinoise du serpent blanc, représentée cette année au travers de deux films : l’un est japonais et ancien, l’autre est chinois et très récent !
Il pleut encore des trombes d’eau sur le lac d’Annecy en ce deuxième jour de festival, qui se remplit de plus en plus. Le public, déjà un peu fatigué, se lâche et on ne compte plus le nombre de « lapin ! » hurlés pendant la bande-annonce du festival, ni les imitations de poisson lors du lancement de la projection. Par contre, on commence à compter les heures de sommeil, qui diminuent, au fur et à mesure.
Cette journée n’aura été que très peu asiatique puisque sur trois films visionnés, seul un est d’origine chinoise : White Snake d’Amp Whong et Zhao Ji. La première journée s’étant conclue par la projection du Serpent blanc de Yabushita Taiji, l’opportunité de traiter de la fameuse légende du serpent blanc est toute trouvée !
White Snake est un long-métrage sélectionné en compétition qui est déjà sorti en Chine, en janvier dernier. S’inspirant de la légende du serpent blanc, adaptée de nombreuses fois au cinéma, notamment par la Shaw Brothers ou Tsui Hark, White Snake suit une jeune femme, nommée Blanca, qui a été sauvée par un chasseur de serpents, Xuan. Mais elle a perdu la mémoire et est loin d’être hors de danger. Ensemble, ils partent à la recherche d’indices sur son identité. Tout au long du chemin, ils font face à de dangereux obstacles et développent progressivement des sentiments l’un pour l’autre. Alors qu’ils sont tout près de découvrir qui elle est vraiment, une catastrophe se profile.
Une fois de plus, la perplexité était au rendez-vous après la projection. Un aperçu de Twitter, des échos en sortie de salle… Bref, les spectateurs, semble-t-il, ont apprécié ce film. Ce qui n’est pas mon cas. Les réalisateurs ont fait le choix d’utiliser la 3D numérique pour ce film, ce qui n’est pas forcément l’idée la plus judicieuse pour se démarquer des mastodontes américains. Autant les paysages sont réussis – sûrement le seul bon point du film -, autant le chara-design n’est pas convaincant. On est tout de même face à un film assez plat, visuellement, et qui connaît même certains loupés techniques lors des nombreuses scènes d’action. On pourrait donc se dire que le fond va rattraper la forme. Et bien… non plus. White Snake essaye, en vain, de concilier la légende ancestrale du serpent blanc tout en amenant une touche de modernité à son propos, à savoir des personnages insupportables (mention spéciale au chien surnommé Doudou, excessivement inutile) et des blagues potaches. On s’ennuie ferme, on ne comprend pas tout et on est rapidement sidéré par la lourdeur du discours. On l’a dit déjà auparavant avec Big Fish & Begonia, ainsi que Have a Nice Day, la Chine possède toutes les ressources nécessaires pour produire de bons films d’animation, créatifs et profonds. Mais il semble que l’influence américaine soit plus forte que la volonté de se démarquer… C’est dommage.
Heureusement, la veille avait été projeté le superbe premier long-métrage d’animation japonais, Le Serpent blanc, réalisé en 1958. La chance était de notre côté puisque le film a été présenté par Kotabe Yoichi, invité d’honneur du festival et maître de l’animation japonaise. Kotabe, dans sa modestie toute nipponne, a spécifié que le film avait beaucoup de faiblesses techniques, en comparaison des Walt Disney de l’époque. Et pourtant, que le film est passionnant, touchant et apporte une touche de fraîcheur !
S’inspirant également de la légende du serpent blanc, le film se déroule dans la Chine ancienne. Un enfant achète au marché un petit serpent blanc. Mais ses parents n’en veulent pas. Il doit donc se résigner, la mort dans l’âme, à le relâcher. Quelques années plus tard, l’enfant est devenu un beau jeune homme, tandis que le reptile refait son apparition sous la forme d’une délicieuse princesse et se met à la recherche de son ancien protecteur. Ils tombent amoureux l’un de l’autre, mais doivent affronter de nombreux périls, parmi lesquels un puissant bonze chasseur de fantômes. Pour trouver le bonheur, ils sont aidés dans leur lutte par les amis du jeune homme, un adorable petit panda plus fort qu’il n’en a l’air et un chat intrépide, ainsi qu’une bande de petits animaux patibulaires convertis à leur cause.
Le film, restaurée, est de toute beauté. Alors, oui, on peut noter certaines faiblesses, en comparaison de ce que pouvait produire les Etats-Unis à la même période. Le film peine par moment à avancer, et utilise la présence d’animaux pour « remplir » l’histoire. Mais Disney faisait de même. Panda le panda et Mimi le renard, très anthropomorphisés, ne sont pas que des gimmicks ; ce sont des personnages réellement développés qui sauront toucher l’âme des enfants et des plus grands. Là où Le Serpent blanc se distingue de ses concurrents américains, c’est dans ses références, asiatiques forcément, chinoises et japonaises plus spécifiquement. Cette influence se voit dès le début, par la pureté et la délicatesse du dessin, qui peut maintenant paraître quelque peu désuet mais qui reste charmant. Délicat et raffiné, Le Serpent blanc emprunte ce qu’il y a de mieux des deux côtés de la planète : l’entertainement américain et la sagesse orientale. Vous pouvez bien sûr découvrir ce film en vidéo, mais quel bonheur de le visionner pour la première fois en salles !
Conclusion : en 1958, on réalisait de meilleurs films sur les légendes ancestrales qu’en 2019 !
Rendez-vous demain pour un compte-rendu sur The Relative Worlds, Underdog et Promare !
Elvire Rémand