Cannes 2011 : Hara-Kiri, mort d’un samouraï (Ichimei) de Miike Takashi (Sélection Officielle, Compétition)

Posté le 19 mai 2011 par

La plus grosse surprise de Cannes était certainement l’annonce de Miike en compétition. La plus grosse déception est le visionnage de son film, un remake impersonnel, anachronique et inutile du chef d’œuvre de Kobayashi. Par Victor Lopez.

On était à la fois impatient et curieux de découvrir le Miike cannois. Voir le réalisateur des délires trash et pop comme Dead or Alive ou Ichi the killer et auteur des récentes zéderries Yatterman et autres Zebraman 2 à Cannes était quand même une nouvelle réjouissante ! Même si cela fait un bon bout de temps que le cinéaste n’a pas fait un bon film, il a signé une œuvre passionnante, dotée de plusieurs sommets surréalistes (Gozu , Visitor Q. , Audition) et son nom pouvait créer la surprise.

Cela dit, deux questions pouvaient inquiéter : tout d’abord, pourquoi s’attaquer à une œuvre majeure de Kobayashi de 1962, dont l’épure complète est aux antipodes du style surchargé de Miike ? Et pourquoi diable utiliser la 3D ? Malheureusement, ces craintes étaient fondées : non seulement, la 3D ne sert à rien (le film va même finalement sortir en 2D en France…), mais la réactualisation est elle-même inutile au possible. On comprend alors trop bien que cette sélection est uniquement dûe au hasard de deux facteurs : la volonté du festival de donner un coup de pouce au Japon en sélectionnant des films du pays du soleil levant et celle de répondre à Venise, qui avait présenté 13 Assassins du même Miike l’an passé. Bref, Cannes aussi voulait son Miike, mais ils n’ont pas choisi le bon…

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Ichimei reprend à la lettre la structure du film de Kobayashi, mais perd en force brute ce qu’il ajoute en pathos. Le film est au final moins moderne que son modèle : le stylisme de Kobayashi était en 1962 une éclatante nouveauté, l’imiter en 2011 est un classicisme passéiste. Pire, la version 2011 noie son discours qui est maintenant presque anachronique. Hara-Kiri était une charge violente contre les traditions japonaises, un procès terrible de l’honneur des puissants, superficiel et d’apparat, écrasants les plus faibles. Le film mettait en cause l’histoire du Japon en détruisant les mythes de son passé idéalisé, et interrogeait ainsi son présent. A l’inverse, Ichimei 2011 est un exercice de style pompeux et vide, qui fait l’erreur d’insister sur la victimisation larmoyante de ses pauvres personnages au lieu de revenir au centre de l’histoire : la confrontation entre le samouraï déchu et le maître du clan…

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Et Miike dans tout cela ? On se demandait avant le festival si 13 Assassins et Ichimei annonçaient, après une période plutôt infantilisante et pop dans sa filmographie, une reconversion en cinéaste respectable, à la notoriété internationale. Hara-Kiri comme le suivant, Ninja Kids, vient en fait prouver qu’il n’en est rien, et s’inscrivent complétement dans le geste cinématographique actuel du réalisateur. Soit revisiter, à travers remakes, adaptations de manga, d’animes, de jeux-vidéo ou d’hommages aux sentaïs (en vrac : Zebraman 2 , 13 Assassins , Crows Zero , Yatterman , Yakuza , Ninja kids), toute la culture populaire japonaise et s’en faire comme le porte-parole critique. Il y arrive plus ou moins bien en fondant son style dans son sujet. Ichimei fait incontestablement parti des échecs, et fait d’autant plus regretter l’ancien Miike Takashi, le cinéaste kamikaze maintenant disparu qui a signé Gozu ou Visitor Q

Victor Lopez.

Verdict :

Sayonara

 

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3 commentaires pour “Cannes 2011 : Hara-Kiri, mort d’un samouraï (Ichimei) de Miike Takashi (Sélection Officielle, Compétition)”

  1. Ah, si on tape sur Miike, je me permets de mettre mon grin de sel. N’ayant pas vu Hara-kiri, je ne défendrai pas ce film, évidemment, mais pour le reste…

    Zebraman 2, une zederie ? M’enfin, j’adore ce film qui, je le trouve, s’inscrit diablement bien dans la filmographie du cinéaste aux côtés de Visitor Q ou Dead or alive. De plus, en agissant comme Rob Zombie avec Halloween 2 en nous montrant en quelques minutes la suite qu’il aurait pu faire et embrayant sur totalement autre chose, il crée la surprise et fait preuve d’une originalité très miikesque…

    J’ajouterais, pour défendre son emploi inutile de la 3d, qu’il s’agit en ce moment de la mode, et que bon nombre de films américain sortent dans une 3d inutiles et quasi invisibles (au hasard, le choc des titans, et un paquet de films de super héros) et il est fort probable que ce soit les producteurs qui aient imposés un transfert en 3d en post prod pour faire mieux pour l’international.

  2. Pour la 3D, c’est apparemment le producteur Jeremy Thomas qui l’a effectivement proposé à Miike, mais le film a ensuite été pensé comme cela et tourné avec le matériel adéquat. Le réalisateur a cependant tout à fait consciemment minimisé tous les effets de 3D sur le tournage… au point que les distributeurs français (Rezo et Orange) ont décidé de le sortir… en 2D !
    Après, il faut savoir que les japonais aussi sont très friands de 3D, au point de ressortir des versions 3D de succès, comme Battle Royale, avec des effets d’éclaboussure de sang de partout (soit exactement ce que Miike a décidé de ne pas faire…)

  3. Battle Royale en 3d avec du sang partout ? Yeah !

    En fait, sans doute que Miike, juste pour emmerder le monde et ne pas faire comme on lui impose, a minimisé la 3d dont il ne voulait pas… Très miikesque comme comportement, je trouve…

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