Le mardi 8 novembre 2011 s’ouvre la 6ème édition du Festival du Film Japonais Contemporain Kinotayo. Pour se mettre dans le bain rien de mieux qu’une petite critique en avant première. Ce sera celle de When I Kill Myself de Nakajima Ryo. Par Jérémy Coifman.
L’action se situe dans un futur proche. Pour endiguer la vague massive de suicides des jeunes, le gouvernement Japonais décide de prendre des enfants de dix ans, choisis au hasard, pour participer à une expérience des plus importantes : connaitre les causes de ces suicides. Bonne chose, pense-t-on, si ce n’est que pour cela, ils opèrent les enfants et leur implante un dispositif relier à un bouton. Ce bouton décidera de la vie ou de la mort de ces enfants. Quand ils le voudront, ils pourront se suicider. Ils sont enfermés dans différents « centres ». Emprisonnés, épiés, totalement désœuvrés, beaucoup céderont sous la pression. Dix ans plus tard, dans un des centres, seuls six enfants sur une quarantaine ont choisis de continuer de vivre.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le scénario de When I Kill Myself surprend. D’abord, il intrigue – on pense à une sorte de Battle Royal – puis, dès que le film commence, on se rend compte que, hélas, ce ne sera pas du tout le cas. Le script d’Okamoto Takaya part du bon pied, on est accroché, mais on est tout de suite ramené à la réalité par la complète sottise de l’ensemble. C’est un peu dur, pensez-vous. Mais si on y réfléchit cinq minutes, tout cela prête à sourire. Comment connaitre les causes du suicide chez les jeunes, si on les enlève de leur cadre habituel ? On les enferme dans une prison, ils sont déscolarisés, coupés de leur famille, de toute pression sociale et, pire : on les pousse à mettre fin à leur jour ! Comment leur suicide pourrait être étudié pour « sauver » les autres jeunes ? Tout cela gâche d’emblée l’expérience tant le point de départ est si incohérent. On a donc du mal à prendre toute cette affaire au sérieux.
Et ce n’est pas avec la distribution qu’on arrêtera de se moquer du film. Tout le cast ou presque semble sortir d’un Drama, et pour cause, ils viennent tous à peu près de là. Leur jeu est outré, ils ont beaucoup de mal à faire passer la moindre émotion.
Mais alors, y a-t-il quelque chose pour sauver When I Kill Myself ? Et bien Nakajima Ryo à un certain talent de metteur en scène, il faut le reconnaitre. Jeune réalisateur (il a 28 ans) avec trois films à son actif (les deux précédents ayant reçu des prix dans différents festivals), on comprend pourquoi il est considéré comme un grand espoir au Japon. Il sait poser une ambiance, faire ressortir de l’émotion (il arrive avec une caméra ce que les acteurs n’arrive pas à faire avec leur corps !). La douleur lancinante de ces enfants prisonniers est bien rendue. Les teintes sont grises, les plans sont exigus. C’est ce qui donne un peu d’intérêt à l’ensemble. On perçoit le talent, ce qui rend les choses encore plus rageantes. On voit qu’avec un scénario plus consistant, le film aurait pu être une franche réussite.
C’est dans sa troisième partie que le film devient plus intéressant. On respire un peu. La photographie change de ton. Malgré tout, on garde cette épée de Damoclès au dessus de la tête des personnages. Le destin qui les rattrape. On pense au récent Never Let Me Go de Mark Romanek.
Alors finalement, où veut en venir When I Kill Myself ? On ne se sait pas trop. D’un sujet aussi sensible et brulant, Nakajima n’en fait rien, ou presque. Le suicide chez les jeunes est un fléau. Le gouvernement, la société broient littéralement ces pauvres enfants. Rien de bien neuf. Quand c’est Fukasaku (Battle Royale reste quand même l’inspiration majeure du film) qui s’y colle, on se prend au moins une bonne claque… Ici, c’est trop tranquille, trop sage. Le réalisateur semble aussi résigné que ses personnages. Pire : on a le droit au couplet sur la perte de l’espoir. Ce qui fait toujours son effet quand on regarde The Shawshank Redemption pour la 400 ème fois, agace dans When I Kill Myself. Pis, la fin est totalement résignée, presque nauséabonde (je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler ceux qui le verront au festival).
Verdict :
When I Kill Myself est un beau ratage. Avec un talent évident, Nakajima se débat avec un scénario absurde et une bande d’acteurs aux têtes d’Idols. Point culminant du film : le générique avec pour fond sonore une chanson J-Pop totalement hors-propos, excellent !
When I Kill Myself de Nakajima Ryo est présenté, du 8 au 29 novembre 2011 dans le cadre du festival Kinotayo. Séances et horaires ici !