LE FILM DE LA SEMAINE – LE CHÂTEAU DE CAGLIOSTRO DE MIYAZAKI HAYAO (EN SALLES LE 23/01/2019)

Posté le 23 janvier 2019 par

C’est un premier film et il n’a pas pris une ride depuis 1979. Signé Miyazaki Hayao, qui est à l’animation ce que John Ford fut au Western, une légende, Le Château de Cagliostro est la bande-annonce d’une filmographie qui se bonifiera avec le temps, une matrice où l’on peut encore cerner des expérimentations, des sensations, des doutes suffisamment sincères pour être acceptés, un film à l’allure vaudevillesque qui sort enfin dans nos salles le 23 janvier grâce à Splendor Films. Rareté donc urgence !

Il me faudra peu pour en dire beaucoup sur ce chef d’œuvre. 3000 signes suffiront.

L’histoire est simple. C’est la conquête d’un territoire, c’est la découverte de l’amour et c’est la dynamique des sentiments qui malmène notre héros, Lupin III, petit-fils du « gentleman cambrioleur » inventé par Maurice Leblanc. Très vite (pléonasme chez Miyazaki), Lupin pose ses valises et nous emmène vers une sombre histoire de faux-monnayeurs, de princesse endormie car trop frustrée, de visage machiavélique et d’intrigues à bout de souffle. Tout n’est que piste ludique dans ce film qui file à toute vitesse pour mieux dompter notre ennui.

La séquence s’ouvre sur un cambriolage. Lupin et son associé se font la malle, balancent le fric dans leur caisse et se tirent aussi vite qu’un coup de dés. Très vite, encore, Lupin constate qu’ils se sont fait berner. Ce sont de faux billets. La réalité est vraie. La fiction sera donc de la manipulation. Dans ce film, il ne faut croire personne excepté les corps impatients des personnages. Ils ne vivent pas, ils tentent de survivre dans ce maelström de fantaisies policières. Ils ne bavardent pas, ils crient leur désespoir, leur joie de vivre parfois et surtout leur fascination à bouger cette société aussi archaïque que primitive. Lupin est celui qui, au lieu de suivre un chemin, préférera le dévier, voire ailleurs, le contourner quitte à se retrouver dans une forêt semée d’embûches et où personne ne voudrait imaginer une histoire. Pas même le meilleur des scénaristes.

Car c’est là que réside la force narrative du film. Miyazaki a cette capacité de placer son héros au beau milieu d’intrigues qui retournent le visuel, qui nous perturbent et font la nique au classicisme. Voir ce film, c’est tenter de jouer aux mots croisés avec des définitions ubuesques. Voir ce film, c’est se sentir gêné en découvrant les « méchants » du film, aussi réalistes dans leurs intentions qu’un vent qui se lève, c’est sourire face à l’influence de Paul Grimault et de son Roi et l’oiseau, et c’est aussi, spectateurs de 2019 que nous sommes, recoller les morceaux du puzzle miyazakien.

Car dans ce Château, on peut d’ores et déjà y goûter les prémices d’œuvres à venir telles que Le Château ambulant ou Le Château dans le ciel. On peut aussi constater que Miyazaki est un romantique délicat. Ne serait-ce que pour cette scène incroyable. Lupin, par une nuit étoilée, gravit le mur du château qui l’emmènera dans la prison dorée de la princesse. Plan large sur elle, dans son salon. Tête baissée. Elle est moins triste que dévastée. On le lui a promis un homme. Le hic, c’est qu’elle n’a jamais rien demandé. Plan américain sur son visage. Puis ses cheveux sont légèrement fouettés par une bise provenant d’ailleurs, donc du hors-champs. Elle se retourne délicatement et arrive à distinguer que la fenêtre du haut est ouverte, qu’une corde y a été hissée et qu’une ombre est maintenant face à elle. « Qui êtes-vous ? » Il répond : « Un voleur ». Il s’approche. Elle réussit à le voir, le reconnait. Il prend un objet de sa poche, une bague et la lui remet. « Vous avez perdu cela » Le comble d’un voleur. La réalité d’un amant. L’avenir d’un couple.

Juste beau.

Samir Ardjoum.

Le Château de Cagliostro de Miyazaki Hayao. Japon. 1979. En salles le 23/01/2019.

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