L’Etrange Festival 2018 – May The Devil Take You de Timo Tjahjanto : Suicide Circus

Posté le 21 septembre 2018 par

Après une incursion dans le genre de son ami Gareth Evans avec Headshot, Timo Tjahjanto est de retour à l’horreur, son domaine de prédilection, avec May The Devil Take You. Et si le diable vient vous chercher, c’est pour vous emmener en enfer, en suivant les traces de Sam Raimi.

A l’aune de la mort de son père, Annie (Chelsea Islan) va retrouver sa belle-famille dans l’ancienne maison familiale qui recèle bien des secrets et des fantômes à l’origine du mal qui touche cette famille. Le cinéaste indonésien montre clairement dès les premières secondes son allégeance à une esthétique de l’horreur très remarquable entre Sam Raimi et la J-horror. Ainsi, il n’est pas dans la recherche d’une expérience nouvelle mais dans la création d’un objet maîtrisé et efficace. Le métrage est donc un espèce de collage de lieux communs du genre, mais qui reste fascinant par la qualité et l’attention que porte le créateur de son œuvre, à bien faire.

C’est aussi la recherche des personnages de l’œuvre, ils veulent bien faire, ce qui est différent de faire le bien. Annie, qui est littéralement rongée par le regret après la mort étrange de sa mère, comme le montre sa cicatrice au bras, cherche à savoir. Voire à réparer l’irréparable. Cette obsession n’a d’égal que la malédiction à l’origine de l’ensemble de ses tourments. Ainsi l’espace du film devient un espace mental où les personnages affrontent leurs peurs autant que leurs proches, où les corps deviennent des objets d’expiation de la folie des esprits. Les personnages font face à la folie qui habite le cœur des hommes, comme chez Sam Raimi. L’influence de ce dernier est plus qu’évidente même si Timo Tjahjanto n’est pas dans un humour aussi cartoonesque, mais plus dans un rire cynique qui serait vu comme cathartique dans un pays où l’opprobre morale semble extrêmement forte, comme le soulignent certains dialogues entre la belle-mère et Annie. Le cinéaste utilise les corps pour se moquer des conventions, là où Raimi faisait du burlesque gore. La mère devient la bête, le frère épouse son impuissance, et la fille devient le vaisseau d’une haine qui l’habitait bien avant sa possession. C’est dans des variations minimes que le cinéaste indonésien construire une œuvre incisive. Mais c’est également dans une humble maîtrise que le cinéaste parvient à nous intéresser malgré certains poncifs.

L’évolution de la colorimétrie et l’attention que le cinéaste porte à la lumière nous offre une expérience onirique qui finalement n’est pas si commune dans la production actuelle. Les mouvements de caméra et les effets toujours très précis nous confortent dans le sentiment que même si ces images semblent déjà avoir été vues, elles frappent toujours autant quand on s’applique à les mettre en scène avec une telle précision. Certes, tout n’est pas réussi, et le métrage sonne faux parfois. Mais l’enchaînement des propositions nous permet toujours de passer outre quand on veut bien y croire.

Timo Tajhanto a donc bien fait, il a tenté de ne pas tomber dans les travers de la production actuelle par une violence viscérale par exemple. Et parce que l’absence de Raimi dans le paysage cinématographique cause une vraie détresse dans le genre, les évocations de l’œuvre du réalisateur de Evil Dead par Tajhanto ne sont au final, pas si mal. Puisse le diable lui laisser le temps de nous proposer une nouvelle œuvre qui, à l’aune de celle-ci, pourrait bien marquer le genre, à moins qu’il ne l’emmène définitivement en enfer.

Kephren Montoute.

May The Devil Take You (Sebelum Iblis Menjemput) de Timo Tjahjanto. Indonésie. 2018. 

Projeté dans le cadre de L’Etrange Festival 2018.