Invité d’honneur lors de la 5ème édition du FFCF en 2010, Ryoo Seung-wan est un jeune réalisateur, dont le film Die Bad fut considéré en Corée comme le premier long métrage le plus remarquable de l’histoire du cinéma coréen (rien que ça !). En 2000, il montrait avec ce film son point de vue brutal sur le monde du début du 21ème siècle dans lequel coexistaient la joie du nouveau millénaire et l’anxiété de la crise économique. Par la suite, quelques films comme No Blood No Tears ou encore The City of Violence ont suffi pour lui coller une étiquette de réalisateur de films d’action. Mais le cinéaste nous a également prouvé qu’il avait plusieurs cordes à son arc, notamment en matière de comédies loufoques, puisqu’avec son Crazy Lee en 2008, il nous gratifie d’un Austin Powers à la sauce coréenne, en bien plus barré. Veteran, le dernier né du réalisateur, fait actuellement le tour des festivals (nous avons pu le voir au Black Movie de Genève). Le Brussels International Fantastic Film Festival (BIFFF) profite de sa 34ème édition pour mettre Ryoo Seung-wan en avant puisque, non seulement Veteran concourt pour le prix thriller, mais le festival propose une petite rétrospective, avec entre autres The Unjust, en DVD depuis le 18 avril 2012. Par Olivier Smach.
Synopsis
Un tueur en série d’enfants se balade dans la nature sans que la police n’arrive à lui mettre le grappin dessus. L’opinion publique grondant de plus en plus, tous les organes au sein de la police sont mobilisés et se rentrent mutuellement dans le lard pour avoir la priorité sur l’affaire. C’est alors que le capitaine Choi Cheol-gi, réputé pour son efficacité, et qui vient de faire tomber un industriel particulièrement corrompu, est désigné avec son équipe pour arrêter le malfaiteur. Mais derrière la plaque du représentant de l’ordre, se cache en réalité un homme prêt à tout pour résoudre l’enquête par des moyens d’action plus que douteux…
Echec et puis échec…
Le film prend la désagréable habitude de nous amener là où on ne s’y attend pas. Avec une ouverture dans laquelle l’un des suspects se fait exécuter par la police et des effets de mises en scène qui vont dans ce sens, on pense dans un premier temps que l’intrigue va tourner autour de la traque du serial killer. On continue d’y croire puisque la narration nous conduit peu de temps après dans les locaux des forces de police, où une cellule spéciale chargée de recenser les indices est mise en place dans le but de trouver le maniaque. Les pièces sur l’échiquier sont en place, leur premier mouvement est donc censé marquer le début de l’enquête. Et puis, finalement, au bout d’une heure, on passe la plupart du temps à attendre quelque chose qui ne viendra pas, c’est à dire la traque du serial killer à proprement parler.
Non, au final, le film s’articule surtout autour d’une histoire de corruption politico-judiciaire entre le capitaine de police, un procureur plus pourri que ça tu meurs, un ancien mafieux reconverti en taupe pour le flic, et puis… c’est tout ! Le film s’appuie donc sur une surenchère de scènes de traîtrise et de retournements de situations à outrance, dans le seul but de savoir qui va finalement réussir à ni**** les autres. On se dit pourtant au bout d’un moment que l’un d’entre eux va lâcher prise et battre en retraite, mais non, ça n’arrive pas… Enfin si, mais seulement à partir de la dernière demi-heure. On sent également quelque peu l’influence d’Infernal Affairs là-dedans, mais force est de constater que le métrage d’Alan Mak, plus maîtrisé, est largement un cran au dessus au niveau de la clarté de l’intrigue et des rapports interpersonnels. A l’instar de The Unjust, il y a pourtant autant de personnages, mais la mise en scène est plus limpide et beaucoup plus sobre. Et puis il faut avouer que bien que très convaincant, Hwang Jeong-min dans le rôle du représentant de l’ordre pourri n’est pas Andy Lau, et n’a donc pas la même classe.
On a donc l’impression que ça tourne en rond plus qu’autre chose, et pendant ce temps là, l’enquête n’avance pas. Le roi n’est donc pas prêt de se faire mater.
Black or White
Cependant, une fois que l’on a compris et accepté le fait de regarder un film différent de celui qui nous était présenté initialement (la faute aux effets d’annonces et de mise en scènes plus qu’éloquents), il faut reconnaître que le scénario est très bien ficelé. Il est toutefois nécessaire de rester bien concentré tout le long du film, étant donné la complexité des relations entre les personnages et celle des événements qui résultent de leurs actions.
Le métrage est également sauvé par un casting d’exception avec des acteurs qui s’en sortent haut la main. Mention spéciale à Ryu Seung-beom, qui incarne un procureur complètement amoral, en se servant de sa position pour entuber toute personne qui se trouve en travers de son chemin. Ce personnage est complètement jouissif ! Hwang Jeong-min, dans le rôle Choi Cheol-gi, le flic pourri est également très bon, et il arrive bien à nous faire ressentir la détresse et la frustration de son personnage qui, poussé à bout, en vient peu à peu à basculer de l’autre côté, et à se laisser aller à ses instincts meurtriers. Reste enfin le mafieux, parfait filou, qui pense lui aussi à plumer tout le monde en protégeant un maximum ses arrières.
En tout cas, le moins que l’on puisse dire de ce film, c’est, qu’à l’instar de la réalité, personne n’est ni tout noir ni tout blanc. Le flic a ainsi de très bonnes intentions quant au fait d’arrêter le serial killer, alors que pour arriver à ses fins, ses méthodes sont plus que douteuses.
De nombreuses scènes d’humour sont présentes dans le film et sont très réussies : il est très fun de voir les organes exécutifs et législatifs se rentrer dedans à la première occasion, cherchant à remettre constamment les fautes sur la responsabilité des autres en cas de faille. Il est également amusant de voir comment les personnages se comportent face à leurs hiérarchies respectives. De plus, à l’instar de Memories of Murder ou Public Enemy, le métrage montre une nouvelle fois, que les flics coréens sont des barbares impulsifs et violents, qui prennent n’importe quel prétexte pour mettre des coups de lattes à répétition.
Olivier Smach.
The Unjust de Ryoo Seung-wan, disponible en DVD et Blu-Ray, édité par Elysée/Elephant Films, depuis le 18/04/2012 et diffusé lors du Brussels International Fantastic Film Festival (BIFFF) 2016.