Master Class avec l’acteur Kim Yun-seok (FFCP)

Posté le 8 novembre 2014 par

Le Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) a réussi plusieurs coups de force cette année : projection de nombreuses avant-première dont le succès au box office coréen Roaring Currents, présence de réalisateurs et d’acteurs, etc. Et quand le FFCP invite un acteur, ce n’est pas n’importe qui. En l’occurrence, cette année, c’est Kim Yun-seok qui a été convié ! Kim Yun-seok crève l’écran à chacune de ses apparitions, notamment dans The Chaser, The Murderer ou The Thieves. Il s’est plié au dur exercice de la Master Class !

kim yun seok

Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir acteur : vocation ou hasard ?

Je suis né dans la province du Chungcheong du Nord mais je n’y ai pas vécu longtemps. J’ai passé ma jeunesse à Busan, jusqu’à mes 20 ans. C’est vrai, j’aimais déjà beaucoup le cinéma et mes parents aussi. J’étais déjà un grand cinéphile.

Est-ce que les films que vous regardiez à l’époque étaient des films coréens ?

Je regardais surtout des films avec mes parents qui passaient à la TV lors des séances du week-end  donc c’était surtout des films hollywoodiens, des westerns et d’autres films comme Vacances romaines, des films avec Burt Lancaster, Kirk Douglas, Autant en Emporte le Vent… Ce sont des films que j’ai découvert à cette époque.

Etiez-vous déjà acteur ou en relation avec le monde du cinéma ?

A l’époque, le métier d’acteur ne m’intéressait pas du tout. J’avais davantage envie de devenir réalisateur.

Vous avez donc fait des études pour devenir réalisateur ?

En fait, au lycée, je n’étudiais pas vraiment, j’étais le cancre au fond de la classe. En classe de 3e, j’ai quand même voulu faire quelque chose : je voulais réaliser un film sur la révolte d’avril 1960. C’était l’histoire d’un jeune homme qui vend des journaux et qui traverse le pont du fleuve Han. Tout à coup, le brouillard se lève et on voit un homme portant des lunettes de soleil. Il fait de grands gestes avec sa main et on entend des bruits de tank et c’est là que le coup d’Etat se produit. On a donc créé un story-board avec mes amis.

Une fois diplômé de l’école, quelles études avez-vous poursuivi ?

Après le lycée, je suis entré à la fac où j’ai choisi comme option les études germaniques. Je voulais choisir le français, mais cette langue avait l’air beaucoup trop compliquée. Cependant, mon allemand s’est arrêté à « guten Tag » donc j’ai laissé tombé ! Par la suite, je me suis inscrit à un club de théâtre. A l’époque, vu qu’il y avait beaucoup de manifestations contre le gouvernement, nous n’avions pas beaucoup de cours, donc je me suis demandé s’il fallait carrément que j’arrête mes études. A la fin de mes 4 années à l’université, lorsque j’ai été diplômé, j’ai été l’un des cinq derniers de ma promotion ! Toutefois, j’étais vraiment passionné par le théâtre qui a été ma voie pendant 20 ans.

Qu’est-ce que vous avez retenu de vos années de théâtre pour votre jeu d’acteur ?

A ce moment, au théâtre, on était en plein dans l’abolition de la distance qui séparait le public de la scène. Cela rejoignait un peu la forme traditionnelle du théâtre coréen, le Madangeuk. Les acteurs n’interprétaient plus des rôles héroïques ; ils jouaient de façon très naturelle et les thèmes se rapprochaient de la vie quotidienne, de la réalité de tous les jours… Et je pense d’ailleurs que cela a permis aux acteurs de théâtre d’avoir un jeu beaucoup plus naturel.

Est-il vrai que vous étiez très ami avec l’acteur Song Kang-ho et que c’est lui qui vous a persuadé de poursuivre votre carrière d’acteur quand vous avez voulu arrêter le théâtre ?

Oui en effet j’étais très ami avec lui, il faisait également parti de la troupe Yeon Woo et on a joué dans cinq pièces de théâtre ensemble. Aujourd’hui, je suis accolé aux rôles de méchant, mais à l’époque, c’était Song Kang-ho qui avait ces rôles et je jouais toujours l’intello tourmenté, le poète, le docteur…

Effectivement, pendant 4 ou 5 ans, j’ai voulu abandonner le théâtre. J’ai commencé à cogiter sur ce qu’était vraiment une pièce de théâtre. Finalement, quand le spectateur ne voit pas la pièce, il ne la connait pas ; elle n’existe pas. Il y avait aussi des raisons économiques. La vie était très dure. Mes parents étaient un peu inquiets car ils m’avaient envoyé à la fac alors que cela coûtait très cher. J’avais vraiment l’impression d’être un fils indigne et cela n’avait aucun sens de continuer. Cependant Song Kang-ho m’a poussé à poursuivre et cela m’a beaucoup aidé. Mais en vérité, je pense que c’est parce qu’il n’avait pas beaucoup d’amis et comme il ne lui restait plus que moi, il a tout fait pour rallumer le feu de ma passion. Je lui en suis reconnaissant.

Parlez-nous un peu de votre expérience dans les dramas ?

J’ai joué dans le drama Love Me When You Can, qui était un drama du matin, donc diffusé du lundi au vendredi. Quand je préparais ma reconversion du théâtre vers la TV ou le cinéma, apparemment, il s’est avéré que j’avais un style de jeu qui était un peu différent des acteurs de l’époque. Lors des préparations de tournage, je me suis rendu compte que le scénariste, qui avait une forte influence sur la production, me détestait. En effet, même si je débutais, j’étais déjà vieux et j’ai appris plus tard que j’avais pris la place d’un acteur que le scénariste aurait voulu pour ce rôle.

J’avais donc un jeu qui était un peu différent et le scénariste ne me supportait pas. Et à chaque journée de tournage, je me faisais réprimander, ça n’allait jamais. Il disait que j’étais trop mou, que je n’articulais pas assez… Je commençais à perdre confiance en moi. C’était vraiment une époque infernale pour moi. A l’époque, l’actrice qui jouait ma femme et celle qui jouait ma fille me tapotaient le dos à chaque fois et m’encourageaient et cela s’est passé comme ça jusqu’au trentième épisode… Le drama ne devait avoir que 60 épisodes à l’origine, mais comme il a battu tous les records pour un drama du matin, il a été prolongé jusqu’au 160ème épisode. Et au début, comme le scénariste ne pouvait pas me supporter, quand il était assis, par exemple à table, j’essayais d’éviter son regard pour ne pas attirer ses foudres et je m’asseyais vraiment le plus loin possible de lui. Cependant, au fur et à mesure que le drama avançait, l’attitude du scénariste a changé et  je commençais à me rapprocher de lui à table afin qu’il me voit mieux, et tout à la fin j’ai fini par m’asseoir en face de lui. Lors d’une lecture de scénario, j’ai senti un regard sur moi et je l’ai vu totalement enamouré. J’ai vraiment compris qu’il y avait eu un revirement de situation, qui est maintenant assez drôle, mais à l’époque c’était vraiment l’enfer. Comme quoi, les choses peuvent changer.

Qu’est-ce que le succès (grâce à Tazza) a changé pour vous ?

J’interprète dans Tazza le personnage du méchant. Comme le film est adapté d’un manga, mon personnage, très important, était celui du méchant. Mais à l’époque, j’étais encore inconnu et le réalisateur Choi Dong-hoon voulait vraiment travailler avec moi parce qu’il m’avait vu jouer au théâtre. Les investisseurs étaient contre, parce que j’étais inconnu, mais comme vous le savez, même Al Pacino, tout le monde était contre son apparition dans Le Parrain. En tout cas, dans ce film-là, je ne joue que cinq scènes et je ne m’attendais pas du tout à tant de répercussions. Le film est sorti lors de la fête de la moisson, en automne et à l’époque, j’étais en train de créer une sorte de blog pour mes enfants en postant des photos d’eux sur internet. Mais comme je ne suis pas doué en informatique, je ne savais pas trop ce qui était public ou privé. Lorsque le film à commencé à avoir du succès, je me suis rendu compte qu’énormément de gens avaient téléchargé les photos de mes enfants. J’ai immédiatement privatisé mon compte, mais c’est pour vous dire à quel point c’est un moment inoubliable.

Vous avez une relation particulière avec le réalisateur de Tazza. Vous avez d’ailleurs joué dans tous ses derniers films, qui ont été de gros succès. Quelques mots sur cette collaboration ?

En effet, dans une interview le réalisateur Choi Dong-hoon a dit qu’il avait l’impression que l’on avait grandit ensemble. J’ai été dans son premier film, The Big Swindle, jusqu’au film The Thieves donc on a vraiment grandi ensemble dans le domaine cinématographique et même dans la vie, on a mûri ensemble. C’est quelqu’un de qui je suis très proche, avec qui je parle beaucoup de cinéma. C’est vraiment un grand camarade.

Vous enchaînez les blockbusters, les films à succès, les grosses productions. Comment choisissez-vous vos rôles ?

Le film The Thieves est un blockbuster, mais lorsque que j’ai choisi de tourner dans des films tels que The Chaser ou encore Punch, je ne pensais pas qu’il y aurait eu un tel engouement de la part du public. Ces deux films traitent de sujets qui ne sont pas si populaires que ça, avec un budget vraiment minime… Donc quand j’ai vu que ces films remportaient un franc succès, j’ai eu l’impression de marquer des buts à chaque fois. Je pense que le succès dépend vraiment d’un facteur chance.

Que pensez-vous de cette montée en puissance d’un cinéma indépendant coréen ?

Sans vouloir dire des banalités, je pense que les films indépendants sont le départ de toute chose. La grande différence entre le Hardware et le Software, c’est que le Software ne peut pas être copié. Sans Software on ne peut pas accéder à un développement. On a beau avoir la 3D ou la 4D ça ne sert à rien, puisque c’est vraiment l’invention qui est la base de tout. Donc c’est vrai que l’on parle de films « indépendants », mais on peut aussi les qualifier autrement et je pense que le plus important c’est de rester dans cet esprit.

Que pensez-vous des nouveaux venus dans le cinéma, au physique de jeunes premiers qui n’ont pas fait de formations avant d’entrer dans le monde du cinéma ou des dramas ?

On voit une montée de ces jeunes issues du milieu de la musique par exemple et à chaque fois on se demande si ce sont des stars ou de vrais comédiens. A l’époque, c’était comme l’huile et l’eau, deux entités qui ne pouvaient pas se mélanger, mais aujourd’hui, je pense que c’est vraiment différent. Ces jeunes ont une vraie passion, de la patience et se donnent à fond. Je pense vraiment que ce mélange est quelque chose de très favorable, et j’espère que ce mélange des genre fonctionnera, qu’un acteur pourra écrire des scénarios ou qu’un chanteur pourra devenir acteur. Je pense que c’est un état vers lequel on avance parce que cela permet d’ouvrir des portes vers un nouveau monde. Concrètement, c’est quelque chose de difficile, mais je pense qu’il faut en retirer du plaisir.

Propos retranscris par Selya et Elvire Rémand.

Crédit photo : FFCP