Critique Preview – The Raid 2 de Gareth Evans (Beaune 2014)

Posté le 8 avril 2014 par

En 2012, The Raid avait eu l’effet d’une petite bombe dans le monde du film d’action. Une suite a donc été rapidement envisagée par son réalisateur gallois Gareth Evans, avec l’intention de repousser encore plus loin les limites du film d’arts martiaux. Découverte du film au Festival International du Film Policier de Beaune en attendant sa sortie en salles cet été.

UN VRAI FILM DE GANGSTER

Le premier opus nous laissait avec Rama, le héros interprété par Iko Uwais, son frère, son collègue blessé et le policier corrompu qu’ils venaient d’arrêter, après avoir décimé tout un immeuble de la plupart de ses sombres occupants. The Raid s’appuyait avant tout sur un scénario très simple et linéaire, prétexte à enchaîner des scènes de baston violentes, sublimées par les mouvements virtuoses du pencak-silat et la mise en scène viscérale de Gareth Evans. L’enjeu principal, très inspiré par l’univers du jeu vidéo à l’ancienne, était de réussir à monter jusqu’au sommet du bâtiment pour affronter le boss final.

The Raid 2 fait directement suite au premier, à quelques heures près. L’introduction nous présente les conséquences immédiates et sanglantes de la purge effectuée par Rama au sein du milieu criminel. Des têtes tombent et des nouvelles apparaissent. Construction en flashbacks, cadres soignées, images léchées… Gareth Evans affiche d’entrée une ambition narrative et esthétique d’un tout autre ordre. Cette longue séquence introductive nous lance implicitement un « vous n’avez encore rien vu », allégation qui sera largement prouvée 148 minutes durant.

A la manière des films de Johnnie To, l’intrigue de The Raid 2 repose sur la confrontation entre plusieurs entités qui gangrènent la ville de Jakarta : la mafia indonésienne dirigée par Bangun, les yakuzas dirigés par M. Goto, un nouveau gang dirigé par Bejo, ou encore la police corrompue dirigée par Reza. En reprenant les codes du film de gangster (complots, manipulations, traitrises…) Gareth Evans démontre un vrai travail scénaristique, bien plus recherché que dans le précédent opus, même si certaines scènes, servant avant tout de lien entre deux morceaux de bravoure, sont un brin trop longues et superflues, la faute à des dialogues redondants et des acteurs pas forcément très impliqués dans leur jeu.

VERTICALITÉ, HORIZONTALITÉ

Une guerre sans merci va bientôt envahir les rues de la ville. Dès lors, pour protéger sa famille, Rama, sous sa nouvelle identité Yuda, doit s’infiltrer dans une prison afin de gagner la confiance d’Uco, le jeune fils ambitieux de Bangun, et ainsi se faire recruter au sein de l’organisation. Si The Raid fonctionnait sur une verticalité physique, la notion de verticalité dans The Raid 2 devient beaucoup plus métaphorique, car il s’agit de gravir les échelons au sein de l’empire criminel pour l’anéantir définitivement. L’ascension de Rama est ainsi signifiée par l’image, notamment grâce au choix des décors. Lorsque notre héros se retrouve en prison, Gareth Evans s’appuie sur une tonalité similaire à celle de The Raid : les murs et le sol sont maculés de crasse. Cette grosse partie est d’ailleurs conclue par une bagarre générale en forme de bain de boue, l’un des nombreux et mémorables morceaux de bravoure qui parcourent le film. L’utilisation de cette immense arène boueuse est optimale et donne à la scène un aspect terriblement sauvage. Par la suite, la matière sale laisse place à des décors au style plus bling-bling et luxueux, tels que l’appartement offert à Rama par Bangun ou le grand restaurant servant de QG à Bejo. Cette évolution esthétique caractérise la montée en grade de Rama au sein de l’organisation criminelle.

La configuration de ce second opus passe aussi par la notion d’horizontalité, puisque le terrain de jeu n’est plus une tour mais une ville ouverte. A la manière du jeu vidéo Grand Theft Auto, l’affrontement entre les différentes entités se répercute directement au niveau de Jakarta. De ce fait, une bonne partie des séquences se déroule dans des zones publiques. Gareth Evans profite de ce vaste univers urbain pour introduire et mettre en scène plusieurs personnages secondaires. Certains ont même leur propre fil narratif, comme une alternative au parcours de Rama, intercalée au sein d’un récit très dense. C’est notamment le cas de Prakoso, nouveau personnage interprété par Yayan Ruhian (après Mad Dog dans The Raid), tueur implacable auquel Evans donne le rôle du héros mélancolique trahi par ses employeurs, le temps de quelques séquences d’action brutales où l’athlète montre une fois de plus toute sa dextérité de combattant. A mi-film apparaissent également ce qu’on appellera « les tueurs au service de Bejo » : la belle Hammer Girl, son frère Baseball Bat Man et le très dangereux The Assassin. Comme leur nom l’indique, ces personnages semblent tout droit sortis de l’univers du manga. Chacun est introduit au cours d’impressionnantes scènes d’action montées en parallèle, faisant l’étalage de leur style de combat et de leur capacité à enchaîner des mises à mort toutes plus violentes les unes que les autres grâce à leurs armes de prédilection (marteaux, batte, couteaux incurvés, pioche…).

HARDER, BETTER, FASTER, STRONGER

Gareth Evans déploie des trésors d’inventivité pour donner à ses scènes d’action, aussi nombreuses soient-elles, une tournure à chaque fois différente, en variant les décors, les chorégraphies ou les armes utilisées. Le réalisateur peut, par exemple, faire monter la pression juste avant le combat, en s’appuyant sur des effets sonores, des ralentis, un montage plus cut et des plans de plus en plus rapprochés pour créer une impression d’amplification des sens. Et une fois le combat lancé, la caméra épouse les gestes et s’adapte au style des combattants en sublimant leurs mouvements. Le combat de dix minutes entre Rama et The Assassin, qui deviendra sans doute un monument du genre pour les années à venir, en est la parfaite représentation.

Dans les scènes d’action faisant intervenir beaucoup plus de personnages, à l’image de la baston générale dans la boue, Gareth Evans aligne avec une certaine virtuosité, une succession de longs plans sans cesse en mouvement, où les finish moves s’enchainent avec une brutalité rare, provoquant des dégâts corporels ultra-réalistes. On se demande à plusieurs reprises comment une telle maitrise du mouvement est possible avec tout ce qui se passe à l’écran. Par exemple, pendant l’énorme course-poursuite, la caméra virevolte de voiture en voiture, rentrant par une fenêtre pour ressortir par une autre, sans coupure et avec une fluidité incroyable, alors même que tout ce beau monde se tire et se roule dessus. Il a sans doute fallu un temps de préparation conséquent pour concevoir chaque plan au millimètre près.

Clipe inédito e cena deletada da ação Operação Invasão 2, de Gareth Evans

Gareth Evans a eu toute la liberté possible en pré-production et au tournage pour peaufiner son film au maximum. The Raid 2 dépasse ainsi toutes nos attentes et se place directement comme un film majeur du genre, ultraviolent mais jouissif et inventif dès lors que les personnages s’engagent dans des bastons absolument dantesques. L’idée d’un remake américain du premier volet devient alors complètement futile tant la barre est placée haut, surtout quand on connait le peu de marge laissé aux réalisateurs par les producteurs hollywoodiens lorsqu’il s’agit d’adapter un film aussi sanglant et brutal.

Nicolas Lemerle.

The Raid 2 de Gareth Evans. 2013. Indonésie.

Présenté au Festival International du Film policier de Beaune 2014. Plus d’informations ici.

En salles le 23/07/2014.