Meni Yaesh avec Les voisins de Dieu, son premier long métrage, invoque Martin Scorsese ou Spike Lee en décrivant une jeunesse israélienne perdue, entre fanatisme, violence et désir d’évasion.
Meni Yaesh est un jeune réalisateur sous influence. Grand fan de Martin Scorsese, il commence son histoire d’amour avec le 7ème art en regardant des films de Chuck Norris, Jean-Claude Van Damme et Bruce Lee. Avec l’histoire d’Avi, jeune fanatique et de sa bande d’amis, Yaesh marie ses deux amours, à savoir la série B d’action et le polar fiévreux seventies.
Les voisins de Dieu est un film sous influence donc qui, dès les premières minutes, ne soutient évidemment pas la comparaison avec ses modèles. Entre des accès de violence brutaux, un humour absurde et une réalisation nerveuse et maniérée, Yaesh désamorce quelque peu le propos intelligent et pondéré.
Filmer un problème de tout un pays à l’échelle d’un quartier est une idée remarquable, même si peu originale. Elle permet à Yaesh d’enfermer d’emblée ses personnages, les laissant seuls avec leur foi, seul refuge, unique échappatoire à une vie morne, à une angoisse permanente. Le tiraillement des personnages, leur quête d’un monde meilleur est un sujet porteur, qu’on aime voir au cinéma. On a toujours goût pour les combats perdus d’avance, les dilemmes moraux et les tragédies qui se nouent. L’empathie est un facteur important pour la réussite de ce genre d’histoires, et elle est aux abonnés absents.
Sous la caméra de Yaesh, les personnages peinent à exister, comme s’ils étaient plus prisonniers des effets de style du cinéaste que des pages de la Torah. On traverse le film sans vraiment se soucier du sort des protagonistes, ce qui minimise grandement la portée sociologique et politique de ces Voisins de Dieu. En essayant trop fort, le jeune israélien multiplie les effets tapageurs et hideux faisant passer le Pusher de Refn pour un modèle de sobriété. La présence du réalisateur est donc trop forte, son envie de bien faire palpable.
On ne peut que louer l’envie et le courage du réalisateur de livrer une critique sincère des dérives fascisantes d’une certaine jeunesse israélienne, mais les chemins empruntés sont bien trop faciles et usés. Le scénario confronte Avi à une femme qui ne partage pas du tout son mode de vie. Lui qui se complaisait dans une existence dans laquelle il est plus facile d’être guidé, il va voir ses convictions bousculées par la jeune Miri qui va l’amener à se questionner sur sa position dans cette société. Dès lors, Yaesh s’embourbe de plus en plus dans ce scénario attendu. Le pamphlet de bonne foi se transforme en succession de scènes un peu niaises.
Les voisins de Dieu est à l’image de son réalisateur, tiraillé entre l’envie de changer les mentalités et de se montrer, forcément. Pourtant, aucun des deux aspects du film n’est tout à fait réussi. Très maladroit visuellement, avec un discours noyé par un scénario paresseux, le premier long métrage de Meni Yaesh est un essai manqué.
Jérémy Coifman
Les voisins de Dieu, disponible en DVD depuis le 20 août 2013 chez Blaq Out.