Kick Off est le second long-métrage du réalisateur irakien kurde Shawkat Amin Korki. Son premier film, À travers la Poussière (2006), mettait en scène deux peshmergas (des combattants autonomistes kurdes) dans l’Irak post-Saddam Hussein. Avec Kick Off (2009), Korki continue d’explorer la situation des Kurdes dans l’Irak contemporaine, avec comme toile de fond l’organisation d’un tournoi de football entre Kurdes, Arabes et Turcs. Kick Off fait partie de la sélection de la troisième édition du festival Asia Connection. Par Marc L’Helgouach
A Kirkouk, dans le nord de l’Irak, des dizaines de familles vivent dans un stade de foot délabré. Les familles, majoritairement kurdes mais également arabes et turques, se sont installées sous les gradins, dans les anciens vestiaires et même dans des cabanes de fortune construites aux abords du terrain de football, qui ressemble plus à un terrain vague ou une déchetterie. Malgré des conditions de vie difficiles, les habitants de cette résidence atypique se consolent en regardant des matchs de foot à la télévision, notamment la finale de la Coupe d’Asie des Nations 2007, remportée par l’Irak face à l’Arabie Saoudite. Pour égayer le stade et réconforter son jeune frère, amputé d’une jambe à cause d’une mine antipersonnel, Aso décide d’organiser un tournoi entre Kurdes, Arabes et Turcs pendant que les attentats terroristes continuent dans le reste de la ville.
Shawkat Amin Korki est intrinsèquement préoccupé par la problématique kurde. Né en 1973 dans la ville de Zakho, territoire à majorité kurde au nord de l’Irak, lui et sa famille ont fui en Iran en 1975, à cause de la répression militaire du régime de Saddam Hussein. Korki a vécu exilé pendant vingt-cinq ans mais réside actuellement à Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan. Quelques mots sur la situation kurde sont nécessaires pour contextualiser Kick Off : les Kurdes forment la plus grande nation sans état du monde. En Irak, le régime de Saddam Hussein a commis de nombreux massacres ethniques à l’encontre des populations. Dans le contexte de l’affrontement entre l’Iran et l’Irak, beaucoup de Kurdes furent victimes de la guerre. Après la guerre du Golfe en 1991, deux régions du Kurdistan irakien sont devenues autonomes. Elles se sont réunies en 2005 et disposent d’un parlement autonome. Il y a environ six millions de Kurdes en Irak.
Kick Off se déroule à Kirkouk qui, officiellement, dépend du gouvernement central de Bagdad, mais qui est aussi considérée par les Kurdes comme la capitale du Kurdistan autonome. Quatre groupes linguistiques vivent dans cette ville : les Kurdes, les Turkmènes, les Arabes et les Assyriens (chrétiens d’Irak). Parler les différentes langues est nécessaire pour bien se faire comprendre par le reste de la population. On voit bien dans le film que chaque communauté parle sa propre langue. Ajoutons à cela l’intervention d’un journaliste américain qui parle anglais. La cohabitation dans le stade est malgré tout paisible. Aso, le personnage principal, reste optimiste et envisage même une histoire d’amour avec une jeune femme appelée Helin.
Taudis à ciel ouvert, le stade de foot se révèle paradoxalement être un havre de paix qui contraste avec les bombes terroristes qui explosent dans le reste de la ville. C’est là qu’est organisé le tournoi de foot inter-ethnique, dans l’esprit olympique de réunir les peuples pour œuvrer en faveur de la paix. Kick Off montre une réalité à la fois heureuse et décourageante : le football a plus de pouvoir que la politique pour réunir les peuples et les faire s’émouvoir. Mais la « diplomatie du football » a ses limites, ce que montre bien Shawkat Amin Korki. Kick Off a reçu plusieurs récompenses internationales : les prix New Current et Fipersci au Festival international du film de Pusan, le Cheval d’Or au Festival international du film de Dubaï, le Grand Prix du Festival du film des pays du Golfe et le Grand Prix du Festival international du film de Taipei.
Marc L’Helgoualc’h.
Verdict :
Kick Off est un film efficace sur les conséquences de la guerre civile dans une ville partagée entre quatre ethnies. Budget limité oblige, la mise en scène est sobre mais efficace. Ce film permet aussi de donner un coup de projecteur sur l’Irak, un pays détruit et plongé dans la guerre civile dans une indifférence presque totale. Shawkat Amin Korki est un cinéaste à surveiller.
Kick Off est disponible en DVD chez trigon-film.