East Asia a vu le nouveau Ghibli : Arrietty, le petit monde des chapardeurs, qui sort en salle le 12 janvier. Résultat : un film soigné mais auquel il manque la folie créative d’un Miyazaki ou d’un Takahata. Premières impressions ici ! Par Victor Lopez.
L’histoire : Dans la banlieue de Tokyo, sous le plancher d’une vieille maison perdue au cœur d’un immense jardin, la minuscule Arrietty vit en secret avec sa famille. Ce sont des Chapardeurs…
A la création du studio Ghibli en 1985, Takahata et Miyazaki se partageaient plus ou moins équitablement les réalisations et signaient chacun un film à tour de rôle. Les années passant, les deux créateurs se voient de plus en plus enclin à passer le relais à la jeune génération. C’est la raison pour laquelle Miyazaki annonce sa retraite avec Momonoke Hime, prêt à laisser les clefs du studio à Kôndo Yoshifumo, qu’il voit alors comme son successeur. Le décès de ce dernier dans un accident de voiture pousse l’inventeur de Totoro à reprendre son poste de réalisateur, mais l’idée de transmission reste bien présente dans son esprit. Il confie ainsi en 2002 Le Royaume des chats à Morita Hiroyuki, en 2006 Les Contes de Terremer à son propre fils Gôro et aujourd’hui Arrietty au débutant Yonebayashi Hiromasa, né en 1973. Comme pour les deux précédents, l’impression est mitigée : on y sent trop le regard de Miyazaki (qui signe ici aussi le scénario) et l’application du cinéaste débutant dans un souci de s’inscrire dans une lignée au style très précis. Mais cette combinaison empêche l’émergence d’un vrai regard et d’une personnalité forte.
Soyons cependant honnêtes : Arrietty émerveille souvent, enthousiasme parfois, mais sent un peu trop le travail bien fait pour emporter pleinement l’adhésion. Rien à dire au niveau de l’animation, qui bénéficie du savoir-faire majestueux de Ghibli. Les décors sont notamment d’une beauté sidérante et utilisent parfaitement le jeu de distorsion d’échelle entre le grand et le petit dans un beau travail sur la perspective. L’attention hallucinante portée aux détails donne une impression de crédibilité totale au monde merveilleux décrit. Le scénario arrive à transcender son concept, qui aurait pu faire penser à un croisement entre Les Minipouces et Chérie, j’ai rétréci les gosses, pour le faire évoluer vers un récit sensible, parlant de la difficulté du passage à l’âge adulte, de la présence de la mort, tout en insérant un discours écologiste un brin attendu mais toujours intelligent. Le rythme du film, assez lent, laisse d’ailleurs une étrange impression de tristesse, de mélancolie et de pessimisme, qui arrive parfois à émouvoir.
L’ensemble manque cependant cruellement d’ampleur et de relief et le résultat, malgré toutes ces qualités, est trop sage pour réellement convaincre. Manque par exemple à la vision de la nature de Yonebayashi le génie créatif et hallucinatoire de Miyazaki, qui excellait, même dans le mineur Ponyo, à jouer de manière jouissive avec des corps en mutations perpétuelles et surprenantes. On reste ainsi sur sa faim au niveau artistique, comme au niveau du scénario, le film ressemblant plus à une introduction d’ une suite qui ne viendra jamais. On attend que les événements décollent, et on s’aperçoit avec stupeur que l’œuvre se termine alors qu’on n’a pas vraiment l’impression qu’elle ait commencé. Arrietty est donc une petite déception, mais reste un beau moyen d’attendre Le Conte du coupeur de bambou, le nouveau projet du studio, qui sera cette fois-ci, signé du maître Takahata Isao.
Victor Lopez.